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Qui sont les mythomanes?

Portrait-robot du menteur pathologique avec la Dre Christine Grou, neuropsychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Par
Judith Lussier
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Opérer des patients sans la moindre formation en chirurgie, berner sa famille tous les matins en partant « travailler » dans un emploi fictif, s’inventer un cancer… Pour la moyenne des ours, l’idée d’entretenir un aussi grand tissu de mensonges donne des sueurs froides. C’est pourtant ce que font les mythomanes. On les voit souvent comme des manipulateurs sans cœur, mais ils seraient en fait des grands blessés qui tentent de panser leurs plaies et de fuir leur réalité. Incursion chez ces menteurs et leurs victimes.

Difficile à cerner, la mythomanie est aussi mystérieuse que ses sujets sont insaisissables. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une maladie à part entière, elle constitue un vrai problème pour les personnes qui en sont atteintes… et leurs victimes.

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ÂGE

On s’invente tous une vie de princesse ou un lien de parenté avec le père Noël lorsqu’on est en bas âge. « Le mensonge est normal chez le jeune enfant, explique la Dre Christine Grou. On ment pour se valoriser, pour obtenir une faveur ou pour éviter une punition, par exemple. Ça fait partie des étapes d’un développement normal. Mais vers 6 ou 7 ans, habituellement, ça se dissipe. » Le mythomane, lui, persiste et signe : son arrière-grand-père était bel et bien le roi Dagobert.

PRÉVALENCE

Il est compliqué d’estimer à quel point la mythomanie est répandue. « Comme les mythomanes ne s’affichent pas, il est difficile de les trouver, et donc de les étudier. Les informations que nous détenons sur la mythomanie sont basées essentiellement sur des études de cas », explique la Dre Grou.

DIAGNOSTIC

Ce qui distingue le mythomane du menteur léger, c’est la fréquence et la motivation. « Le mythomane recourt de manière permanente au mensonge, explique la Dre Grou. Son objectif n’est pas de tromper l’autre, mais de fuir une réalité qui n’est pas à son goût. » Le menteur compulsif s’invente donc une vie extraordinaire pour échapper à sa vie de « marde ».

Même les thérapeutes les plus malins peinent à les déceler. Et une fois le pot aux roses découvert, il faut une bonne paire de gants blancs pour le déterrer complètement. « Le mythomane ment pour ne pas souffrir. Si on le confronte et qu’on pète sa balloune, il risque d’inventer d’autres mensonges pour se justifier, ou, pire, de nous filer entre les doigts », indique Christine Grou.

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PERSONNALITÉ

La mythomanie n’est pas officiellement une maladie classée dans le DSM-5, la bible des psychiatres. Il s’agit plutôt d’une composante du trouble de la personnalité narcissique, dont l’une des caractéristiques principales est un besoin excessif d’admiration, qui cache en réalité le sentiment d’être petit comme un morceau de gravelle sur le trottoir en hiver. « Les mythomanes ont une grande fragilité et une très forte dépendance au regard des autres. Pour eux, l’important n’est pas d’être, mais de paraître », explique la Dre Christine Grou.

CAUSES

Les causes de la mythomanie, comme celles des troubles de la personnalité, sont obscures. « L’estime de soi peut avoir été fragilisée par un traumatisme important, illustre la Dre Grou. Par exemple, un homme peut souhaiter toute sa vie être très riche parce que, dans sa jeunesse, il a fréquenté avec une aide financière un collège en milieu fortuné. Il se faisait ridiculiser parce que ses habits étaient taillés dans ceux de son grand-père, que ses patins étaient ceux de ses frères aînés et qu’il ne pouvait participer aux sorties, faute de sous. Il pourrait alors se construire un monde de chimères, où il se dit plus riche qu’il ne l’est, dans le but d’échapper à la réalité qui le fait toujours souffrir. »

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