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Quoi regarder ce soir : « L’air d’aller »

Une nouvelle série tendre et lumineuse.

Par
Benoît Lelièvre
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Fermez les yeux. Pincez-vous le nez. Serrez les lèvres autour d’une paille et essayez de respirer pendant dix ou quinze secondes.

À l’époque lointaine de mes années à l’école secondaire, on donnait cet exercice à faire aux élèves pour les sensibiliser à la fibrose kystique, un problème génétique qui fait produire au corps du mucus plus épais s’attaquant par le fait même à la capacité respiratoire. Il s’agit de la maladie la plus répandue chez les enfants et jeunes adultes canadiens. L’espérance de vie pour les gens qui en souffrent a beaucoup augmenté depuis 1980, mais elle tourne au gros maximum autour de 50 ans.

L’auteur de la nouvelle série L’air d’aller, Jean-Christophe Réhel, est atteint lui-même de fibrose kystique. Ses quatre personnages principaux aussi. Lorsqu’on vit avec une maladie aussi incapacitante, non seulement c’est difficile d’avoir le même parcours que tout le monde, mais c’est tout aussi ardu de voir la vie comme les autres. À travers sa nouvelle création, Réhel explique ce que cela signifie de vivre avec la moitié du temps et des capacités qu’un être humain moyen et en bonne santé.

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Oui, il s’agit d’une production URBANIA, mais vous connaissez ma règle : je ne la recommanderais pas si je ne la regardais pas indépendamment de l’identité des gens qui l’ont produite. Ça commence ce soir 21h sur les ondes de Télé-Québec et vous ne voulez pas manquer ça.

La vie avec la mort

L’air d’aller, c’est l’histoire de Katrine (Catherine St-Laurent), Gabriel (Antoine Olivier Pilon), Jimmy (Joakim Robillard) et Cindy (Noémie Leduc-Vaudry), quatre jeunes adultes souffrant de fibrose kystique. Au début du premier épisode, Katrine apprend que, si elle veut vivre, elle a besoin d’une greffe de poumons d’ici les cinq prochains mois.

La nouvelle ébranle le quatuor et les confronte à une question cruelle : qu’est-ce qu’on fait avec si peu de temps?

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Sans vous donner de spoilers (il y en a un très bon à la fin du premier épisode), la série de Jean-Christophe Réhel se démarque par son intransigeance existentielle. Alors que la grande majorité des jeunes personnes se contentent d’écouter leurs parents et de suivre le même chemin que tout le monde – aller à l’école, choisir une carrière, rencontrer de nouvelles personnes dans les beuveries universitaires, etc – Karine, Gabriel, Jimmy et Cindy doivent déjà se demander ce qui est important d’avoir vécu afin de mourir sans regret.

L’écriture de Jean-Christophe Réhel est douce et teintée d’un humour rassembleur, mais aussi traversée par une mélancolie profonde.

C’est rough d’avoir un choix comme ça à l’âge où l’on devrait techniquement frencher des inconnus, manger des nouilles ramen toute la semaine et faire des handstand keggers à quelque part, dans une résidence étudiante, mais l’âge à laquelle la tragédie frappe les quatre amis emmène un rayon de lumière à leur situation. Affranchis de l’autorité parentale, mais sans vraiment encore de responsabilités, ils se lancent corps et âme dans cette importante quête au nom de leur amie.

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L’écriture de Jean-Christophe Réhel est douce et teintée d’un humour rassembleur, mais aussi traversée par une mélancolie profonde. Sensible sans tomber dans le sentimentalisme, elle donne une note d’amertume à tous les sourires qu’elle provoque. Le beau y est inévitablement triste et le triste y est inévitablement beau.

Sans dire mot

Une autre qualité de L’air d’aller est sa capacité à raconter la détresse et l’urgence de vivre sans même que les personnages ouvrent la bouche. L’incorporation des chorégraphies de Brittney Canda illustrant des scènes déchirantes est particulièrement efficace pour briser le réalisme et ancrer la série dans un univers émotionnel à la Euphoria.

L’utilisation de la musique donne également du relief à un récit parfois discret et nuancé, que ce soit pour accompagner la douleur qui déchire un personnage ou simplement donner un contexte intuitif. Par exemple, lorsque Donnez-moi de l’oxygène de Diane Dufresne joue durant une scène où les personnages reçoivent des traitements, pas besoin d’expliquer en détail ce qu’ils doivent faire au quotidien pour survivre; on le comprend par nous-mêmes. Ce genre de raccourcis narratifs permet à la fois de rythmer le récit et garder le focus sur l’urgence émotionnelle qui habite les personnages.

Shoutout au héros oublié des années 90 Denis Bernard qui tient le rôle du père de Katrine.

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Bref, L’air d’aller, c’est vraiment bien. C’est une série qui explique et conscientise l’audience aux défis (parfois tragiques) auxquels les gens qui souffrent de cette maladie font face, mais jamais au prix de l’histoire qu’elle raconte. Ça arrive souvent qu’avec ce genre de projet qui se veut didactique, les coins soient tournés ronds au niveau des personnages et qu’ils servent l’idée que le créateur souhaite exprimer sans pouvoir exister par eux-mêmes. Ce n’est pas le cas ici. Les protagonistes de Jean-Christophe Réhel transcendent aisément leur maladie. On voudrait les avoir à la télé tout le temps.

C’est sûr que malgré le caractère sérieux et solennel de L’air d’aller, il faut être dans le mood pour une série aussi enveloppante. La réalisation de Sarah Pellerin est gracieuse. Les performances des acteurs principaux sont tendres et lumineuses. Shoutout au héros oublié des années 90, Denis Bernard, qui tient le rôle du père de Katrine. Ça fait du bien de le revoir.

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Ça fait aussi du bien de laisser de côté les tracas ordinaires pour côtoyer des personnages dévoués à ne vivre que l’important. C’est bon pour l’âme.