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Quoi regarder en fin de semaine : « The Bear »
J’adore manger au restaurant. Si j’en avais les moyens, je me ferais cuisiner et servir de la bouffe par des professionnel.le.s au moins trois ou quatre fois par semaine. (Quoi? Des fois, c’est le fun de se siffler un ramen à 1 $ à la sauvette.) Le principe est simple : bien se nourrir, en faisant le moins d’effort possible. Moins je réfléchis à ma bouffe, plus je l’apprécie.
Il y a bien sûr toute une industrie derrière ça et cette industrie fonctionne selon des principes (relativement) malsains depuis bien avant le choc pandémique de 2020 : horaires difficiles, rivalités, inégalités, hiérarchies douteuses, on est tous et toutes au courant de ça, mais c’est difficile de comprendre à quel point la restauration est un milieu demandant si on y est jamais confronté.e en tant que client.e.
La série The Bear, finalement disponible au Canada via Disney+ après avoir tout cassé chez nos voisins du sud, lève le voile sur la nature chaotique et effrénée de la restauration.
La tyrannie de la cuisine
The Bear raconte l’histoire de Carmen Berzatto (Jeremy Allen White), l’un des meilleurs jeunes chefs en Amérique qui quitte le milieu de la haute gastronomie pour reprendre la shop de sandwich de son frère, qui vient tout juste de s’enlever la vie.
Écrite et coréalisée par Christopher Storer, The Bear rappelle dès les premières scènes le cinéma des frères Safdie (Good Time, Uncut Gems). Un montage dynamique, des personnages qui carburent à l’adrénaline, et surtout, une manière de raconter atypique où les révélations arrivent dans le feu de l’action, souvent de façon subtile et inattendue. On passe beaucoup de temps dans la cuisine, un lieu qui tyrannise les personnages de The Bear pour des raisons différentes pour chacun d’entre eux.
On y rencontre d’abord Carmen, le p’tit frère surdoué et héritier légal du restaurant de Michael. Un stéréotype de personnage haïssable s’il en est un, mais Carmen nous est présenté comme un jeune homme loyal et passionné, transporté par son amour de la bonne bouffe.
The Bear est une série sur la vie en cuisine, mais aussi sur le deuil et l’étrange sentiment de flottement des survivant.e.s après une tragédie.
Il y a aussi le cousin Richie, joué par Ebon Moss-Bachrach. Un gars que vous avez vu plein de fois auparavant et qui vous fera immanquablement dire : « Ah oui, lui! Je l’ai vu dans quoi donc? » Richie, lui, est le stéréotype du héros : le cuistot de carrière, victime des circonstances après le décès de Michael. Le problème, c’est qu’il est super haïssable! Arrogant et fermé au changement, il défie Carmen et cause du trouble à chaque occasion qu’on lui donne.
On rencontre aussi Marcus, Sydney, Tina et plusieurs autres, mais ceux-là, je vous laisse les découvrir. The Bear est une série sur la vie en cuisine, mais aussi sur le deuil et l’étrange sentiment de flottement des survivant.e.s après une tragédie, qu’on ressent surtout via Carmen et sa relation plus ou moins saine avec son travail.
Le feu qui brûle
Un truc à propos de The Bear qui m’a beaucoup plu, c’est le portrait de la passion de Carmen pour la bouffe. On a tendance à romancer les passionné.e.s et les surdoué.e.s dans la fiction en général, mais la relation de Carmen avec son talent transcendant est beaucoup plus nébuleuse. C’est quelque chose qui le possède. Qui lui fait perdre la notion du temps et parfois même de la réalité.
C’est quelque chose que The Bear représente de façon plus que littérale quand Carmen met périodiquement le feu à la cuisine. La symbolique est simple, mais forte : le feu qui l’anime peut le nourrir ou le détruire.
Carmen, c’est comme un mélange entre Gordon Ramsay et votre meilleur.e ami.e de la p’tite école. Celui ou celle qui a full réussi.
Carmen ressent aussi une lourde responsabilité en rapport à ce talent : un détail réaliste souvent laissé de côté dans l’écriture de personnages surdoués. Carmen voit le succès du restaurant de son frère comme une façon de garder son souvenir en vie. Il se met une pression épouvantable sur les épaules pour essayer de faire fonctionner un commerce que tout le monde lui conseille de fermer, parce qu’il croit en son propre talent. The Bear explore ce tiraillement intérieur sans jamais le rendre mélodramatique, ce qui ajoute une dimension vulnérable à Carmen, un personnage déjà plus grand que nature.
Carmen, c’est comme un mélange entre Gordon Ramsay et votre meilleur.e ami.e de la p’tite école. Celui ou celle qui a full réussi.
Les deux premiers épisodes de The Bear sont disponibles sur Disney+ depuis mercredi dernier. Vous aurez droit à deux épisodes supplémentaires chaque semaine pendant tout le mois d’août. C’est court (27 minutes par épisode), différent, effréné, touchant et oui, ça donne faim. La série a aussi été renouvelée pour une deuxième saison à la mi-juillet, quelques semaines après sa diffusion originale sur le réseau américain FX.
Les séries qui font l’unanimité à la fois auprès du public et de la critique sont souvent un tantinet beiges, mais pas celle-ci. The Bear, c’est du solide.