Logo
Quand le dating est politique

Quand le dating est politique

« Si c’est marqué conservateur, désolée, mais c’est un non direct. » 

Par
Charline Caro
Publicité

Sur certaines applications de rencontre, il est possible d’indiquer son orientation politique, au même titre que sa taille, sa job, ou ses centres d’intérêt. Cette information devient parfois un véritable critère de sélection : elle permet aux utilisateurs d’écarter les profils dont les opinions politiques sont trop éloignées des leurs.

Sarah* est étudiante en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et utilise l’application de rencontre Hinge depuis deux mois. Pour elle, l’étiquette politique attachée à un profil est assez déterminante : « Je la regarde et je swipe en fonction », explique-t-elle.

Elle écarte généralement les personnes qui se disent conservatrices ou apolitiques, parce qu’elle « sait que ça ne marchera pas ». Pour les autres, soit celles qui choisissent les étiquettes « libéral » ou « modéré », elle peut choisir de matcher si le profil lui plaît.

« Je ne vais pas forcément m’arrêter à ça, même si je juge que c’est important pour la suite. »

Publicité

Il faut dire qu’avec seulement quatre étiquettes proposées, les options sont plutôt limitées, regrette Catherine*, de retour sur Hinge depuis trois semaines. Étudiante en environnement à l’Université de Montréal, elle a choisi de ne pas afficher d’étiquette sur son profil, estimant qu’aucune ne reflétait vraiment ses idées.

Elle préfère miser sur le « non verbal » pour laisser transparaître ses valeurs politiques : « Sur mon profil, il y a une photo de moi en rando, une autre où je porte le keffieh, et une affiche des poissons d’eau douce du Québec », s’amuse-t-elle. Une manière subtile – mais efficace – de faire fuir les personnes que ces symboles rebutent.

Laisser place aux échanges

De son côté, Catherine veut laisser une chance au coureur ou à la coureuse avant de couper court à la discussion. Elle échange volontiers avec tout le monde – ou presque – tout en gardant en tête la compatibilité politique. Sans que la conversation soit directement politique, elle croit que le jupon de chacun finit toujours par se révéler.

Pour Sarah, une fois le test de l’étiquette politique passé, elle ne s’offense pas trop s’il y a des désaccords politiques au cours de la discussion :

« Je pense que c’est bien de ne pas forcément discuter avec des gens qui vont tout le temps dans ton sens. »

Publicité

Ça dépend toutefois des sujets. Si un débat s’installe autour de l’économie, par exemple, elle peut être disposée à continuer. Mais si le désaccord concerne des enjeux sociaux et des valeurs de tolérance, elle n’ira pas plus loin avec la personne. Elle évoque alors sa dernière date, qui a tourné en véritable débat : « On n’avait pas les mêmes idées et ça a un peu clashé […], donc forcément, ça m’a refroidie. »

Une condition pour s’engager

Si Catherine accorde de l’importance aux valeurs politiques de ses dates, c’est d’abord pour une question d’affinités. Passionnée par les enjeux environnementaux, elle ne se voit pas fréquenter quelqu’un qui n’y accorderait aucune importance. Au-delà d’un simple cadre théorique, l’orientation politique d’une personne se traduit aussi à travers son mode de vie.

De son côté, Sarah soutient que « l’orientation politique est une façon de voir et de penser le monde ». Elle ne s’imagine donc pas « avancer dans la vie » avec quelqu’un qui ne partage pas sa vision des choses. En plus, avec l’arrivée des élections fédérales et ce qui se trame de l’autre côté de la frontière, elle s’estime d’autant plus attentive aux valeurs des autres.

« C’est un moment d’effervescence politique, et ces questions deviennent encore plus importantes pour moi. »

Publicité

Cela dit, dans le cadre d’une relation plus courte et légère, Sarah considère toutefois être plus ouverte aux désaccords, « même s’il y a des limites ». Catherine, elle, croit en revanche que peu importe leur nature, toutes les relations sont faites de discussions à travers lesquelles nos opinions politiques finissent par transparaître. « Si le choc des valeurs est trop grand, ça va me turn off », confie-t-elle.

Au-delà des idées, la recherche d’une personne avec qui on est compatible sur le plan politique peut être motivée par des questions de sécurité, poursuit Catherine : « Je n’ai pas envie d’aller en date avec quelqu’un avec qui je me sentirais en danger. » L’étudiante dit faire d’autant plus attention à ses fréquentations dans le contexte de la montée des mouvements masculinistes.

Sarah estime également que le filtrage politique est une façon de s’assurer qu’elle sera acceptée telle qu’elle est : « Ma mère est une immigrante, donc c’est difficile de faire face à quelqu’un qui te dit que les étrangers devraient rentrer chez eux. »

Publicité

Rien de plus normal ?

Finalement, on constate que les applications de rencontre ne font que reproduire les cercles qu’un individu fréquente. « C’est la même chose dans la vraie vie », observe Sarah. « Je suis tout aussi entourée de gens qui me ressemblent en dehors des applications. »

Catherine trouve quant à elle qu’il est normal d’aller vers des personnes avec qui on se sent à l’aise, d’autant plus dans un climat politique « qui fait peur à tous les niveaux ».

Finalement, est-ce que le dating, c’est politique ? « Oui », affirme Sarah. « La vie est politique », résume-t-elle.

*Les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat.