.jpg)
Quoi regarder en fin de semaine : Yellowjackets
*Ce texte contient de LÉGERS divulgâcheurs. Très légers, là.*
Quand j’étais petit, mes parents refusaient catégoriquement de me laisser regarder des films d’horreur. Ils avaient peur que ça gâche mon sommeil et que ça me crée des craintes irrationnelles. Bon, c’était là un point de vue raisonnable et je ne dois pas être le seul à avoir vécu ça. C’était la belle époque des slashers : Jason Voorhees, Freddy Krueger, Michael Myers, etc. Ils sont devenus les bonhommes Sept-Heures de mon enfance : la représentation même de la peur dans mon esprit en développement.
Les films d’horreur et la représentation de la violence à l’écran sont aussi devenus une (légère) obsession pour moi. N’interdisez jamais rien à vos enfants si vous pouvez simplement les accompagner là-dedans! Ce n’est pas un intérêt qui va juste disparaître. J’en suis la preuve vivante!
À l’époque, c’était impensable de voir quelque chose d’aussi violent que des films d’horreur à la télévision. Au Québec, des propositions fades comme Sous un ciel variable et Les héritiers Duval dominaient les cotes d’écoute. Nos voisins du sud étaient un poil plus aventureux avec leurs thématiques, mais les Ally McBeal et Beverly Hills 90210 de ce monde n’étaient pas exactement des émissions violentes.
La télévision a beaucoup évolué depuis. Au Québec comme ailleurs. On réfléchit à la violence différemment et on la présente tout aussi différemment. Elle confronte toujours autant, mais elle n’est plus perçue comme étant vulgaire et gratuite. C’est une thématique au cœur de la série Yellowjackets, qui vient tout juste de conclure sa première saison dimanche dernier sur les ondes de Showtime.
La création d’Ashley Lyle et Bart Nickerson m’a ramené en enfance pendant plusieurs semaines et vous pouvez maintenant vous la claquer en un weekend.
https://www.youtube.com/watch?v=mX22D65TqAs
L’indicible violence de la survie
Yellowjackets, c’est l’histoire d’une équipe de soccer féminin à l’école secondaire qui se prépare à aller jouer un match de championnat national à l’autre bout du pays. Leur avion s’écrase en survolant la forêt canadienne. Les filles doivent alors enterrer leurs morts, soigner leurs blessés, trouver de la nourriture et… juste survivre. Jusqu’ici, c’est assez simple, non?
SAUF QUE….
L’écrasement d’avion a eu lieu au milieu des années 90 et Yellowjackets suit le parcours de quatre survivantes : Shauna, Misty, Taïssa et Natalie (jouée par la talentueuse Juliette Lewis). On a accès aux événements de l’écrasement d’avion par une série de flashbacks, mais les quatre femmes semblent vivre tant bien que mal avec le poids d’un horrible secret jusqu’à ce que Natalie et Misty retrouvent Travis (un autre survivant) mort pendu dans de mystérieuses circonstances.
Yellowjackets est une série brutale et sanglante à souhait. Tenez-vous-le pour dit. Les deux créateurs de la série ne font cependant pas dans la provocation et la gratuité. Leur œuvre illustre d’abord et avant tout la brutalité de la survie en forêt du point de vue de personnes socialement privilégiées. On voit des cadavres pourrissants, une amputation d’urgence, un ours éventré et plusieurs autres atrocités à haute teneur en hémoglobine.
Yellowjackets est une série brutale et sanglante à souhait. Tenez-vous-le pour dit. Les deux créateurs de la série ne font cependant pas dans la provocation et la gratuité.
Plus la série devient sanglante, plus on ressent de la compassion pour ces personnages en marge de leurs qualités et leurs défauts. Les survivantes vivent le pire cauchemar de n’importe quelle personne ayant déjà pris l’avion. La peur, le désir et toutes les nuances qui font d’elles des êtres humains sont subjuguées à la brutalité du monde naturel et de la survie en forêt. Yellowjackets est éprouvante émotionnellement parce qu’on regarde des jeunes femmes avoir à gérer des situations sanglantes, mais également parce qu’on les voit graduellement perdre trop tôt une innocence avec laquelle elles auraient pu vivre encore longtemps.
Un crème glacée napolitaine d’horreur
Si Yellowjackets se contentait seulement d’être une série à propos du trauma lié à la survie en forêt, ce serait déjà bien… mais ce n’en ferait pas une série spéciale. Non, ce qui rend Yellowjackets spéciale, c’est sa façon de traiter avec sérieux et humanité le trauma de ses personnages tout en présentant une intrigue d’horreur plus large.
Parce que c’est important de traiter la violence des images qu’on impose à l’audience avec sérieux, mais c’est pas une raison pour ne pas les divertir!
C’est important de traiter la violence des images qu’on impose à l’audience avec sérieux, mais c’est pas une raison pour ne pas les divertir!
Les membres de l’équipe de soccer ont été coincés dans le bois pendant dix-neuf mois. DIX-NEUF FUCKING MOIS. C’est plus qu’un an et demi, ça. On s’entend que c’est pas normal. Avec un plan de vol et le paquet de données que transmet un avion, ça peut prendre combien de temps pour retrouver un aéronef qui n’est visiblement pas tombé dans l’océan? Quatre, cinq semaines max? Même avec les moyens de l’époque, les autorités auraient au moins une bonne idée où chercher. Non, si les protagonistes sont demeurées en situation de survie aussi longtemps, c’est parce que quelque chose les retenait. Quelque chose de pas naturel. J’en dis pas plus.
J’ai beaucoup aimé regarder Yellowjackets pour sa brutalité visuelle et émotionnelle sans prétention, mais aussi parce qu’il s’agit d’une série à propos de jeunes femmes qui deviennent des adultes chacune à leur manière avec tout le trauma, les expériences difficiles, le sacrifice et l’abnégation que ça prend. Il y a quelque chose de très intime et convaincant dans le jeu de Melanie Lynskey, Christina Ricci, Juliette Lewis et Tawny Cypress, qui vivent chacune leur vie au meilleur de leurs capacités avec le poids d’un passé qu’elles refusent même de discuter entre elles.
La première saison de Yellowjackets est entièrement disponible sur Crave. Âmes sensibles, s’abstenir. C’est une série pour les gens qui ont un penchant pour l’horreur. Si vous cherchez quelque chose qui se démarque de l’avalanche de films où les corps s’empilent sans raison et aux histoires de fantômes à n’en plus finir, Yellowjackets est une bouffée d’air frais… ou de sang neuf. Dans les deux sens du terme.
Bon visionnage! Ne l’écoutez peut-être pas avec vos enfants s’ils et elles ne vous le demandent pas, mais ne les laissez surtout pas écouter cette série tout seul.e.s! La thérapie qui pourrait s’en suivre est à vos frais.