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Quand j’ai appris l’existence du site QuitterleQuébec.com, une sorte d’éloge de l’exil économique, je me suis dit «ben c’est ça, allez vous-en donc si vous êtes pas contents».
J’ai survolé le site pour y trouver des insignifiances, comme la foire aux questions, qui répond à la question «Est-ce que ça parle Français là-bas» par «Tout dépend d’où vous allez». Vous conviendrez qu’on n’avait pas vraiment besoin d’un site pour savoir ça.
Puis quand j’ai vu que mon ami du secondaire Patrick était fan de la page, je me suis rappelée que le Québec n’était pas juste à moi pis à ma gang de la gauche. Et que si mon ami Patrick, un gars vraiment brillant qui travaille comme avocat à Toronto, avait un quelconque intérêt pour la page, c’était quelque chose de plus sérieux que ça en avait l’air.
«C’est vrai que le site ne fait pas très professionnel, m’a-t-il dit, mais l’exode économique est vraiment un enjeu auquel on doit s’intéresser. Des gens éduqués s’en vont pour des raisons économiques, parce que la bureaucratie est trop lourde et que l’entreprenariat n’est pas encouragé, et ça fait mal à long terme parce que ce sont des gens qui pourraient changer la société», m’a-t-il expliqué.
J’avais juste envie de lui dire que c’était une belle gang d’égoïstes de partir pour quelques milliers de dollars, alors qu’ils sont les plus riches et qu’ils ont bénéficié d’une éducation à rabais pour laquelle on a tous payé.
Le problème, c’est que, dans ce genre de discussion, c’est jamais moi qui gagne. Avoir eu Jean-François Lisée à côté de moi, je suis certaine que le tableau dressé par mon ami Patrick aurait été moins noir, mais à moi toute seule, avec ma vague conception de ce qu’est une dette nationale et d’à qui on la doit, j’étais en train de me dire «bordel, faut faire quelque chose!»
Quand je disais à mon ami Patrick «oui mais regarde le nombre de Français qui se ramassent sur le Plateau, c’est ben pire en France!» Il me répondait «Judith, compare-toi pas aux pires, les pays européens sont en faillite».
En fait, l’exode fiscal est à peu près le pire problème que vit la France en ce moment, si on en croit la une choc du Libé de lundi : Casse-toi riche con, insinuant le fait que Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, la fortune derrière les marques Moët et Chandon, Louis Vuitton et TAG Heuer, pour ne nommer que celles-là, aurait demandé sa citoyenneté Belge pour fuir un taux d’imposition à 75% chez les très riches, ceux qui font plus d’un million de dollars.
C’est vrai que c’est beaucoup 75%. Même quand on fait 9 millions d’Euros par an. C’est 6,75 millions de dollars. On peut demander aux gens de participer à la société, mais on peut comprendre qu’ils aient une petite réticence rendu-là. On ne peut pas demander à tous d’être socialistes. Et si vous ne l’êtes pas, vous êtes d’autant plus frustrés de participer à ce qui vous apparaît comme une mauvaise solution. Et si tous les riches s’en vont, il ne restera plus grand riches pour payer nos services sociaux.
C’est un peu à cette réflexion sans issue que nous en sommes venus, mon ami Patrick et moi. Le pire, c’est qu’on peut difficilement tirer des conclusions de l’élection du 4 septembre. À en croire les chiffres, 58% des électeurs ont voté à droite, mais combien parmi eux ont voté pour éviter que le Québec se sépare de leur beau pays? On ne le saura jamais. Un jour, la question nationale prendra moins de place au Québec et on pourra se pencher sur les questions qui font que Jeff Fillion veut s’en aller. D’ici là, promis, je me procure un Guide d’autodéfense en économie, et en attendant, je profite de mon loyer à 800$, de mon médecin absent, mais gratuit, et de quelques cours du soir pas trop chers.