Les films biographiques sont très populaires en ce moment, plus spécifiquement les films qui racontent la vie des musicien.nes célèbres. Après Bohemian Rhapsody, Lords of Chaos et Rocketman (à venir plus tard en 2019), Netflix nous offrait en mars l’adaptation cinématographique du livre The Dirt sur la vie et l’œuvre de Mötley Crüe.
Le moins qu’on puisse dire c’est que The Dirt est aussi subtil que son sujet. Le film s’ouvre sur un house party avec le Crüe en pleine débauche. On nous présente chaque membre du groupe en train de soit fourrer en public, de se droguer ou d’attirer l’attention d’une quelconque façon. La scène d’ouverture se conclut même par une magnifique shot d’une femme fontaine en action…
Les médias ont critiqué le film disant qu’ils avaient « missed the point » et que le film était complaisant avec ses sujets. Les femmes, notamment, y sont traitées comme de jolies décorations, et on évite d’aborder avec sérieux les nombreux problèmes du groupe.
Tommy Lee qui frappe l’une de ses copines ? Tout simplement une chicane. Vince Neil qui tue l’un de leurs bons amis en conduisant sous l’influence ? Juste un petit détour avant le grand retour du groupe. Le tout manque terriblement d’humanité, mais vraiment, à quoi on pouvait s’attendre quand on raconte l’histoire d’un groupe de caves misogynes avec quelques bonnes chansons ?
Ce qui nous mène à une question encore plus large. Qu’est-ce qui fait une bonne biopic ? L’œuvre d’un.e artiste, sa vie personnelle, la montée vers la gloire (puis la dégringolade) ? Un mélange de tout ça. On s’est penché sur la question et deux lignes directrices se sont rapidement dessinées.
Avoir un angle
On pourrait dire que d’avoir un bon angle, c’est assez essentiel, peu importe le film, mais ce l’est encore plus dans le cadre d’une œuvre biographique. La BBC s’est attardée à la question des biopics il y a quelques années, alors qu’on vivait un autre boom de ce genre cinématographique. Elle a soulevée que bien souvent, en essayant de suivre un ordre chronologique trop strict, plutôt que de raconter une histoire spécifique, certaines biopics essayaient de rentrer trop de choses en trop peu de temps.
Le film I’m Not There sur la vie de Bob Dylan, d’ailleurs nommé le meilleur biopic de musicien par Rolling Stone Magazine, a très bien saisi l’importance d’avoir un angle. Chaque période de la vie de Dylan y est racontée par un acteur, ou une actrice, différent.e. Ça brise le côté monotone et linéaire de l’histoire avec beaucoup de succès.
Dans le fond, il ne faut pas avoir l’impression d’être en train de lire une page Wikipédia, aussi fournie soit-elle, quand on regarde une bonne biopic. Même Walk The Line, avec Joaquin Phoenix dans le rôle de Johnny Cash, qui est très chronologique, réussit à être dynamique en ancrant son récit dans la relation entre Cash et June Carter.
Montrer le bon comme le mauvais
Un autre des pièges des biopics, c’est de faire un film unidimensionnel, qui ne représente pas vraiment son sujet comme une personne à part entière. C’est le cas pour The Dirt, qui semble plutôt une parodie de la vie de rockstar, qu’une véritable plongée dans la vie de ses protagonistes. Lorsqu’on donne dans la fiction, c’est parfois plus facile d’aller dans les recoins sombres de l’humanité; de parler de problèmes de substances, de soif de pouvoir, de relations tumultueuses, voire même carrément abusives.
Le problème, avec les biopics, c’est qu’elles parlent de gens qui existent ou qui ont existé, avec une famille, des amis, des fans… Raconter une histoire qui est à la fois un portrait juste et sensible d’une personne, tout en restant intéressante pour le public, ce n’est pas une mince affaire.
Le film Behind the Candelabra, par exemple, arrive à montrer Liberace à la fois comme une légende de la scène et comme un être exécrable, et ce en ne sacrifiant jamais son charisme. En général, il semble plus facile d’avoir du recul quand la personne n’est plus vraiment dans l’œil du public ou est décédée depuis un moment. Bien entendu, il y a des exceptions, comme l’excellent Selena avec Jennifer Lopez, paru seulement deux ans après la mort de Selena Quintanilla-Pérez.
Parfois, il y a aussi des histoires dont on aurait pu se passer. En 2019, on aurait sûrement pu se passer des abus et excès de The Dirt. Un film sans ligne directrice claire, qui met en scène des pastiches sans profondeur des êtres dont il tente de raconter l’histoire. Pour nous, ça ne passe pas le test du bon biopic.