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Quitter Facebook pour écouter le silence

Par
Mad Amesti
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Bon, je l’ai fait.

J’ai désactivé mon compte Facebook.

“Pourquoi t’as fait ça? ÇA VA-TU????”

Ben oui, ça va super, ça va mieux qu’toé!

J’ai fait ça parce que j’avais besoin de silence. C’est que ça fait un bruit énorme, Facebook. Ça fait tellement d’bruit qu’on s’entend plus penser. Même quand on est pas dessus, on l’entend. C’est comme des décibels mentaux, un acouphène perpétuel. Un osti d’bruit d’fond en permanence, c’est ça notre nouvelle vie.

C’est sous-jacent de tant de situations de nos vies réelles. Tant de relations amicales/amoureuses/whatev sont nées de Facebook, comme si on faisait de ce réseau la matrice de toute relation. Tu juges quelqu’un sur Facebook avant même de le connaître pis de l’avoir regardé dans les yeux.

C’est tellement devenu banal, une toile de fond existentielle.

On communique via Facebook à propos de tout et de rien.

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Mon coloc qui me inbox de rapporter du lait, la fille que j’connais du secondaire qui me demande des conseils sur comment rafistoler la vieille commode de sa grand-mère, un dude à qui j’ai déjà servi une bière qui m’envoie un lien sur quelque chose qu’il pense que “je vais aimer parce que c’est mon genre ça”, quelqu’un que j’ai jamais vu de ma vie, mais avec qui on se confie nos secrets les plus intimes, une jeune entrepreneure inconnue qui me demande de promouvoir son évènement sur ma page parce qu’elle trouve que j’ai du “reach”, mon boss qui veut savoir si j’peux rentrer plus tôt, un message de groupe (NOOOOON) pour un souper qu’on devrait s’faire un moment donné, han? C’est quand qu’tu pourrais? ON S’PART-TU UN DOODLE?

Et les commentaires, les commentaires. Ceux qu’on lit, ceux qu’on fait, quelques fois des moments de grâce et d’autres fois, un potentiel de lourdeur inespéré. Et toutes les émotions qui en découlent. De la fierté à la culpabilité en un clic enter toé chose.

Ça peut devenir anxiogène sur un esti d’temps, Facebook.

TROP DE COMMUNICATIONS.

On était-tu fait pour ça, à la base? Communiquer avec des dizaines de personnes par jour? La solitude n’est plus ce qu’elle était. Maintenant même quand on est seul, on est avec eux, nos “amis” Facebook.

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Sans oublier le plus transparent des communicateurs, le Like. Tous les sentiments générés par le Like sont-ils des nouveaux sentiments qu’on ne pouvait pas nommer ou exprimer avant? Avec un seul Like, on peut signifier à une personne qu’on la trouve drôle, qu’on sympathise avec, qu’on veut la baiser ou qu’on se fout de sa gueule. Le Like crée un vacarme de fou sur Facebook, c’est souvent son nombre qui fait que nos publications sont plus ou moins vues. Et son nombre à lui seul devient source d’émotions fortes, grisé par beaucoup de likes, inquiet par peu ou touché par certains en particulier.

Hey, ça en fait des affaires à vivre dans une journée.

Le pire c’est que tout ce bruit est généré par des gens qui ne parlent que d’eux, ou presque. Tout l’monde parle tout l’temps de soi, MOI JE pense que [insérer au choix : niqab, éducation, Marc Fisher, MCT, Mike Ward, automne, patate (sac de).] On veut tellement dire notre MOI JE plus fort que les autres, qu’on crie, comme dans un party où tout l’monde est sua poud’ pis que personne s’écoute parler. Peu importe ce que tu publies, tu peux être certain que quelqu’un va y aller d’un commentaire/témoignage pour dire que “Hey, moi c’est pire/mieux, pis fallait que j’te l’dise, que moi je”.

(Je ne m’exclus pas là-dedans.)

OÙ EST-CE QU’ON EST RENDU? Hurle-je d’un ton dramatique.

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Pas si loin, j’dirais. Ou ben trop, c’est selon ta vision de comment tu vois le liquide dans le maudit verre. N’a tu trop, n’a tu pas assez, j’ai soif.

Quand j’ai désactivé mon compte, l’effet a été le même que si j’avais enfin baissé le son d’une toune de marde qui jouait trop fort à radio. J’m’en rendais pas compte au début, parce que moi aussi j’en faisais en esti, du bruit. Et là d’un coup, tu t’peux pu, faut qu’ça cesse. SILENCE.

Et on ne te facilite pas la tâche quand tu veux quitter le royaume de Zuckerberg, oh que non. On se met tout de suite à te gratter la sensibilité, on te guilt-trip direct avec des : “Si tu quittes Facebook, tu vas faire d’la peine à Tartanpion! Et tu pourras pas souhaiter bonne fête à Truc Muche! Tapeu là, ES-TU CERTAIN-E QUE TU VEUX T’EN ALLER????”

J’suis pas là pour dire si c’est correct ou non, Facebook.

J’adore ça, j’y vis beaucoup plus de bonheur que d’autre chose. Mon compte est un havre de LOL et j’essaie du mieux que j’peux d’y mettre un peu d’humour quotidiennement. Mais malgré tout, j’ai eu besoin d’un peu de paix. Et de temps aussi. Parce qu’on pourrait me dire : “Ben là, t’as yinque à pu y aller!”

Mais c’est pas aussi facile, c’est qu’on devient accro.

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Perdre 2-3 heures de ma journée juste à scroller? La routine. On se rapporte plus à Facebook qu’on le ferait à son chum ou à sa blonde. C’est trop de commitment pour moi. Et je n’apprécie pas être esclave d’autre chose que mon chat, les cigarettes et le whiskey.

Bref, ce que je dis, c’est que c’est correct de prendre une pause de temps en temps, ne serait-ce que pour avoir le temps de réaliser qu’on peut s’en libérer quand on veut et qu’un peu de silence est toujours salutaire. J’y reviendrai éventuellement, parce que je considère que Facebook est aussi un lieu de création qui m’a permis d’évoluer énormément à plein de niveaux. Et pour toutes sortes de raisons, je ne peux pas m’en passer définitivement.

Sur ce, à bientôt, mes amis Facebook, ou comme un ami dirait, mes très chers codétenus.