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J’ai reçu plusieurs commentaires relatant mon calme et ma patience durant un panel télévisé face aux propos d’un autre commentateur politique. Celui-ci, entre autres, niait l’existence du racisme systémique au Québec, tout en partageant sa difficulté à voir la couleur d’une femme noire. Ce commentateur suggérait aussi que le mouvement de lutte contre le racisme en cours générait des tensions. Il mentionnait que ce mouvement n’était «pas sympathique», soulignant que la manifestation de dimanche semblait anglophone. Ce commentateur accusait le «multiculturalisme».
D’abord, merci des encouragements. Des situations comme celle que j’ai vécue hier génèrent pour moi aussi des frustrations. Toutefois, je dirais que je ne pense pas entretenir d’animosité contre le commentateur. Je suis plutôt préoccupé par la nature de ses propos et ce qu’ils semblent révéler de nos croyances collectives. Je suis surtout motivé par le potentiel d’un progrès vers une compréhension commune et crois donc important de partager ce qui suit, en cinq points.
VOYONS NOS DIFFÉRENCES
Premièrement, plusieurs personnes croient qu’en «ne voyant pas les couleurs», en disant que «nous sommes tous pareils», on respecte les différences des gens. C’est une erreur relativement commune parce que ça indique que l’homogénéité est préférable. L’union n’est pas homogène. C’est justement le contraire. Il n’existe pas d’union sans différences. L’union, c’est la mise en commun d’éléments différents, qu’on unit! Les Nations Unies s’appellent comme ça parce qu’elles rassemblent les différents pays. L’union, c’est voir le caractère unique de chacun.e, et de trouver ensemble ce qui nous rallie. Voir la différence est fondamental puisqu’elle permet d’apprécier l’autre et de reconnaître ses défis. C’est là, le plein épanouissement de chacun.e sur un terrain commun.
LA TENSION EST NÉCESSAIRE À LA JUSTICE
Deuxièmement, Martin Luther King a écrit: “I had hoped that the white moderate would understand that the present tension in the South is a necessary phase of transition from an obnoxious negative peace, in which the Negro passively accepted his unjust plight, to a substantive and positive peace, in which all men will respect the dignity and worth of human personality. Actually, we who engage in nonviolent direct actions are not the creators of tensions. We merely bring to the surface the hidden tension that is already alive. We bring it out in the open, where it can be seen and dealt with.“
La tension que certaines personnes perçoivent ne nous mènera pas vers une guerre. Au contraire, je perçois que la mobilisation qui s’étend de Montréal à Rimouski se fait présentement dans un esprit d’union rarement vu.
Ces commentaires, à certaines nuances près liées au contexte, s’appliquent ici. La tension que certaines personnes perçoivent ne nous mènera pas vers une guerre. Au contraire, je perçois que la mobilisation qui s’étend de Montréal à Rimouski se fait présentement dans un esprit d’union rarement vu. N’empêche que oui, le sujet en cause peut être difficile à voir, à entendre. Mais ce passage est nécessaire pour progresser. On ne peut pas faire de guérison sans voir la blessure.
PERSONNE N’ACCUSE PERSONNE
Troisièmement, plusieurs commentateurs, et même notre premier ministre, alimentent l’idée qu’il existerait une intention de quiconque d’accuser les Québécois.e.s. Le fameux «procès des Québécois». D’abord, l’opinion publique indique assez clairement que nous sommes au-delà de cette croyance. Quand des gens de toutes les origines, dans toutes les régions, manifestent, nous sommes dans une mobilisation. Pas un procès. Et cette idée me surprend, parce que les personnes qui souhaitent un monde plus juste sont aussi québécoises. La croyance qu’il y aurait des non-Québécois illustre une fracture importante et complexe. Ce qui m’amène au point suivant.
LE PLURALISME DEMEURERA
Quatrièmement, les besoins de sécurité et d’appartenance sont fondamentaux pour tous les humains. Je fais l’hypothèse que certaines personnes ont la crainte profonde de disparaître, littéralement, en voyant l’émergence d’un pluralisme revendiquant le respect de ses droits. Ça doit être désagréable à vivre, et générer des réactions qui tendent à résister à ce pluralisme. Le monde est en évolution et le pluralisme ira en s’accentuant. À ce titre, nous ne sommes pas encore prêt.e.s, collectivement, à vivre le plein impact du pluralisme.
NOTRE FUTUR EST DANS L’INTERCULTURALISME
Cinquièmement, et finalement, la lutte contre le racisme est essentielle. Elle doit cependant aussi s’accompagner d’une préparation au futur que nous sommes déjà et que nous allons devenir de plus en plus. À ce titre, la notion d’interculturalisme devient essentielle. Qu’est-ce? Il s’agit à mon avis, en contexte canadien, d’une conversation continue. Reconnaissant pleinement les populations autochtones, les peuples colonisateurs venus d’Angleterre et de France et leur statut dans la fondation de notre société, et tous les peuples venus d’ailleurs, qui participent aujourd’hui à notre démocratie. Qu’est-ce qui nous différencie, qu’est-ce qui nous unit? Qu’est-ce qu’on célèbre? Quels sacrifices ferons-nous pour le bien commun? Tous les pans de notre société doivent participer, parce que nous vivons ensemble.
Le futur est ici aujourd’hui. Allez, au travail.
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