Logo

Quel avenir pour les buffets après la pandémie?

RIP la Casa Corfu. 

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

La fermeture de la mythique Casa Corfu n’incarne pas seulement une perte symbolique pour le quartier Rosemont, mais soulève également des questions sur l’avenir post-pandémique de ces buffets populaires à la salubrité variable, qui semblent aujourd’hui aussi anachroniques qu’une game de tag BBQ.

Même si on pouvait difficilement qualifier la Casa Corfu de « temple de la gastronomie », rendons-lui néanmoins l’hommage qu’elle mérite. L’immense établissement faisait partie du décor depuis presque trente ans sur la promenade Masson, en plus d’être un haut lieu de rassemblements, à cette époque bénie où on pouvait voir des gens à l’extérieur de notre bulle sans risquer de se faire taser.

sa disparition laisse un vide et quelques questions en suspens.

La Casa a déjà été le restaurant favori de mon fils pour son anniversaire et de longues files s’allongeaient chaque semaine pour y entrer le dimanche après-midi, après la messe.

Publicité

Bref, sa disparition laisse un vide et quelques questions en suspens.

Si ce restaurant hyperachalandé ne survit pas à la crise, qu’en est-il de l’avenir des buffets en général?

La prémisse est peut-être mauvaise et on ne peut ici que présumer que la Casa Corfu gonfle les rangs des victimes de la pandémie, puisque ses propriétaires ont refusé toutes les demandes d’entrevue à ce sujet.

Mais bon, d’autres buffets ont annoncé leur fermeture au cours des derniers mois (Buffets Vichy, Jardin de Tang), suffisamment pour passer un coup de fil à Martin Vézina, le porte-parole de l’Association Restauration Québec.

«Je ne pense pas que la pandémie entraînera la mort des buffets, mais le défi sera de s’adapter»

D’emblée, il souligne que la crise frappe durement le milieu de la restauration en général et c’est encore pire pour les buffets qui n’offrent pas de commandes pour emporter. « Je ne pense pas que la pandémie entraînera la mort des buffets, mais le défi sera de s’adapter », croit Martin Vézina, soulignant que les gens vont d’abord dans les buffets pour vivre une expérience et profiter d’une diversité alimentaire à prix modique. « La santé publique ne permettait pas (lors de la réouverture après la première vague) aux gens d’aller se servir eux-mêmes, c’est le personnel qui s’en chargeait. On pourrait peut-être imaginer un concept où les gens se déplacent vers des stations », suggère M. Vézina, citant en exemple des stations de pâtes, de sushis, de viande etc.

Publicité

Pas bête. Certains buffets d’hôtels aussi avaient prévu des employés pour remplir les assiettes à la place des clients, afin de limiter les déplacements. Normal, rien de moins Covid proof que de jouer du coude autour des réchauds de spare ribs, pizza, coquilles Saint-Jacques, petites saucisses dans le sirop et desserts en se servant des mêmes ustensiles pour remplir nos assiettes.

Vue imprenable sur la salle à dîner vide de la Casa Corfu
Vue imprenable sur la salle à dîner vide de la Casa Corfu

Pour l’heure, les buffets encore ouverts tentent de colmater l’hémorragie avec les commandes pour emporter. « Plusieurs buffets chinois le font. J’ai pas eu d’écho comme quoi ils s’en allaient vers une mort certaine. Il y aura des adaptations, mais on demeure confiant », résume le porte-parole de l’association, qui s’inquiète davantage pour les salles de réception et certains traiteurs ne fonctionnant qu’avec des rassemblements.

Publicité

« Ici c’est ma place!»

J’ai contacté plusieurs de ces adresses pour tenter de voir comment ils s’en sortaient, sans trop de succès. « Veuillez comprendre que cette situation difficile nous attriste beaucoup et que nous préférons refuser cette entrevue », m’a simplement répondu via Messenger une succursale de la chaîne Buffet Fu Lam située sur la Rive-Sud.

