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Quand un commerce redonne vie à un quartier
URBANIA et PME MTL s’unissent pour discuter de la façon dont la diversité commerciale change la donne pour certains quartiers.
En cette époque trouble où on évite de se rendre dans des centres-villes achalandés à bord d’autobus bondés, les commerces de quartier prennent une importance indéniable.
Cela signifie toutefois que la vie est nettement moins facile pour les citadins qui n’ont pas la chance d’habiter un quartier dynamique à l’offre commerciale diversifiée : quand tes choix de commerces locaux sont un pawn shop et une buanderie, ça se peut que tu t’éloignes pour aller faire ton épicerie…
Mais certaines artères, autrefois qualifiées de déserts commerciaux, ont commencé à reprendre vie ces dernières années. Et souvent, à la source de cette revitalisation, on retrouve quelques commerçants qui ont fait figure de pionniers pour aider leur coin de ville à reprendre vie.
On a discuté du phénomène avec Pierre Moro-Lin, cofondateur et responsable du développement et du design pour Le Comité, une coopérative de travail qui œuvre dans le domaine du design visant à aider les quartiers à se développer, et avec Nadia De Gagné, propriétaire de la Super supérette, située sur le boulevard Monk dans Ville-Émard.
Quand les gens ont soif de nouveauté
Un quartier, c’est plus qu’un amas de « blocs-appartements » et de condos où on fait dodo entre ses journées de travail. C’est également un milieu de vie.
Et l’offre commerciale fait partie des éléments centraux de la vie de quartier : « La diversification de l’offre commerciale accroît aussi le rayonnement des quartiers excentrés. La qualité de vie et le dynamisme vont pousser les gens à s’y installer », explique Pierre Moro-Lin, du Comité.
«On est arrivés dans un endroit où il y avait un besoin. Il n’y avait pas juste un manque d’offre, il y avait une demande!»
Et cette demande de nouveaux commerces, Nadia De Gagné l’a ressentie quand elle a commencé à planifier son projet d’ouvrir une épicerie spécialisée en produits locaux au cœur de Ville-Émard : « Quelques mois avant l’ouverture, j’ai lancé une campagne de sociofinancement pour mesurer la réponse des gens. En trois heures, j’avais atteint 50 % de mon objectif! On était vraiment attendus. Ça nous a même mis une petite pression, parce que l à, il fallait être à la hauteur! »
Heureusement pour eux, l’ouverture s’est bien déroulée : « Les gens sont vraiment, vraiment contents. On s’est fait dire qu’on était une lueur dans la noirceur, les gens nous applaudissaient quand on a ouvert l’an dernier, raconte Nadia. On est arrivés dans un endroit où il y avait un besoin. Il n’y avait pas juste un manque d’offre, il y avait une demande! »
Inventer un milieu de vie
Cela étant dit, la vie de quartier et l’offre commerciale ne sont pas des variables indépendantes. Il faut que le milieu soit favorable à l’ouverture de nouveaux commerces pour que les commerçants viennent s’y installer.
«Les gens se faisaient dire : “Il n’y a rien qui marche à Ville-Émard. On vous aime, mais ça ne peut pas marcher.” Il y avait une mentalité de petit pain, on se disait qu’ici, rien ne marche jamais.»
« C’est sûr que l’aménagement de la rue elle-même participe beaucoup à l’image et au confort, explique Pierre Moro-Lin. Des places publiques, des accès aux parcs, ça devient très important, que ces espaces soient éphémères ou permanents. Il s’agit de créer des espaces qui bénéficient aussi aux commerçants, parce que leurs clients peuvent manger sur place ou acheter des mets pour emporter. Leur rayonnement de ces endroits dépasse le simple fait de servir les commerçants et de leur permettre d’augmenter leur chiffre d’affaires : il participe à l’émergence de quartiers, véritablement! »
Pierre et son équipe travaillent également à créer une image pour les artères qu’ils tentent de revitaliser, comme ils le font en ce moment avec la rue Fleury : « Il y a la signalétique, aussi : on travaille beaucoup à définir une identité unique pour chaque quartier. Ça crée un sentiment d’appartenance très, très fort. »
Nadia De Gagné croit également que l’éclosion de nouveaux commerces contribue au développement de ce sentiment de fierté : « Les gens se faisaient dire : “Il n’y a rien qui marche à Ville-Émard. On vous aime, mais ça ne peut pas marcher.” Il y avait une mentalité de petit pain, on se disait qu’ici, rien ne marche jamais. Aujourd’hui, les habitants nous remercient d’avoir ouvert ce genre de commerce dans leur quartier. Ça fait peut-être prétentieux, mais je le fais vraiment pour les gens du quartier. C’est quelque chose que les gens demandaient, qu’ils voulaient, et avoir un beau commerce, ça redonne une fierté. »
Mais pourquoi ouvrir un commerce dans un désert?
On comprend pourquoi les habitants de tels quartiers pourraient vouloir de nouveaux commerces… mais les entrepreneurs, eux, pourquoi iraient-ils s’installer dans des endroits qu’on qualifie de déserts?
«Avec l’échangeur Turcot et tout ça, ça bouge beaucoup dans le quartier. On savait qu’il y aurait une revitalisation, mais personne ne prenait la place.»
Pour Nadia De Gagné, il y avait une occasion à saisir : « Avec l’échangeur Turcot et tout ça, ça bouge beaucoup dans le quartier. On savait qu’il y aurait une revitalisation, mais personne ne prenait la place. On a commencé à comprendre les besoins dans le quartier [NDLR : Nadia et son conjoint sont également propriétaires d’un café ouvert dans le quartier il y a cinq ans, le Café central]. On savait qu’il n’y avait rien, que c’était un désert alimentaire… On s’est dit : “Pourquoi ne pas saisir cette occasion-là?” »
Mais Pierre Moro-Lin, également propriétaire d’un commerce, dans Hochelaga, y va d’une explication plus simple : « Pour moi, c’était important d’être dans Hochelaga-Maisonneuve parce que j’y habite. Pouvoir aller travailler à vélo, ça m’offre une qualité de vie que je trouve importante. »
Après tout, c’est ce qu’on dit : l’important, c’est d’aimer son quartier!
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