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Que le meilleur massothérapeute gagne!
« Ce sera le premier Sommet de la massothérapie qui accueillera aussi le championnat international de massages, et c’est assez impressionnant de voir ça! »
Claudine, la porte-parole de l’événement, prend une chance en m’invitant à ce rendez-vous insolite via Messenger.
Ma première réaction a été de lever les yeux au ciel. Un congrès de massothérapeutes, la fin de semaine, au Sheraton de Laval, voisin du plus gros centre d’achats de la galaxie : voilà ma définition d’un cauchemar de type Les griffes de la nuit.
Pas que j’ai une dent contre la massothérapie, au contraire. Je vivrais pas mal mieux dans un monde où je me ferais pétrir la carcasse une fois par semaine.
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Par contre, le fait d’élever la discipline au rang compétitif m’a d’emblée fait écarquiller les yeux, je l’avoue.
Mais comme le patronat d’URBANIA nous répète sans relâche de sortir de nos zones de confort, pas le choix de mettre le cap sur l’Île-Jésus. En plus, je traîne un mal de dos depuis une semaine, c’est clairement le karma qui m’envoie des appels de phare.
Le marché aux puces des soins corporels
Le temps de crier namaste et me voilà dans la salle des congrès du Sheraton, où ça grouille de monde. Une première surprise, puisque je me demandais qui ça attirait, ce genre d’affaires là. Beaucoup de gens, visiblement.
Le site est occupé par plusieurs exposants, rivalisant de différentes techniques de massage et de produits dérivés en lien avec les soins corporels. Accompagné par une odeur de chandelle à la lavande, on assiste à des démonstrations – dont certaines ne passent pas inaperçues -, comme cette technique thaïlandaise visant à piétiner la clientèle comme des raisins dans un vignoble de Magog.
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Tout ça, c’est sans compter les conférences se déroulant tout au long du week-end. À mon arrivée, c’est à la fondatrice du Centre Orchidée de l’Outaouais de partager ses connaissances devant un petit auditoire.
Derrière un kiosque, je reconnais mon amie Noémie Gélinas, massothérapeute depuis trente ans. Celle-ci est sur place pour offrir des séances de massage du ventre. Elle a publié un ouvrage sur le sujet il y a quelques années, en plus d’avoir contribué à démystifier cette technique méconnue. « Les bienfaits sont nombreux, tant pour les troubles digestifs, les brûlements d’estomac et la réduction du stress », énumère Noémie, en train de montrer son savoir-faire sur l’abdomen d’une dame étendue devant elle. Elle enseigne aussi une technique de son propre cru, née d’une fusion entre le massage hawaïen et le Shiatsu. « Il y a un engouement chez les massothérapeutes », constate-t-elle.
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La massothérapie pour ouvrir des portes (et débarrer des dos)
Le championnat dans la catégorie freestyle commence dans quinze minutes, ce qui me donne le temps d’accrocher Liane Dufresne, l’organisatrice et fondatrice de ce premier sommet.
Massothérapeute depuis 36 ans (« moi, un torticolis, je te défais ça en deux minutes », m’a-t-elle d’ailleurs lancé), elle dirige aussi une clinique de massothérapie à Laval.
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C’est pour répondre à un manque qu’elle a décidé d’organiser ce sommet. « On nous associait beaucoup à l’esthétique et je trouvais ça plate, parce c’est plus que ça. Il y a quelque chose de très inspirant, aussi, de voir les techniques des autres », m’explique Liane Dufresne, qui a aussi remporté à onze reprises le titre de championne mondiale du bras de fer (catégorie poids lourd), jusqu’à sa retraite des compétitions en 1998. « Mon père (René Dufresne) était un homme fort et je me suis ramassée, de fil en aiguille, dans des compétitions qui m’ont permis de voyager partout dans le monde », souligne-t-elle.
La massothérapie aussi peut permettre de voyager. Par exemple, un titre canadien donne automatiquement un billet pour le Championnat du monde, qui se déroule chaque année à Copenhague, au Danemark.
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Ça explique pourquoi il y a une telle frénésie dans l’air à quelques minutes de la compétition de freestyle.
« Ça donne beaucoup de visibilité et ça ouvre des portes. Tu deviens une vedette et tout le monde te veut », résume Mme Dufresne, fière d’avoir réussi à attirer une soixantaine de participants d’un peu partout dans le monde, d’aussi loin que le Cameroun.
