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Quoi regarder en fin de semaine : « Qui a tué Marie-Josée? »
C’est Gaspar Noé qui le disait : le temps détruit tout. Même vos propres souvenirs. À quand remonte la dernière fois où vous avez pensé à Marie-Soleil Tougas? Pourriez-vous nommer trois émissions dans lesquelles elle jouait à part Les Débrouillards? Le temps ne s’arrête pour personne et on oublie trop vite ceux et celles qui n’avancent plus avec. Le souvenir de Marie-Josée Saint-Antoine est tellement loin dans la conscience collective que je ne savais pas jusqu’à la semaine dernière qu’on avait une top modèle québécoise de renommée mondiale.
Ironiquement, j’ai appris l’existence de Marie-Josée Saint-Antoine à travers la série documentaire Qui a tué Marie-Josée? sur Crave. Une série qui remplit honorablement son but d’explorer les dessous d’une enquête non résolue, mais qui soulève aussi beaucoup d’autres questions connexes.
Le point d’interrogation n’est pas nécessaire
Qui a tué Marie-Josée? devrait probablement s’appeler Qui a tué Marie-Josée (sans point d’interrogation), parce que c’est pas un énorme mystère. Plusieurs suspects sont présentés au long des trois épisodes de la minisérie, mais il n’y en a qu’un seul qui avait un motif pour la tuer, qui se trouvait dans la même ville (New York) et qui avait menti à tout le monde à ce sujet. Bon, vous me direz qu’un menteur n’est pas nécessairement un tueur, mais ce n’est qu’un seul facteur incriminant parmi une longue liste que je ne vous divulgâcherai pas.
D’ailleurs, la ville de New York a plus ou moins conclu l’enquête sur la mort de Marie-Josée Saint-Antoine. C’est pas parce que justice n’a pas été faite qu’on n’a pas de réponses.
Plusieurs suspects sont présentés au long des trois épisodes de la minisérie, mais il n’y en a qu’un seul qui avait un motif pour la tuer, qui se trouvait dans la même ville (New York) et qui avait menti à tout le monde à ce sujet.
Bien que Qui a tué Marie-Josée? essaie tant bien que mal de cultiver le mystère, ce n’est pas le point fort de la série. C’est plutôt son regard inquisiteur sur un passé pas si lointain. À travers le prisme d’une enquête criminelle, elle explore un passé culturel dont j’ignorais l’existence. Marie-Josée Saint-Antoine a été assassinée en 1982, à l’aube de l’hypermédiatisation qu’on connaît aujourd’hui.Les chaînes de télé spécialisées, l’internet et la culture de la célébrité qui prendront de l’ampleur pendant les années 80 et 90 ne la présenteront que comme une victime de meurtre, et non pour son travail. Il y avait une top modèle internationale au Québec. Elle travaillait pour Elite Model Management (une des agences les plus réputées) et faisait la couverture de magazines partout dans le monde et beaucoup de personnes de mon âge n’ont jamais entendu parler d’elle. C’est quand même fou.
La série met aussi en lumière comment une tragédie de la sorte change la signification du souvenir de quelqu’un. À travers les témoignages de Jean-Luc, le frère de Marie-Josée , la série explore comment celui-ci est passé du frère de la top modèle au frère de la victime de meurtre du jour au lendemain. Ce dernier fait preuve d’une honnêteté et d’une vulnérabilité à en briser le cœur.
Autres temps, autres moeurs
Un autre aspect grâce auquel Qui a tué Marie-Josée? se démarque est l’utilisation du contexte historique pour faire comprendre les ratés de l’enquête. Dans l’épisode où l’acteur porno Jamie Gillis (et voisin d’appartement de Marie-Josée) devient un suspect, l’auteur du livre Le corps souillé : gore, pornographie et fluides corporels Éric Falardeau intervient pour mettre en contexte les raisons idéologiques derrière les soupçons des enquêteurs.
Même si le meurtre de Marie-Josée Saint-Antoine n’avait aucune composante sexuelle, Jamie Gillis a été pourchassé jusqu’en Californie par les enquêteurs qui trouvaient donc qu’il avait quelque chose de louche.
C’est difficile à comprendre aujourd’hui, mais dans le monde d’avant internet, la sexualité était beaucoup plus taboue qu’aujourd’hui et les gens qui la célébraient étaient perçus comme déviants. Même si le meurtre de Marie-Josée Saint-Antoine n’avait aucune composante sexuelle, Jamie Gillis a été pourchassé jusqu’en Californie par les enquêteurs qui trouvaient donc qu’il avait quelque chose de louche. En 2021, on commence à peine à parler ouvertement de sexualité et d’y réfléchir de façon plus positive. À l’époque, l’ouverture sexuelle était liée à la déviance et à la criminalité. La démystification et la déstigmatisation de plusieurs comportements sexuels étaient encore loin.
Qui a tué Marie-Josée? est disponible sur Crave et s’écoute merveilleusement bien en une soirée, avec une petite bouteille de vin et des convives allumés. Son triomphe n’aura pas vraiment été de me tenir en haleine, mais bien d’offrir un regard sur un passé oublié et sur une jeune femme dont tout le monde devrait se souvenir. C’est important de se rappeler. Le temps aura éventuellement raison de nous tou.te.s, mais tant qu’on se rappelle, il n’aura pas gagné.