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Quand la nature s’illumine et se raconte
Se promener dans un parc à l’automne, c’est bien. Le découvrir la nuit, c’est encore mieux. Grâce à l’aide de la technologie connectée qui donne vie à des projections visuelles, des sons et des jeux de lumière, le parc national de Banff (Alberta) et le parc national de la Rouge (Ontario) s’apprêtent à se dévoiler le mois prochain.
C’est le studio multimédia montréalais Moment Factory et l’artiste Sarah Fuller qui ont imaginé et conceptualisé ce projet d’envergure, à la fois artistique et engagé. L’objectif? Mettre en lumière, illuminer, comme l’indique d’ailleurs son nom ILLUMINATIONS nature/humaine, la biodiversité, le passage de l’homme et l’histoire de ces deux sites qui accueillent chaque année des millions de flâneurs sur leurs sentiers. Une espèce d’exposition à ciel ouvert qui a l’audace notamment de (ré) concilier la technologie et l’environnement pour fêter le Canada de manière consciente, au cours d’une promenade pas banale.
On a discuté avec Simon Garant, de Moment Factory, de la conception de cette installation qui nous donne le goût de s’offrir des nouvelles chaussures de marche.
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On soulève la question du futur des espaces sauvages en invitant les gens à les redécouvrir.
Allô! Quossé illuminer la nature, en fait?
C’est une bonne question! Évidemment nous utilisons les technologies, les lumières et tout ce qui existe en « show-business »! Mais d’un point de vue plus conceptuel, l’illumination de la « nature/humaine », c’est mettre l’emphase sur les histoires moins connues de ces deux sites. Par exemple à Banff, c’est les Rocheuses, tout semble si sauvage. Mais en réalité il y a une grande histoire humaine derrière le parc. Le lac Minnewanka par exemple, où nous allons faire une expérience sur ses berges, c’est un réservoir créé par l’homme et il y a une ville au fond du lac qui a été submergée. Cette année, il y a aussi eu la réintroduction des bisons en hélicoptères, car l’espèce s’était éteinte à cause de la présence humaine dans le passé… Si on va du côté du parc de la Rouge, il se situe en réalité dans la zone la plus peuplée au Canada, Toronto est juste à côté. Il y a un train qui passe sur le site, une piste cyclable, c’est vraiment un lieu à première vue qui a été transformé par l’homme, mais la biodiversité est vraiment très riche, d’où l’intérêt de la protéger. En fait, on vient mettre l’emphase sur toutes ces histoires-là. Pour les locaux, c’est aussi une opportunité d’avoir un regard neuf sur un lieu qu’ils pensent connaître.
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À part raconter ces récits moins connus, vous posez aussi des questions environnementales intéressantes, par exemple celle de l’avenir des espèces sauvages… Y’a-t-il un objectif de sensibilisation derrière ça?
Avant tout, il n’y a pas de jugement de portée, c’est une expérience artistique. Mais oui, on soulève la question du futur des espaces sauvages en invitant les gens à les redécouvrir. Il y a un désir de sensibiliser, mais plus dans le sens d’éveiller les questionnements, sans nécessairement offrir toutes les réponses non plus. Cette expérience-là a pour but, de façon collaborative, de soulever des questions comme « comment peut-on réinventer la relation, le lien qu’on a avec la nature? »
Comment rendre ça simple et agréable malgré la complexité technologique derrière l’ensemble de cette installation?
ILLUMINATIONS nature/humaine se définit comme étant une expérience artistique participative, car les spectateurs, répartis en petits groupes, vont interagir avec la nature à l’aide d’outils portatifs. Dans le fond c’est quoi et comment ça marche?
Les groupes vont se déplacer avec des outils multimédias qui, à première vue, ont l’air très banals! On parle de sac a dos, de lanternes, de lampes de poche, de cartes topographiques… Un peu le matériel classique qu’on utiliserait en randonnée dans un parc, mais là ça se passe la nuit et tous ces objets-là sont connectés à l’environnement. Les stations sont un peu dormance, et les outils vont les illuminer et les rendre vivantes. La lanterne c’est d’ailleurs un peu le guide du groupe et une fois posée sur une borne d’activation, la station en dormance va s’allumer et le son va émaner du sac à dos. Les gens auront aussi des mini projecteurs portatifs pour le contenu vidéo… Et tout ça va ensuite tranquillement disparaître, et redevenir invisible à l’œil nu…
Wow! Je sais aussi que vous avez rencontré des chefs de communautés des Premières Nations lors de la conception du projet…
Absolument, on voulait dès le début du processus de recherche faire appel à leurs connaissances, et bien évidemment, leur parler du projet, car on sait que c’est un sujet complexe surtout cette année avec le 150e. On n’a pas créé l’expérience avec les Premières Nations, mais on est allé puiser des informations chez elles. On en fait également beaucoup mention tout au long de l’expérience et on ne se revendique surtout pas experts. On se sent toujours un peu imposteur, mais on a fait le maximum d’effort pour travailler respectueusement et inclure leurs histoires de manière contemporaine. L’histoire du Canada est beaucoup plus vieille que 150 ans et ces sites-là sont notamment là pour nous le rappeler.
Finalement, pourquoi est-ce qu’un studio montréalais comme Moment Factory a embarqué dans un projet comme celui-ci, à la fois en Ontario et en Alberta?
On a embarqué dans ce projet pour différentes raisons! Pour l’attrait de cette collaboration avec l’artiste Sarah Fuller, mais aussi le côté nature et l’expérience nocturne où on est compétents. Mais il y a aussi eu deux défis majeurs. Le défi recherche et développement avec ces fameux outils connectés, comment rendre ça simple et agréable malgré la complexité technologique derrière l’ensemble de cette installation? Et pour le défi environnemental, ne pas laisser de trace. On voulait arriver à créer une expérience avec le moins de traces sur la nature possible. Évidemment on est dans du divertissement donc c’est limité, car on vient forcément déranger la faune et la flore, mais tout est à batterie rechargeable, tout va être réutilisable, on a d’ailleurs travaillé avec un expert afin qu’il nous conseille. Et tout ça en pensant que réaliser cette installation à deux endroits de l’autre bout du pays, il fallait la rendre portative! Le contenu sera totalement différent pour chacun des sites, mais la structure expérientielle et la technologie seront les mêmes!
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ILLUMINATIONS nature/humaine aura lieu du 5 au 7 octobre au parc national de Banff en Alberta, puis du 19 au 21 octobre au parc national de la Rouge en Ontario. Pour réserver son billet gratuitement, c’est ici.
PS. L’histoire raconte qu’il y aura un feu de camp multimédia à la fin du parcours pour se réchauffer. On trouve ça presque aussi hot que le projet lui-même!
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