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420 friendly? que tu me demandes
what the fuck is 420?
mais tu es beau comme un cœur
alors je dis oui à tes explications
je suis aimable à ta cause Bob Marley
tes allégeances hallucinogènes me vont
ton heure sera la mienne
Céline respecte les vieilles chansons d’Eddy Marnay
aux funérailles nationales de René
elle a fait son entrée à l’heure réglée
sur Trois heures 20, Place d’Italie
moi j’arrive à 4 : 20, Place Saint-Henri
une heure après la veuve
j’arrive chez toi, Matthew
paysage étonnant
un miroir sale
un ventilateur bruyant
un cendrier des années 70 en forme… de vagin?
un sécateur rouillé
et une bible toute décrissée est ouverte sur ta table à manger
ce n’est pas une entreprise religieuse
c’est mon papier à rouler que tu me dis
c’est fin fin fin c’te papier-là
tu déchires les versets
Mathieu 7 : 7
demandez, et l’on vous donnera
cherchez, et vous trouverez
frappez, et l’on vous ouvrira
c’est ben fait, la vie, quand même
du moment que tu as du guts
moi j’amorce rien
je dis juste oui à tout
comme si j’avais pas compris le principe
de ma colonne vertébrale
gestes réglés au quart de tour
horloge suisse ou obsèques d’Angélil
construction d’un pétard de péché originel
tu égraines
tu roules
tu allumes
un verset prend feu
autodafé biblique
sans tambour ni trompette
tu me fais un shotgun
comme Francis Ducharme fait à Marc-André Grondin dans C.R.A.Z.Y
j’inhale docilement
je retiens et j’avale
pour ne pas que tu me chicanes
je ris en avance
avant que ça embarque
parce que ce projet ne me ressemble pas
je ne suis juste pas outillé pour dire non
j’attends que le buzz me malmène
je patiente sur une chaise hideuse
en regardant ton sécateur
le rire me fait tanguer doucement
puis soudainement ça y est
ma chevelure pousse en accéléré
(de l’intérieur je le sens)
Raiponce du dimanche
opération beurre de pinotte
c’est une traine de mariée capillaire
je suis une princesse (non ce n’est pas ça)
vite, flanque-moi une couronne su’a tête
diadème Burger King
tiare du Dollarama
du moment que ça allonge mon port de tête
j’ai la grâce d’une hôtesse de l’air
mais ça, Matthew, tu t’en fiches
je sens dans tes yeux que tu veux juste une chose
me couper les cheveux au sécateur
j’ai clairement trop de grâce à ton goût
tu ne sais pas comment me gérer
quel mauvais hôte tu fais
faites que ma joie demeure
qu’elle tienne le coup
la dernière fois ça a mal tourné
je regarde par la fenêtre et souris
à un jardinier en tablier fleuri
je me passe la main dans les cheveux pour l’impressionner
ils sont tellement longs
je regarde la bible et dis
mes cheveux sont plus doux que ceux de Jésus
il devait pas avoir de revitalisant
dans le temps
faites que ma joie demeure
faites que ma joie demeure
faites que merde
bon, bravo Boulerice
je fais la gaffe de me regarder dans le miroir
pour me faire peur de moi-même
j’ai un œil éjecté de sang
j’ai dorénavant les yeux vairons
un rouge et un bleu
je suis impossible comme un personnage de Ionesco
je suis une parfaite absurdité
non non je ne suis pas prêt à dire
que ce soit un bad trip
il y a du bon
je comprends de nouvelles langues
je parcours ta bible dérenchée
et je comprends toutes les parties
en latin
en hébreu
en arménien
en ce que tu veux
faites que ma joie demeure
je me transpose dans le jardin de Gethsémani
faites que ma joie demeure
au pied du mont des Oliviers à Jérusalem
sur une musique de Bach
faites que merde merde merde
j’ai le tournis
le jardinier montréalais taille sa haie
et j’ai l’impression qu’il œuvre dans mes veines
j’ai mal au sang
la rumeur de tétanos
à chaque coup de cisaille dans les fleurs rouillées
ton sécateur sur la table me toise les poignets, les paupières
tu vas peut-être me trancher des choses fragiles?
tu es tellement weird, Matthew
tu dis presque rien
et quand tu le fais je te comprends un mot sur deux
pourquoi je ne crisse pas mon camp?
