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Quand le jeu vidéo devient un jeu d’auteur

Rencontre avec un créateur qui veut amener le jeu vidéo vers une nouvelle voix

Par
Amélie Grenier
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J’ai connu Simon-Albert Boudreault alors que je cherchais un collaborateur “gamer” pour URBANIA (une grande passion personnelle). Mais au lieu de me soumettre des textes sur l’univers du jeu vidéo, ledit collaborateur s’est rapidement mis à me livrer des textes émouvants dans lesquels il exposait des bribes de sa vie (avec une grosse job d’introspection).

L’idée de faire des jeux d’auteur m’est venue à force de me sentir aliéné par mon ancienne job de développeur dans un gros studio.

L’été dernier, il m’a écrit:
– Je prépare une conférence… Je vais parler du pouvoir thérapeutique des jeux vidéo.
– Eh, what? Je veux en savoir plus, pis vite!
– Je revois mes expériences personnelles de manière ludique.

Et là, il m’a envoyé ce démo. La fuite vers l’avant, un projet de jeu inspiré de sa rupture amoureuse.

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Après le visionnement, j’étais su’ l’cul! Je venais de vivre de quoi.

J’ai pour ma part joué au jeu Word of Warcraft pendant 5 ans. Avec mon paladin, j’ai pu vivre de l’excitation, du dépassement, du défoulement, de l’enthousiasme, de l’émerveillement, mais des moments émouvants qui m’ont fait réfléchir sur ma vie? Non, ça ne m’était pas arrivé. J’ai donc voulu en savoir plus sur le parcours de ce gamer pas comme les autres, sur ce qui a bien pu mener Simon-Albert à concevoir le jeu de façon si unique…

J’avais envie de faire des jeux basés sur autre chose; sur les choses que je ressens, ou sur ce qui me fait peur.

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Entrevue avec l’artiste

Simon-Albert est à la fois professeur et concepteur de jeux vidéo, en plus d’être auxiliaire de recherche en réalité virtuelle à l’Université Concordia. Il est aussi à la tête du collectif FLOP, un Gamejam Community (c’est comme jammer avec un band de musique, mais là c’est avec des jeux plutôt que des notes).

Et en plus, il vient de lancer un site web dans lequel on peut explorer sa collection de mini-jeux. Tout le monde peut y jouer! Il faut simplement cliquer sur des mots, des phrases… certaines font rire et d’autres chamboulent l’intérieur. Pas de monstres, mais des émotions! On y retrouve un soupçon de l’esti de “game” amoureuse!

Mes jeux ne remplissent vraiment pas les attentes qu’on a d’un jeu plus traditionnel.

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D’où est venue l’idée de te lancer dans ce type de jeux vidéo?

Salut! Merci, d’abord, de me rappeler que je n’ai pas de vie. L’idée de faire des jeux d’auteur m’est venue à force de me sentir aliéné par mon ancienne job de développeur dans un gros studio bien connu. C’est l’fun, les jeux de gun, ou de course, ou d’épée… mais j’ai éventuellement allumé que j’avais juste envie de faire des jeux basés sur autre chose; sur les choses que je ressens, ou sur ce qui me fait peur. Ça m’allumait pas mal plus que les jeux d’action qui finissent tous par se ressembler.

Le jeu d’auteur, c’est assez récent dans l’univers du gaming?

Quand même. En règle générale, l’industrie du jeu vidéo est encore très concentrée à faire des jeux basés sur le fun et autres fantasmes de superpouvoirs. Des “jeux d’auteur”, c’est un concept encore un peu flou. Genre faire un jeu à propos d’une période de dépression. Ou faire un jeu sur ton changement de sexe. Ou faire un jeu sur une expérience de harcèlement sexuel. C’est nouveau dans le sens où ce ne sont pas des jeux qui sont “fun”, même si tu passes à travers toutes sortes de feels en y jouant.

Ça n’a pas rapport d’être “gamer” pour jouer.

Tu espères joindre quel public avec ces jeux?

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Ironiquement, mon entourage calé en jeux vidéo n’a vraiment pas tripé sur mes jeux. C’est plutôt mon entourage qui a peu ou pas d’expérience avec le “gaming” qui a vraiment embarqué dans mes idées. Ça a du sens, j’pense, parce que mes jeux ne remplissent vraiment pas les attentes qu’on a d’un jeu plus traditionnel. Ça m’intéresse beaucoup d’embarquer des gens qui ne connaissent pas les jeux à cet univers, pis leur montrer qu’au fond, ça n’a pas rapport d’être “gamer” pour jouer.

Lequel de tes mini-jeux te rend le plus fier?

Euh, l’an dernier, j’ai fait sur un coup de tête un simulateur de pick-up lines prétentieuses! J’me répète qu’un jour, quelqu’un qui s’en servira, pis ça marchera, pis l’amour surviendra. I want to believe.

Si on se rend sur ton site, on peut jouer à combien de jeux et on peut s’attendre à quoi?

Pas grand-chose encore. Ça va s’étoffer au courant de l’année. Mais y’a quand même déjà quelques expérimentations qui donnent un avant-goût de ce qui s’en vient, genre la suite de ma série de “jeux-texte”.

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Et pour finir, un complète la phrase: Bientôt, le jeu vidéo… aura autant de femmes que d’hommes dans son industrie. On est encore bien loin de cette réalité, mais il y a eu beaucoup de prises de conscience à grande échelle ces dernières années, alors j’me permets d’être optimiste.

On entend souvent dire que le Québec est un lieu très créatif! Quand je fais des rencontres comme celle-ci, je le crois toujours plus! J’aimerais que le Québec soit un leader dans le jeu vidéo d’auteur. Je devrais d’ailleurs déjà m’y mettre… à suivre!

***

Si vous voulez en savoir plus sur le collectif FLOP, c’est par ICI!

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