Races de commerce

Ce texte est issu du numéro #12 spécial Ethnies

Combien de fois vous êtes-vous demandé : «Uncle Ben, c’est l’oncle de qui au juste ? » Jamais ? Peu importe. Urbania, dans sa croisade pour l’élévation des connaissances humaines, vous dit tout sur Uncle Ben, et sur quelques autres ethnies rendues célèbres par la mercatique.

Aunt Jemima et Uncle Ben. La première vend du mélange à crêpes, le second du riz instantané. Deux produits qui n’ont rien à voir. Et pourtant…
Selon Quaker Oats, qui commercialise le mélange à crêpes Aunt Jemima, la matante en question n’aurait jamais existé. En fait, elle serait née dans l’esprit de l’inventeur du mélange, Chris Rutt, au cours des années 1890. Celui-ci aurait été inspiré par une chanson connue de l’époque, Old Aunt Jemima, interprétée dans un vaudeville par un homme déguisé en grosse «mama » noire…
Quant à Uncle Ben, tout ce qu’indique le fabricant (Mars)* à son sujet, c’est que le monsieur aurait jadis été un cultivateur texan reconnu pour la grande qualité de son riz. Fin de l’histoire.
Ces versions «officielles» sont mignonnes. Elles ont aussi l’heur de faire oublier les controverses qui entourent ces deux illustres Afro-américains. Oui, car voyez-vous, la naissance de ces personnages publicitaires à la peau sombre remonte à une époque où les Noirs étaient surtout considérés comme les subordonnés des Blancs. Des serviteurs, quoi.

Des auteurs soutiennent qu’Uncle Ben serait en réalité une variante d’un personnage ancré dans la culture populaire américaine : un majordome noir du nom d’Uncle Tom. Aunt Jemima, de son côté, rappellerait cette période bucolique où les petits Américains blancs et de bonne famille avaient tous une mamie noire pour remplir leur assiette…
Tordu comme interprétation? Admettons tout de même que la nature des produits que vendent ces deux visages noirs s’y prête bien. Aunt Jemima propose un mélange à crêpes hyperfacile d’utilisation. Et Uncle Ben promeut une marque de riz instantané. Dans les deux cas, il s’agit de produits si simples à préparer, que c’est pratiquement comme si quelqu’un cuisinait pour vous. Merci Uncle Ben, merci Aunt Jemima.

Tenez-vous bien, ce barbu qui décore depuis toujours les paquets de papier à rouler Zig Zag serait nul autre que l’inventeur de la cigarette ! En effet, la légende veut qu’au xixe siècle, un zouave de l’armée française, combattant durant la guerre de Crimée, ait eu sa pipe brisée par un tir de fusil. Plutôt que de chier dans ses culottes bouffantes comme l’aurait fait n’importe qui rasant la mort de si près, notre
valeureux aurait eu, au contraire, l’idée de remplacer sa pipe par du tabac roulé dans un morceau de papier. La cigarette était née !** Et cela démontre bien jusqu’où le génie humain peut aller lorsqu’il est en manque de nicotine…

En 1894, les inventeurs du papier à rouler Zig Zag ont voulu rendre hommage à ce fumeur inconnu.

Que vous ayez ou non déjà parcouru un exemplaire du magazine Mad, vous connaissez certainement ce visage de ti-cul. Il s’appelle Alfred E. Neuman, il est juif, et son visage benêt a circulé bien avant qu’il devienne la mascotte du plus grand magazine humoristique américain, dans les années 50. Au début du xxe siècle, on aurait vu Neuman sur des étiquettes de médicaments et des panneauxréclames.
Il aurait même servi lors d’activités de propagande électorale (en symbolisant « l’idiot » qui voterait pour le parti adverse). Les nazis auraient aussi utilisé cette image pour ridiculiser les Juifs…

Ce vieil Amérindien qui présente les étonnants produits LàKOTA dans les tout aussi étonnantes pubs télévisées n’est pas un chamane qui a passé son existence à concocter des élixirs dans un tipi. Il s’agit de Floyd Red Crow Westerman, chanteur de folk-country et comédien (il a joué dans le film Dances with Wolves). Par ailleurs, l’inventeur de làkota n’est pas un autochtone, mais bien un cowboy, Rick Stewart, qui cherchait une solution pour calmer les douleurs arthritiques de ses chevaux. Des soins des chevaux aux soins des humains, il n’y a qu’un pas !

Avec son mulet et son chapeau d’Indiana Jones, Juan Valdez représente le café de Colombie depuis les années 60. Il a été créé de toutes pièces par l’agence de publicité Doyle Dane Bernbach. Depuis 1969, un certain Carlos Sanchez incarne Juan Valdez à la télé. En 1981, il est devenu si populaire qu’on a décidé de l’inclure dans le logo du café de Colombie. Le secret de son succès ? La moustache, bien sûr..

* Oui, comme les barres Mars.
** Une autre légende veut que les Occidentaux, toujours pendant la guerre de
Crimée, aient découvert la cigarette en voyant leurs comparses turcs fumer
du tabac dans du papier.

Ce texte est issu du numéro #12 spécial Ethnies