si tu étais plus laitte, aussi
même tes ongles ben trop longs
ne changent rien à ta beauté
je comprends tout
je me magasine
un démembrement
de fin d’après-midi
je ne me sens pas bien
je finis par te le dire
demandez, et l’on vous donnera
merci Mathieu, t’es un bon bodé
avec tes judicieux conseils d’apôtre
Matthew, tu me verses un 7up
la cuillère tinte dans le verre en vitre
je tente d’éventer la liqueur
faire éclater les bulles
retirer le gaz de la boisson pétillante
je lâche un pet
je suis pétillant comme un 7up
please, brasse une cuillère dans mon anus
pour me dégazéifier les intestins
hihihihihi
tu ne dis rien
tu ris encore moins
tu vois mes yeux regarder le sécateur
je vois que tu m’observes
alors je souris comme on s’excuse
vas-y, Matthew, coupe-moi en deux
prends-moi pour ce que je suis : une hôtesse de magicien
rate ton tour
rate ta magie
sectionne-moi pour de vrai à l’équateur
là où je boutonne mon jeans taille basse pour en révéler
plus que le client en demande
divise-moi en deux hémisphères
détache mes jambes à coup de cisaille
tac tac jambes parties
homme-tronc
homme cul-de-jade
je le crie
mon postérieur sonne comme une pierre semi-précieuse
Matthew me corrige
non, pas cul-de-jade
de JATTE
oups
mais m’en crisse
je scintille pareil
pour un Anglo, Matthew connaît des mots rares
c’est suspect
je suis peut-être atterri chez un agent double?
je suis peut-être tombé sur un gars méga wise?
moi je parle trop
parce que je n’ai rien à dire
lui il ne dit rien
parce qu’il a tout compris de la vie
mon vertige passe
c’est fou comme un 7up flat me fait du bien
je me fais des nœuds dans le toupet
et me vante en riant
regarde, j’ai des dreads
je ris beaucoup plus que toi
je suis convaincu de la qualité de mon humour
et si tu ris moins
c’est que tu n’es pas spirituel comme moi, hihihi
je niaise : je suis sûr que c’est l’inverse
malheureusement
tu veux-tu m’embrasser, Matthew?
non?
non : tu as pas trop l’air parti pour m’embrasser
et j’ai pas le guts de faire un move
alors je me plaque la face devant ton ventilateur qui couine
le vent artificiel modifie mon chant
no woman no cry-yyy
no woman no cry-y-y
je m’introduis la langue dans la cage
pour me faire rire encore plus
moi qui ai horreur de la poussière et du métal
ta cigarette de drogue a fucké mes réflexes de dédain
mais pas ceux de ma survie, heureusement
je rentre ma langue d’un coup
la stationne dans le garage de ma bouche
avant que l’hélice me la circoncise
je veux maintenir une diction décente
et frencher au complet
au mieux de mes capacités
je me demande profondément si ça coûte plus cher d’électricité
quand le ventilateur marche à 3 qu’à 1
tu en penses quoi, toi?
tu t’en fous
tu ne t’attardes pas aux choses nounounes de la vie
moi oui
mon intérêt gravite autour de ce qui n’en a jamais
je me vois dans le miroir
on dirait que je me suis cassé des cheveux
en me prenant pour Bob Marley
fuck off
je m’empare de ton sécateur et me coupe les pointes
je travaille comme une coiffeuse professionnelle
je regarde tes ongles longs et laittes
cherchez, et vous trouverez
mon bodé l’apôtre a tellement raison
tu veux-tu que je te taille les ongles, Matthew?
tu hausses les épaules
tu te fous de tout
sublime indifférence
je dépose ta main sur ma cuisse
et te taille ce qui dépasse au sécateur
je caresse tes doigts comme je veux
je te manucure comme ça me chante
frappez, et l’on vous ouvrira
je verse les retailles de tes ongles dans le cendrier sexuel
et dépose mon cul-de-jade sur tes cuisses
je plonge mon nez dans ton cou
et te joue dans les cheveux sales
dignes de Jésus
toi, tu tapotes mes fesses semi-précieuses
j’ai eu ce que je voulais
je pense à la toune triste de Barbara
Attendez que ma joie revienne
et je me dis que ça y est
elle est revenue
ma joie prend toute la place
au centre de ta cuisine de mélamine
***
Pour lire un autre texte de Simon Boulerice : “Simon va au théâtre”