Logo

Qu’est-ce qu’ils veulent, les groupes anti-avortement?

Entretien avec un militant pro-vie.

Par
Pier-Luc Ouellet
Publicité

Dans sa chronique, Pier-Luc Ouellet parle avec des gens qui défendent des idées différentes des siennes, et il tente de répondre à la question : « mais qu’est-ce qu’ils veulent? »

Ce mois-ci, qu’est-ce qu’ils veulent…les groupes anti-avortement?

Cette édition de Qu’est-ce qu’ils veulent est probablement celle que j’aurai eu le plus de difficulté à écrire jusqu’à maintenant. Parce que l’avortement, c’est une question à la fois très simple et complexe. C’est simple, parce que je pourrais répondre à la question initiale, qu’est-ce qu’ils veulent les groupes anti-avortement, en une ligne : ils ne veulent pas que les femmes se fassent avorter, et ça serait assez exact.

Mais d’un autre côté, c’est une question d’une grande complexité morale et éthique. Les tenants et aboutissants sont nombreux, et au-delà du grand débat de société, c’est avant tout une question très personnelle pour les femmes qui font le choix de l’avortement, que je ne pourrais pas prétendre comprendre dans ma condition d’homme qui ne tombera jamais «enceint», à moins que la science ne devienne assez avancée pour que je devienne «enceint» comme Arnold.

Publicité

Je tiens à préciser que dans cette chronique, je ne cherche pas nécessairement à débattre avec mes interlocuteurs, mais bien à comprendre leur façon de penser. Oui, il y a plusieurs des arguments que vous lirez ici qui mériteraient une réponse, mais je cherche ici à comprendre la façon dont les autres pensent, et non pas à faire un débat à sens unique auquel ils ne peuvent pas répondre. Donc, pour réussir à mieux comprendre, j’ai contacté Georges Buscemi, de la Coalition Québec-Vie, pour tenter de comprendre son point de vue.

Alors ça fait quoi, un pro-vie?

Dans le cas de la Campagne Québec Vie, m’a expliqué M. Buscemi, les activités se répartissent essentiellement en trois volets : dans un premier temps, ils organisent et prennent part à des manifestations, des vigiles de prière et des marches.

Ils organisent aussi une vigile de prière de 40 jours à deux reprises dans l’année. Si vous avez vu des gens prier avec des affiches anti-avortement aux côtés de l’Église sur St-Laurent/St-Joseph, c’est probablement dans le cadre de cette vigile.

Publicité

Finalement, Campagne Pro-vie offre également des formations sur la philosophie autour de la question de l’avortement, dans un cadre chrétien.

L’avortement, une affaire de Dieu?

Comme vous avez pu le voir, dans un court paragraphe, les mots à connotation chrétienne sont revenus souvent. On a souvent l’impression que s’opposer à l’avortement, c’est une affaire de monde qui vont pas juste à l’Église à Noël. M. Buscemi y voit en effet un lien : « Je pense que la croyance religieuse aide. [Les croyants] sont déjà un peu habitués à entendre que l’avortement c’est mauvais, ils sont plus ouverts aux arguments rationnels. Ceux qui n’ont pas cette chance-là ont comme enseignement dogmatique la culture ambiante, qui est généralement subjectiviste, c’est-à-dire que chacun choisit pour soi le bien et le mal».

Bref, oui, ça semble beaucoup être une affaire de croyance religieuse. Puisque pour les groupes pro-vie, l’enjeu du droit à l’avortement repose sur une question : « Quand est-ce que la vie humaine commence?»

Publicité

LA question : c’est quoi un être humain?

Pour M. Buscemi, la raison de son opposition au droit à l’avortement ne pourrait être plus simple : « Nous considérons que la vie de l’être humain commence à la conception, alors l’avortement, c’est comme un meurtre».

«À partir du moment de la conception, tout ce dont cet être a besoin pour continuer sa vie, c’est de l’eau et de la nutrition. Donne de l’eau et de la nutrition a tout autre objet dans l’univers, ça va pas donner un être humain».

Ce qu’il réclame: dans la Charte des droits et libertés, «inscrire la ligne que l’être humain a le droit à la vie de la conception à la mort naturelle».

Publicité

Pourquoi pas utiliser la naissance comme démarcation du début de la vie, comme le font les militants pro-choix (et la loi canadienne), au lieu de la conception? «À partir du moment de la conception, tout ce dont cet être a besoin pour continuer sa vie, c’est de l’eau et de la nutrition. Donne de l’eau et de la nutrition a tout autre objet dans l’univers, ça va pas donner un être humain».

Et les exceptions?

Mais qu’en est-il des cas spécifiques, une femme victime de viol qui décide de ne pas garder l’enfant qui lui rappelle le pire moment de sa vie, ou encore une femme dont la survie est menacée par cette grossesse?

Dans le cas d’un viol, M. Buscemi voit l’enfant croit que l’enfant est «dans [le ventre de la mère] un peu comme un réfugié dans un pays», c’est-à-dire qu’on ne veut pas nécessairement que cette personne ne soit là, mais cette personne elle est là par un mal causé par quelqu’un d’autre, et on a un «devoir d’hospitalité» envers cet enfant, et surtout qu’on ne peut pas punir l’enfant pour le crime du père. Même si à ce moment-là, c’est un peu la mère qui est punie.

Dans le cas d’un viol, M. Buscemi voit l’enfant croit que l’enfant est «dans [le ventre de la mère] un peu comme un réfugié dans un pays».

Publicité

Mais c’est quand on parle des grossesses dangereuses qu’on comprend que les anti-avortement le sont jusqu’au bout. Selon M. Buscemi, on doit tenter de sauver les deux à tout prix, mais si c’est impossible, on ne permettra alors l’avortement que de façon détournée. Il m’a donné l’exemple d’une grossesse ectopique dans les trompes de Fallope qui risquerait de tuer la mère. Dans ce cas, l’ablation de la trompe serait acceptable, même si ça met effectivement fin au développement du fœtus, parce que le geste qu’on a posé était de sauver la mère et non de «tuer» le fœtus.

Il s’agirait donc d’un clivage peut-être plus philosophique que pratique, quand on priorise une chirurgie aux conséquences permanentes à un avortement, par principe.

Alors on fait quoi?

Contrairement à beaucoup d’autres sujets, je pense qu’ici le dialogue ne peut qu’être stérile (pardonnez-moi ce jeu de mot de mauvais goût).

D’ailleurs, quand je fais remarquer à M. Buscemi que nous sommes encore une fois deux hommes parlant du droit à l’avortement, ce dernier me répond «qu’on ne réfléchit ni avec les testicules ni avec les ovaires. Toute personne qui a une intelligence peut discuter de l’avortement».

Publicité

Bref, ce n’est pas le genre de discussion qui risque de se finir par «je pense qu’on a tous les deux un peu raison».

C’est trop long tout ça. En un GIF, qu’est-ce qu’ils veulent les pro-vie?