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Quand Victoriaville cruise les Montréalais
« Être camionneur et te baigner dans ta piscine creusée : dans la région de Victo, ça se peut. »
En plus de piquer la curiosité, l’immense pancarte est dure à rater sur l’avenue Bourbonnière, dans l’est de la métropole.
À l’heure où les Montréalais.es en ont plein les bras avec les pénuries de main-d’oeuvre et de logements – en plus d’avoir presque autant de cônes orange que d’habitant.e.s –, « Victo » prend les grands moyens pour les attirer en leur faisant miroiter une meilleure qualité de vie.
Une maison avec une piscine creusée sans vendre un rein sur le marché noir, du ski dix minutes après avoir punché ta carte, te lancer dans l’acériculture même si tu travailles dans une shop : c’est là quelques-unes des possibilités qui s’offrent à toi si tu décides de t’installer à mi-chemin entre Québec et Montréal.
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Orchestrée par la MRC d’Arthabaska, cette campagne inusitée répond d’abord à une urgence de freiner la pénurie de main-d’œuvre, un fléau qui touche d’ailleurs l’ensemble de la province.
« On a des enjeux de recrutement depuis plusieurs mois. On prend tout le monde, on fait le développement de compétences aussi », souligne la chargée de projet Tania Hurtubise-Forget, qui a mis la main à la pâte pour lancer cette offensive.
C’est l’agence publicitaire Upperkut qui a eu l’idée audacieuse d’installer des pancartes géantes pour environ huit semaines, en plus du volet web.
« On l’a laissée aller (la firme) avec la créativité. Ça a fait partie de nos réflexions d’être sensibles au fait de dépouiller des villes aussi aux prises avec des pénuries, mais on n’avait pas le choix de sortir de notre territoire. Notre taux de chômage est assez bas à Victo… », admet Tania Hurtubise-Forget au sujet des pancartes éparpillées à Montréal, mais aussi à Sherbrooke et à Trois-Rivières.
« On a collé des vrais jobs avec notre réalité. On cherche surtout en construction, dans les petites PME, dans les shops et dans le milieu de la santé, pas nécessairement de la main-d’œuvre qualifiée », énumère la chargée de projet.
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Qualifiée comme le « berceau du développement durable », Victoriaville – avec ses quelque 50 000 âmes – se distingue dans le secteur agricole (emplois saisonniers), les usines et les ressources humaines.
Pas étonnant que la campagne mette de l’avant des métiers de soudeur.euse ou de camionneur.euse. Mais le nerf de la guerre demeure l’accès à la propriété, un rêve réalisable à Victo, avec une piscine en plus. « On a fait des études pour voir ce qui attire les gens. Ici, le pouvoir d’achat est très bien. On peut se permettre une maison », assure Tania Hurtubise-Forget.
Aux prises avec une population vieillissante comme ailleurs, Victoriaville a besoin de relève et pas nécessairement des familles, note la chargée de projet. « On vise aussi des gens issus de l ’immigration, déjà installés à Québec ou Montréal et qui vivent une certaine désillusion. Des gens insatisfaits qui cherchent quelque chose de stable, une autre option », résume-t-elle.
Le bonheur à dix minutes de Victo
Un profil semblable à celui de Samia, qui a fait le saut il y a environ trois ans, peu de temps après son arrivée au Québec. « Je suis arrivée d’Algérie, et j’ai retrouvé ma sœur à Montréal. J’ai alors suivi un programme pour trouver une job en région, en plus de participer à quelques salons de l’emploi », raconte la femme de 39 ans, qui était ingénieure mécanique spécialisée en transport ferroviaire dans son pays d’origine.
«Montréal me manquait au début, mais je me suis bien installée et j’ai acheté une maison, ce qui n’aurait jamais été possible là-bas»
Comme son diplôme n’est pas reconnu ici, elle s’est trouvé un boulot en contrôle de la qualité dans une industrie de la région de Victoriaville, où elle travaille depuis. « J’étudie à temps partiel dans l’espoir d’obtenir mes équivalences », souligne Samia.
Après une courte période d’adaptation, elle n’a que de bons mots pour sa région d’adoption. « Montréal me manquait au début, mais je me suis bien installée et j’ai acheté une maison, ce qui n’aurait jamais été possible là-bas », admet Samia, qui s’ennuie maintenant de son coin de pays lorsqu’elle va visiter sa famille à Montréal.
« Je préfère aller à Québec si j’ai le choix maintenant, c’est plus calme. Si j’avais pas de famille à Montréal, j’irais toujours à Québec », confie Samia, qui habite à dix minutes du centre-ville de Victoriaville. « Je trouve les gens souriants, ils disent bonjour et demandent d’où je viens, sont curieux », louange-t-elle.
Samia n’a peut-être pas encore de piscine, mais elle a trouvé le bonheur à Victoriaville.
La MRC d’Arthabaska espère que plusieurs suivront son exemple, question de troquer les bouchons de circulation de l’autoroute métropolitaine pour les oiseaux du réservoir Beaudet.