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Qui est Haviah Mighty, la rappeuse qui a remporté le prix Polaris 2019?

On découvre la rappeuse ontarienne par son album «13th Floor».

Par
Simon Tousignant
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Lundi, le prix de musique Polaris dévoilait la lauréate pour l’année 2019 lors de son gala annuel. C’est la rappeuse Haviah Mighty qui a remporté les grands honneurs pour son album 13th Floor face à une compétition rude qui comprenait notamment Les Louanges, Dominique Fils-Aimé et FET.NAT.

https://www.youtube.com/watch?v=-jZCyf39b9Y

Cette victoire a un peu pris l’équipe d’URBANIA Musique par surprise, puisqu’en toute franchise, nous ne connaissions pas vraiment l’artiste ontarienne. C’est pourquoi j’ai fait mes devoirs et j’ai écouté 13th Floor pour vous éclairer un peu sur cette rappeuse pleine de promesses, mais encore très peu connue du public.

Qui est Haviah Mighty?

Commençons donc par le début : Haviah Mighty émane donc de Brampton, une ville en banlieue de Toronto, et allie rap et chant, des disciplines qu’elle pratique depuis sa jeunesse. Active dans la musique depuis un moment, elle se fait d’abord connaître au sein du trio The Sorority, qui avait notamment fait du bruit grâce à un cypher enflammé en 2016 lors de la Journée internationale des femmes.

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En 2017, elle présente le EP Flower City, une ode à sa ville qui lui permet de se faire un nom et l’amène même à gagner le prestigieux prix Allan Slaight JUNO Master Class. Ce programme est une véritable rampe de lancement pour les artistes canadiens, alors que les récipiendaires remportent une multitude de prix et de services dans l’optique de les rendre « JUNO-ready », donc prêts pour le grand public.

Avec ces informations, c’est donc moins surprenant de voir Haviah Mighty trôner au sommet de la liste Polaris cette année. Sauf que s’il est établi que la rappeuse a le support de l’industrie musicale canadienne, qu’en est-il de sa musique? Après quelques écoutes de 13th Floor, je peux affirmer qu’elle a, au minimum, gagné mon support en plus de celui de l’industrie.

13th Floor

Sur 13th Floor, on découvre une rappeuse au flow habile, aux propos authentiques et à la musicalité envoûtante. L’artiste de 23 ans maîtrise très clairement son art et s’approprie le trap moderne, dont elle reprend parfaitement les codes même si elle ne le révolutionne pas. Tout est très propre, léché et permet à Haviah Mighty de clamer une place dans les sommets du rap canadien.

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Surtout, c’est son flow qui m’a choqué (positivement). À mi-chemin entre Kendrick Lamar et Noname, chaque mot et clair et plein de ressenti. On sent que la jeune femme a du vécu, et un regard lucide sur la société dans laquelle il est encore difficile d’être une femme noire qui tente d’affirmer sa légitimité en tant qu’artiste, mais aussi en tant qu’humaine à part entière. C’est clair sur Thirteen, un long verse qui retrace l’histoire et les effets de l’esclavage afro-américain sur fond d’expérience personnelle. C’est touchant, enrageant, poignant et on en ressort avec un désir de participer au changement.

Le titre de la chanson, en phase avec celui de l’album, est d’ailleurs un jeu sur le concept de 13e étage, un étage qui n’existe pas dans les immeubles par superstition, alors que les ascenseurs passent directement du 12e au 14e étage. Ce 13e étage (pas le défunt crew de SP là) représente justement cette strate de la société un peu mise de côté, laissée à elle-même en marge par une majorité qui ne s’y reconnaît pas. Que ce soit par son statut de femme, d’afro-canadienne, et bien souvent le mélange de ces deux identités, on sent chez Haviah Mighty ce désir fort d’exister complètement, sans compromis, de s’afficher dans toute sa splendeur face aux préjugés et aux mécanismes arriérés d’une société qui s’adapte difficilement aux changements sociaux.

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Ces propos reviennent constamment sur 13th Floor, et la grande force de cet album, c’est qu’il offre une trame musicale accessible qui permet à l’artiste d’offrir des témoignages poignants, honnêtes, mais sans tomber dans la complainte. Même sur les chansons plus pop comme You Don’t Love Me, on a droit à des bars réfléchies et à des passages rappés de façon soutenue qui viennent bonifier une chanson qui reprend les rythmes tropicaux à la mode depuis quelques années.

Même dans les nombreux moments d’egotrip, on peut déceler des petites perles de knowledge qui montrent toute la lucidité de Haviah Mighty. Sur Bag Up, par exemple, où la rappeuse affirme son désir de ramasser beaucoup d’argent, on a quand même droit à des bars comme « they wanna gentrify dreads ». Damn.

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Au final, Haviah Mighty est remplie de promesses et ce premier album mérite toute la reconnaissance qu’il récoltera grâce à sa victoire au prix Polaris. L’univers musical, quoique peu varié, est conséquent et présente une artiste en pleine possession de ses moyens, avec une ambition claire qui risque de la mener très loin. Si la relève du rap anglophone canadien se laissait un peu désirer, ça semble être du côté des femmes qu’on trouvera les prochaines vedettes du mouvement. Avec des candidates comme Haviah Mighty ou Naya Ali, on n’est pas inquiets.