Quand la machine ne paie pas

Il fut un temps pas si lointain où les jeux de hasard et d’argent étaient confinés aux casinos, aux salles de bingo et aux billets de loto. Avant l’année 2000, un ado québécois pouvait même se procurer en toute légalité un 6/49 au dépanneur du coin.

De nos jours, c’est encore plus facile de jouer… et de perdre. Les jeux de hasard nous suivent jusque dans la poche de nos jeans : ils sont maintenant en ligne!

Le site Espace-Jeux de Loto-Québec est le seul site de jeu en ligne légal au Québec. Les nombreux autres sites de jeu de hasard échappent donc à toute réglementation, ce qui leur permet de happer le consommateur à coups de stratégies parfois trompeuses, comme des jeux gratuits pour promouvoir une plateforme payante.

Dans certains jeux en ligne, on fait davantage de gains lors de la période d’essai, qui n’implique pas d’argent réel, et ces gains sont plus élevés. Les chances de gagner reviennent à la normale (c’est-à-dire assez basses) lorsqu’on s’inscrit enfin, appâtés par une combinaison de la chance du débutant et de la dopamine favorisée par nos victoires faciles.

Et c’est là qu’on commence à perdre de l’argent.

Source : Jeu : aide et référence.

Selon les chercheuses de l’UQAM Alexandra Dumont, doctorante en communication, et Maude Bonenfant, Ph. D. et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les données massives et les communautés de joueurs, « l’attrait suscité par l’incertitude du gain est très grand ».

« Les mêmes biais cognitifs des jeux de hasard et d’argent (JHA) sont exploités dans les mécaniques des jeux gratuits : aversion pour la perte ou la dépossession, quasi-victoire (near miss), renforcement à intervalles fixes ou variables, illusion ou erreur du parieur (gambler’s fallacies) », poursuivent les chercheuses dans une étude parue en novembre 2024 dans le magazine Drogues, santé et société.

« Les développements technologiques et réseautiques permettent […] aux industries des jeux vidéo et des JHA de créer des espaces numériques de jeux pouvant faire abstraction de la notion de temps et de lieu », expliquent les chercheuses. « Ces technologies offrent aux usagers et aux usagères un accès constant, rapide et instantané aux jeux, ce qui augmente d’ailleurs les risques d’addiction. »

Lorsqu’on joue longtemps à un jeu de hasard, on pourrait être tenté de croire qu’on va forcément finir par gagner, que la machine va finir par payer. Or, la réalité est tout autre. Dans le jeu, chaque tour est indépendant des autres. Cela signifie que nos chances retombent toujours au même (bas) niveau.

Quand j’étais petite, le club vidéo de ma ville avait une grosse machine à boules de gomme multicolores. Les boules de gomme noires permettaient de gagner une location gratuite. Plus on investissait de 25 sous, plus on avait de chances de louer gratuitement un VHS de son choix. C’est d’ailleurs grâce à cette machine que j’ai regardé mon premier film d’horreur (Les Griffes de la nuit, pour les curieux!).

Dans les jeux de hasard et d’argent, c’est comme si on remettait chaque fois la boule de gomme dans la machine. À chaque partie, nos probabilités de gagner restent les mêmes – et elles ne sont pas très élevées, question d’assurer un maximum de profit à l’entreprise derrière le jeu.

En effet, tous les jeux de hasard et d’argent ont été conçus pour rapporter des profits à l’entreprise qui les gère, et l’immense majorité des joueurs y perdent de l’argent. Cela s’explique par le fait que les jeux de hasard ne requièrent ni talent ni compétence. Personne ne devient bon à ces jeux, même si certaines publicités laissent croire qu’on exerce une influence quelconque sur les résultats.

Et même si on a façonné son karma pendant des années en aidant de vieilles dames à traverser la rue, on n’est pas plus chanceux qu’un autre.

Bien qu’on puisse décliner les jeux de hasard et d’argent en trois catégories selon leur degré d’imprévisibilité, chaque jeu de hasard reste… voué au hasard.

• 1- Les jeux dont les résultats sont imprévisibles et incontrôlables

Comme le bon vieux bingo! Les boules sont tirées au hasard, et tout ce qu’on a à faire, c’est tamponner ses cartes de petits ronds fluo ou les couvrir de jetons de plastique (aussi fluo).

• 2- Les jeux dont les résultats sont tributaires du hasard et d’une quasi-adresse

Pensez aux jeux de pari, comme une course de chevaux : vous avez le choix du cheval, mais pas du vainqueur.

• 3- Les jeux dont les résultats sont tributaires du hasard et de l’adresse des joueurs

Pensons au poker ou au black jack, par exemple. On ne choisit pas ses cartes, mais on choisit la façon de les jouer.

Cette dernière catégorie de jeux repose elle aussi sur le hasard, ce qui signifie que statistiquement, « jouer plus longtemps ou à plusieurs jeux augmente le risque de perdre plus d’argent et plus rapidement », explique Jeu : aide et référence.

En sachant ça, on peut conclure que perdre une somme considérable mais arriver quand même à payer son loyer ne signifie pas nécessairement qu’on a un problème de jeu.

Par contre, l’inverse est aussi vrai : même si on a beaucoup d’argent à dépenser grâce à un revenu de gestionnaire diplômé, et même si on ne joue qu’une fois par semaine, le jeu peut avoir des conséquences.

• Isolement

Le temps passé à jouer peut progressivement dépasser celui que l’on consacre à toute autre activité sociale.

• Effets négatifs sur la santé physique et mentale

La personne qui joue peut en venir à souffrir d’anxiété, d’un trouble dépressif, de stress, d’insomnie, de maux de tête ainsi que de douleurs au dos et au cou.

• Conflits avec les proches

En jouant, on peut finir par négliger ses proches en s’isolant, ou encore mentir sur ses habitudes de jeu et sur ses pertes financières.

• Problèmes professionnels ou scolaires

Absentéisme, baisse de productivité, etc.

• Troubles concomitants

Troubles diagnostiqués chez une personne lorsqu’elle vit à la fois un problème de jeu et un ou plusieurs troubles de santé mentale, ou un trouble de l’usage d’une substance (alcool, tabac, anxiolytiques…).

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Quand on est pris à son jeu et qu’on a besoin d’aide, Jeu : aide et référence est là, gratuit, confidentiel, bilingue, 24 heures sur 24.