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Jamais contents. Toujours en train de pleurer. Super blasés.
Continuellement en train de se lamenter. Sur toutes les tribunes, dans tous les salons, pour un oui, pour un non, on les entend chialer tout le temps.
Ils n’ont pas connu les guerres, ni les grandes misères, ni la faim, ni la peur, ni la soif, sauf un samedi soir après le dernier last call. Ils n’ont pas connu les épidémies meurtrières, à part H1N1, la star des épidémies qui a contaminé les cerveaux et enrichi les compagnies pharmaceutiques. Ils n’ont jamais côtoyé les vraies catastrophes, celles qui font dix, cent, mille, dix milles ou cent milles morts. Ils ne connaissent rien de la dictature, des exactions, des rafles, des crimes contre l ’humanité. Ils ne savent que ce qu’en disent les nouvelles. Et encore… ils ont oublié ce qu’elles disaient hier.
Ils vivent dans le confort en surveillant celui du voisin du coin de l’œil. Ils ne connaissent rien d’autre. Du malheur, ils ont vu les images. Mais n’en savent ni le goût, ni le sens.
Ils ne vont pas voter, à quoi ça sert. Ils sont cyniques, que voulez vous. Ils n’aiment ni la droite, ni la gauche, ne croient personne, surtout pas les politiciens. Ils ne vont pas manifester, mais ils sont certains d’être dans leur droit. Et quand ils se rassemblent autour d’une cause commune, c’est celle d’une bande de douchbags épilés qui essayent de séduire des bimbos surmaquillées dans un décor de carton pâte suréclairé.
Sinistrés des routes, ils hurlent parce que ça leur a pris une heure pour traverser le plateau Mont-Royal. Ils sont des centaines de milliers à chialer tout seul dans leur auto sans même penser mettre leurs plaintes en commun et prendre l’autobus pour en discuter.
Victimes des décisions politiques, ils crient la litanie de leurs indignations sur toutes les tribunes, dans les journaux et dans les blogues. Mais jamais, ô grand jamais, ils ne prendraient tout ce temps et cette énergie pour proposer des solutions ou s’engager dans un mouvement politique.
Martyres du prix de l’essence, de l’état des routes, des ponts qui s’effritent et du stationnement déficient, ils réclament à cors et à cris que les gouvernements les aident à faire tourner le moteur de leur 4X4, même quand ils sont à l’arrêt, ou à parker leur char pour qu’ils aient le moins de chemin à faire à pied.
C’est leur vie, leurs malheurs. Ils se sentent le droit de se plaindre. Et de se plaindre encore.
Il n’y a que leurs lointains voisins, des Chinois, des Tamouls, des Arabes ou quelque chose du style dans le genre, c’est pareil, qui ne disent rien, qui travaillent en silence et qui se contentent de ce qu’ils ont parce qu’ils n’en ont jamais eu autant. «Mais ceusse-là, y en a ben trop.» C’est François Legault qui l’a dit. Et François Legault, c’est le politicien le plus populaire de l’heure, celui qui n’a pas d’équipe, pas d’idées, pas de parti mais pour qui tous les chialeux se disent prêts à voter.
Pourtant, quand je remontais hier à pied le boulevard Saint-Laurent à la vitesse des VUS bloqués dans le trafic avec mon vélo à la main pour cause de pneu crevé, je me disais qu’elle était pas si laide notre vie. Et qu’il serait temps d’arrêter de chialer pour chialer (on croirait le titre d’une émission de parlottes des années 80).