Avec son sommet, elle espère enfin combattre quelques préjugés tenaces qui collent encore à la peau de la massothérapie (hihi). « Je trouvais important d’ouvrir au public, pour montrer qu’il y a autre chose que les massages suédois ou de détente. »
Championnat de massothérapie > Cirque du Soleil
Dans les gradins, le public est au rendez-vous, juste à temps pour le coup d’envoi de la compétition. Il y a une dizaine de finalistes, jumelé.e.s à des receveurs, c’est-à-dire la personne chanceuse qui se fait masser. Même si certaines techniques plus tape à l’oeil peuvent s’apparenter à de la torture, les gens massés passent un moment privilégié, entre les mains des meilleur.e. massothérapeutes d’ici et d’ailleurs.
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« Bon massage », chuchote l’animateur, tout juste après le son d’un gong marquant le début de la séance.
Plusieurs juges circulent de table en table pour évaluer les performances.
« On tient compte de la technique, de l’originalité, de la présentation, de l’habillement, de la posture et du flow autour de la table », m’informe Liane.
Pas le choix de l’admettre, c’est vraiment impressionnant à regarder. Il y a quelque chose d’à la fois gracieux et physique, on dirait presque une chorégraphie. Des finalistes n’hésitent pas à grimper sur leur receveur ou à bouger autour comme s’il s’agissait d’une danse.
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Mon cynisme habituel est mis à rude épreuve en percevant même – oui – de l’émotion dans la salle. Si bien qu’un des receveurs éclate en sanglots après le massage très déjanté d’une finaliste, l’Eustachoise Marie-Claude Dumont. « Marie est mon amie depuis 18 ans, je suis tellement fier d’elle. C’est fou, la connexion qu’on a ensemble », explique Jérôme, pour justifier les émotions qui le submergent.
Marie-Claude Dumont ne cache pas sa satisfaction au terme de son tout premier championnat.
« Je suis massothérapeute depuis huit ans. Avant, je travaillais dans un bureau et je m’emmerdais. C’est déjà un gros défi pour moi d’être ici, c’est très valorisant », commente à chaud la finaliste, entre deux félicitations des juges qui convergent vers elle.
Pas besoin d’être détective pour deviner que les choses regardent bien pour cette candidate.
Après le freestyle, au tour des juges de montrer leur savoir-faire, devant un public ravi qui documente frénétiquement le tout avec leurs cellulaires. Je fais la même chose, histoire de me rappeler toute ma vie d’à quel point j’assiste à quelque chose de surnaturel.
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Étendu sur une table de massage au milieu de la pièce, Saranaz Mohammadi reçoit, les yeux clos, un massage corsé de la part d’une des juges. Tout juste avant cette compétition, Saranaz m’expliquait pourquoi c’était important de venir aujourd’hui. « C’est magnifique, d’avoir créé une compétition pour témoigner des différentes manières d’approcher le corps. C’est d’abord un partage d’amour », louange cette massothérapeute, qui a accepté de servir de modèle pour une des juges. « Les gens qui hésitent à se faire masser ont peut-être peur de ce qu’ils peuvent découvrir sur leur propre corps », tranche-t-elle.
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«Ma-sso! Ma-sso! Ma-sso! »
En attendant les résultats, je placote un peu avec la double-médaillée d’or du championnat canadien (2022-2023) Marie-Andrée Maltais, qui attend les résultats d’une compétition à quatre mains livrée avec sa jeune camarade Karoline Brassard. « Ça fait 30 ans que je suis massothérapeute et c’est un domaine qui évolue tout le temps. Les championnats m’aident à innover et à développer de nouvelles formations », raconte Marie-Andrée Maltais, qui a pris Karoline sous son aile pour lui faire vivre sa première compétition. « C’est quand un même un stress d’accompagner la championne », admet-elle, aussitôt rassurée par la principale intéressée.
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Dans les gradins, le public confie avoir été attiré par leur intérêt envers la massothérapie (ça existe) ou simplement par curiosité.
« C’est plus impressionnant que je pensais, côté style et technique. Je vais me booker un massage demain matin », lance une Isabelle en riant.
Malgré les bannières de commanditaires visibles un peu partout, l’événement n’a rien d’une géante infopub. Les compétitions sont relevées et en valent le détour.
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La foule s’est retrouvée en milieu d’après-midi autour de l’aire de compétition pour la remise des médailles. Saluons par ailleurs l’enthousiasme de l’animateur qui faisait scander « Ma-sso! Ma-sso! Ma-sso! » dans la salle.
« Avez-vous trouvé ça beau, avez-vous senti la vibe? », a ensuite demandé Liane Dufresne, avant de nommer le nom des gagnant.e.s dans chacune des catégories.
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J’ai quitté en apprenant que Marie-Claude Dumont l’avait emporté dans la catégorie freestyle, un honneur pleinement mérité.
Comme quoi, reproduire certains moments clé de la chorégraphie de danse lascive en massage peut mener loin.