Je me suis rendu à celle située sur Jean-Talon, ouverte pour les commandes à emporter. Dans l’entrée, quelques tables bloquent le passage vers l’immense salle déserte. Derrière, un employé accueille et apporte les commandes aux clients et livreurs qui se déplacent. « Je ne sais rien», tranche sèchement l’employé qui n’a pas trop envie de collaborer avec le quatrième pouvoir ni de me mettre en contact avec son gérant.

«Ici, c’est ma place. On venait chaque semaine. Je continue à les encourager»

Publicité

Giovanni, un client régulier, vient à ma rescousse en attendant sa commande. « Ici, c’est ma place. On venait chaque semaine. Je continue à les encourager », explique le sympathique adepte, empathique au sort de son buffet préféré. « Ils souffrent beaucoup. Tout le gravy qu’ils avaient sans doute accumulé, c’est bye bye après un an », illustre Giovanni, venu chercher un combo #8. « J’ai remplacé les crevettes Szechuan par du bœuf au brocoli, c’est super bon! », salive-t-il.

À quelques kilomètres de là, au Buffet chinois Mandarin du boulevard Langelier, on propose aussi des commandes pour emporter. Impossible là encore de parler à un.e responsable, l’employé au bout du fil se contente de griffonner mes coordonnées avec la conviction d’un.e boss répondant « j’entends ce que tu me dis» quand tu vas te plaindre de quelque chose. « Oui oui je lui fais le message…»

Publicité

À l’autre bout de la 20, j’attends aussi en vain des nouvelles de Tomas Tam, dont une des deux succursales portant son nom n’a pas survécu à la pandémie, après plus de 30 ans d’activités.

En entrevue récemment avec mon collègue du JDM, M. Tam confiait vivre une période difficile, surtout considérant que les autobus de touristes comptaient parmi sa clientèle régulière. « Le take-out ne compte même pas pour 20% de notre chiffre d’affaires », soulignait le restaurateur.

Un buffet d’espoir

Terminons sur une note d’espoir, portée ici par la populaire chaîne « Buffet des continents » ou plutôt « Saveurs des continents », puisque le mot «buffet » est récemment tombé au combat dans une refonte du branding de la chaîne. « On avait rouvert l’été dernier en modifiant déjà notre modèle », souligne le porte-parole Jean-Maurice Duddin.

Dans l’entre-deux vagues, la chaîne était en effet passée du libre-service au plein service. Les employés amenaient les assiettes directement aux clients, en plus des breuvages et de desservir leurs tables.

«On y va en fonction des règles sanitaires et de la clientèle, mais on est encore un peu dans le flou.»

Publicité

On envisage un scénario un peu différent pour l’avenir, à mi-chemin entre le libre et le plein service. « Les clients pourront circuler dans le restaurant, mais c’est le buffetier qui servira les portions en leur présentant leurs assiettes. La manipulation de la nourriture ne relèvera donc que des cuisiniers », explique M. Duddin, au nom des neuf succursales de la chaîne, qui se contentent pour l’heure de commandes pour emporter. « On a très hâte de reprendre et on est prêt à recommencer! », assure le porte-parole, qui ne sait pas si le nouveau modèle préconisé sera temporaire ou permanent. « On y va en fonction des règles sanitaires et de la clientèle, mais on est encore un peu dans le flou. On va peut-être conserver un modèle hybride », souligne M. Duddin, qui s’attriste également de la disparition des dons en nourriture faits chaque semaine à divers organismes avec les nombreux restants de la chaîne.

Morale de l’histoire: si l’avenir des buffets est incertain, ceux qui survivront devront s’adapter, à l’instar de l’ensemble des commerces écorchés durement par la pandémie.

Publicité

Avec un peu de patience et de créativité, nous pourrons peut-être retourner un jour nous goinfrer outrageusement dans ces établissements où chow mein, spaghetti sauce bolognaise, poulet Teriyaki, tacos et rôti de boeuf au jus font parfois bon ménage.