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Quoi regarder en fin de semaine : The Standoff at Sparrow Creek
Vous ennuyez-vous de l’époque des clubs vidéo? Personnellement, je ne peux pas dire que ça me manque d’avoir à sortir de chez moi et payer mes locations de films à l’unité maintenant que les Netflix de ce monde existent, mais l’endroit avait quand même ses charmes.
C’était notamment plus facile pour les films à petit budget de se démarquer lorsqu’ils étaient dans la section nouveautés, plus ou moins sur un pied d’égalité avec les productions à gros budget. Ça nous permettait de découvrir des petits bijoux cachés simplement parce que la boite VHS se trouvait à droite ou en dessous d’une rangée complète de copies d’Il faut sauver le soldat Ryan.
En 1998, un film comme The Standoff at Sparrow Creek ne serait jamais passé inaperçu. Je n’avais jamais entendu parler de ce véritable bijou sorti en 2018 avant qu’un ami écrive à son sujet sur les réseaux sociaux il y a quelques semaines. Aujourd’hui, c’est à mon tour de donner au suivant et de vous parler du meilleur film que vous n’avez pas encore vu. Vous pourrez me remercier après l’avoir vu.
Un heureux anachronisme
The Standoff at Sparrow Creek, c’est l’histoire d’un dénommé Gannon (joué par le tough de service James Badge Dale), ancien policier et lieutenant d’une milice locale qui doit se rendre au repère de son groupuscule dans un entrepôt à bois après qu’une fusillade ait éclaté en ville. Un milicien de la région serait débarqué à l’enterrement d’un policier avec un arsenal de guerre et tiré sur tout ce qui bouge pendant plusieurs minutes. Gannon et son patron Ford (Chris Mulkey) essaient d’entrer en contact avec d’autres milices pour avoir plus de renseignements, mais se rendent vite compte que les carabines et l’équipement militaire viennent de leur armurerie.
Une course contre la montre s’enclenche alors pour faire cracher le morceau au coupable qu’ils comptent balancer aux autorités afin de sauver le reste du groupe.
Selon IMDB, le budget de The Standoff at Sparrow Creek s’élève à un maigre 450 000$ et j’ai l’impression que la plupart de cette somme a été dédiée à l’embauche des acteurs.
C’est un film très simple et ça en est parfois désarmant. Selon IMDB, le budget de The Standoff at Sparrow Creek s’élève à un maigre 450 000$ et j’ai l’impression que la plupart de cette somme a été dédiée à l’embauche des acteurs. C’est plein de visages connus dont Patrick Fischler, Happy Anderson et Robert Aramayo. Le genre d’acteurs ayant joué dans 50 films que vous avez déjà vus, mais dont vous n’avez jamais même pris le temps d’apprendre le nom.
Huis clos atmosphérique
Tout le génie de The Standoff at Sparrow Creek repose sur une seule décision. Celle de situer 99% du film à l’intérieur de l’entrepôt dans lequel les miliciens trouvent refuge après la fusillade. Les six hommes sont terrifiés d’avoir à répondre à la police et le réalisateur Henry Dunham illustre cette peur en gardant les forces de l’ordre le plus loin possible de l’écran. Ils ne sont qu’une voix à la radio ou l’ombre d’une paire de bottes dans le stationnement de l’entrepôt.
Dans l’univers de The Standoff at Sparrow Creek, les policiers sont les représentants d’un système sans visage et sans humanité.
C’est un vieux truc dont se servent souvent les films d’horreur : lorsqu’on ne dévoile pas tout, l’audience s’imagine toujours le pire. Dans l’univers de The Standoff at Sparrow Creek, les policiers sont les représentants d’un système sans visage et sans humanité. La vision minimaliste que partage Henry Dunham les rend beaucoup plus menaçants que n’importe quelle autre construction dramatique. Lorsqu’on voit juste l’ombre des pieds d’un policier silencieux , on est en droit de se demander : est-il seul? Y a-t-il des autopatrouilles qui encerclent l’entrepôt? Viennent-ils se venger?
Ce sont-là des réflexions qui viennent naturellement en tête lorsqu’on est témoin de quelque chose d’inquiétant sans en comprendre le contexte, mais ce qui rend ce film aussi captivant, c’est que tous les personnages partagent cette anxiété. Henry Dunham se sert d’un vieux truc narratif pour nous plonger entièrement dans l’était d’esprit de miliciens antigouvernementaux.
Lumet, Bresson & Tarantino
On peut percevoir plusieurs influences dans The Standoff at Sparrow Creek, notamment celle de huis clos légendaires comme 12 Angry Men de Sidney Lumet et Reservoir Dogs de Quentin Tarantino. C’est l’histoire d’une gang de gars coincés ensemble et qui ne peuvent sortir qu’en arrivant à la vérité. Dunham y mélange savamment la violence de Tarantino avec les affrontements verbaux directs et tranchants de Lumet.
On est complètement à la merci des événements, à décoder et interpréter les messages du monde extérieur comme les miliciens de Sparrow Creek.
L’influence la plus ingénieuse qui transparait dans le film cependant est celle d’Un Condamné à Mort s’est échappé, du réalisateur français Robert Bresson. Depuis ce chef-d’oeuvre, je n’avais pas vu un film qui déploie l’intrigue à l’aide uniquement de son et d’éclairage. Que ce soit à travers des messages radio, des gyrophares de voitures, des manigances dans l’ombre ou des bruits de fusillade, on est complètement à la merci des événements, à décoder et interpréter les messages du monde extérieur comme les miliciens de Sparrow Creek comme le protagoniste du film de Bresson. On est prisonniers des événements, comme eux.
Je vous conseille TRÈS fortement The Standoff at Sparrow Creek. Il faut le louer sur YouTube pour y avoir accès, mais ça vaut franchement la poignée de dollars investie ET une partie de l’argent va au réalisateur Henry Dunham. Ce serait le fun qu’il fasse un autre film comme ça un jour, tsé!