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Quoi faire quand votre employeur ne vous paie pas

Parce qu’on connaît tous quelqu’un à qui c’est déjà arrivé, non?

Par
Éric Faucher
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Situation classique, vous faites quelques jours de training à une nouvelle job. Finalement, ça ne fonctionne pas, le boss ne vous trouve pas assez bon ou encore c’est vous qui vous rendez compte que l’emploi ne vous convient pas. Au bout de quelques semaines, vous réalisez que vous n’avez jamais reçu de salaire pour les heures travaillées.

Quand vous essayez de contacter cet employeur, on ne vous répond pas ou pire, on vous dit que c’était seulement une période d’essai donc qu’on ne prévoyait pas vous payer. Pourtant, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) est très claire là-dessus : «Tout temps travaillé ou à la disposition de l’employeur doit être payé».

«Tout temps travaillé ou à la disposition de l’employeur doit être payé».

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Ça inclut les formations, le 10 minutes où votre boss vous demande d’arriver à l’avance, le quinze minutes de fin de shift où vous fermez le magasin et même le temps de transport entre votre lieu de travail habituel et un autre spot où l’on vous demande d’aller dans le cadre de vos fonctions. C’est aussi simple que ça.

Si la situation ci-haut est probablement la plus classique, il existe plusieurs autres cas de figure où un salarié n’est pas payé. Ça peut être à la suite d’une dispute avec le boss où celui-ci refuse de vous adresser la parole, ça peut être à la suite d’une faillite de la compagnie pour laquelle vous travailliez, ça peut être à cause d’une mauvaise interprétation des normes du travail. Ça peut aussi juste être parce que votre patron est un crosseur (oui oui, ça existe ça aussi).

Alors quels sont les recours quand votre (ex-)employeur refuse de vous verser ce qui vous est dû?

La voie légale

Avant d’être capable de faire respecter vos droits au travail, il faut déjà commencer par les connaître. Malheureusement, l’apprentissage des normes du travail ne fait pas partie du cursus scolaire.

Par contre, on peut consulter toute l’information sur le site web de la CNESST dans la section «Normes du travail». Vous y trouverez également des renseignements sur ce que la loi prévoit quant aux congés, aux vacances, aux jours fériés, aux heures supplémentaires ou même au harcèlement psychologique.

Malheureusement, l’apprentissage des normes du travail ne fait pas partie du cursus scolaire.

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C’est justement à la CNESST que vous devrez déposer une plainte si vous décidez d’essayer de réclamer les sommes que votre employeur vous doit. C’est gratuit et ça peut se faire au téléphone ou via Internet. Après quelques jours ouvrables, un inspecteur-enquêteur (c’est le nom officiel) vous contactera pour vous questionner sur la situation dans laquelle vous vous trouvez. Il fera évidemment de même avec votre boss.

Il est donc toujours bon pour vous de profiter de ce délai pour amasser un maximum de documents qui prouvent que vous avez bien travaillé pour l’entreprise contre laquelle vous portez plainte. Contrats, courriels échangés avec l’employeur, témoignages et notes personnelles, tout ça peut servir.

Si l’inspecteur-enquêteur (quel beau pléonasme, on va se le dire) juge qu’il y a bien matière à plainte, il établira une réclamation pour vous et la fera parvenir à l’employeur fautif. Ce dernier aura 10 jours pour payer le montant réclamé, faute de quoi votre dossier sera transmis à un avocat de la Commission qui pourra le poursuivre en votre nom à la Cour du Québec.

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La CNESST prévoit un délai d’environ 90 jours entre la réception d’une plainte et la transmission du dossier à un avocat. Ça peut ensuite prendre plusieurs mois avant que votre cause soit entendue en cour. Vous êtes aussi bien de vous trouver un autre emploi en attendant, parce que ça peut être très long avant d’être payé.

L’action directe, une autre possibilité

Depuis 2008, la branche montréalaise du Syndicat Industriel des Travailleuses et Travailleurs (SITT), une organisation autonome de défense des droits des salariés, offre d’aider les employés floués à récupérer leur dû par l’action directe. En effet, si la bureaucratie gouvernementale et ses délais vous puent au nez, la campagne Réclame ta paie de ce syndicat peut servir d’alternative.

Le processus est relativement simple. Pas d’avocats, pas de paperasse gouvernementale, seulement l’organisation d’une campagne d’escalade de moyens de pression face au patron fautif qui s’arrête au moment où les sommes sont remboursées.

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Jenny GD, militante du SITT avec qui je me suis entretenu, m’explique: «On fait pas la campagne à la place des gens, on la fait avec eux. Nous-mêmes, on est bénévoles, on fait ça dans notre temps libre.» Ça fait en sorte que «la première étape, c’est toujours de rencontrer les travailleurs et travailleuses et de leur demander ce qu’ils sont prêts à faire.»

«Contrairement aux normes du travail, les droits des boss, on s’en crisse. Nous on aide les travailleurs pis les travailleuses, that’s it!»

S’en suit généralement une rencontre avec le boss en cause où on lui signifie qu’un syndicat est maintenant dans le dossier. Jenny poursuit: «Souvent, ça va être des petits cas faciles à régler, un 4 % qui n’a pas été versé, un T4 qui n’a pas été remis. On se pointe sur le lieu de travail, on le demande et d’habitude ça se termine assez vite.»

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Par contre, il arrive que l’employeur continue de refuser de payer les sommes dues. Les membres du SITT vont alors commencer un processus plus classique d’action syndicale: campagne d’appels téléphoniques pour exiger la paie, commentaires sur les réseaux sociaux, affiches autour du commerce, distribution de tracts aux clients, piquetage, etc.

«On commence par faire appel aux émotions de l’employeur, puis si ça ne fonctionne pas, on s’attaque à sa réputation et finalement à son portefeuille», affirme la syndicaliste qui a participé à plusieurs de ces campagnes, toutes réglées à la faveur des salariés.

Le SITT affirme avoir ainsi réussi à gagner plusieurs dizaines de réclamations à travers le temps, y compris pour des employés payés en dessous de la table ou encore pour des travailleurs sans-papiers.

Une de ces campagnes aurait même permis de récupérer une dizaine de milliers de dollars en salaires impayés après la faillite d’une entreprise, en ciblant les autres compagnies que possédait le même propriétaire. «Contrairement aux normes du travail, les droits des boss, on s’en crisse. Nous on aide les travailleurs pis les travailleuses, that’s it!» souligne la militante.

Ç’a le mérite d’être clair.

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