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Prouver quoi, en 140 caractères?

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Parmi les fléaux qu’a généré l’Internet, le tweetfight est probablement la pire abomination (après chatroulette, mettons).

Ça m’est arrivé une fois, et plus jamais on ne m’y prendra. C’était une petite chicanette avec une jeune journaliste (plus jeune que moi, le genre qui se réclame du «gonzo» dans son descriptif Twitter) qui n’était pas d’accord avec moi pour une raison qui m’échappe aujourd’hui. L’obstinade s’est rapidement transformée en attaques personnelles, et aussitôt, ma dignité a cédé sa place à des bassesses argumentatives que je regrette encore. Je n’ai rien retenu de ce débat stérile, sinon que ce conseil valeureux d’une adepte anonyme que je ne remercierai jamais assez : «never feed the troll» (ne nourrissez pas la bête).

Le principal facteur derrière la stérilité d’un tweetfight est évidemment son paramètre principal : les 140 caractères (souvent amputés de mots-clefs ou de noms parasites) qui balisent chacune des interventions. Cette limitation, c’est une invitation formelle au raccourci intellectuel, à la phrase assassine, au pointage du doigt, aux accusations gratuites, et parfois même à de la basse méchanceté.

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J’aime les débats. Les débats sains, où chacun peut exposer son opinion, l’étayer de moult mots, respecter son prochain, dont chacun peut entrer ou sortir lorsque bon lui semble, idéalement pas dans la minute après y avoir lancé une bombe. En tant que chroniqueuse et blogueuse, je suis plutôt comblée en la matière. J’ai le privilège de pouvoir partager mes opinions sur plusieurs tribunes, et, sauf lorsque le débat dégénère et qu’on ne peut plus les modérer, de recevoir les commentaires des lecteurs.

J’ai des collègues qui, malgré leur statut de chroniqueur, s’adonnent au tweetfight. Je ne les juge pas (surtout lorsqu’ils le font pour se porter à ma défense – merci @kick1972 et @Liseravary), mais je ne les comprends pas. Je les vois argumenter pendant des heures avec des personnes qui s’annoncent dès le départ inaptes à raisonner. De précieux moments de lucidité envolés dans le tourbillon d’infructueux débats. Et même lorsque l’on sort «gagnant» d’un tweetfight, au fond, on gagne quoi?

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Je comprends qu’il puisse être grisant de sauter dans le ring, surtout quand on a la conviction d’être le plus fort, mais personnellement, je ne ressens aucun plaisir à l’emporter aux dépens de démunis de la rhétorique. Généralement, personne ne se sort indemne d’un tweetfight, et plus souvent qu’autrement, les deux grandes perdantes sont la raison et la paix.

Ça fait quoi, cinq ans, six ans, que Twitter est dans nos vies? Quelqu’un a-t-il, depuis, été témoin d’un tweetfight qui se serait terminé par «ouin, c’est vrai, au fond, t’as raison»? Ou même par un simple «ok, laisse-moi y réfléchir»? Une querelle en 140 caractères a-t-elle déjà mené à un débat sain et constructif, profitable à l’avancement de la société?

Le plus souvent, la discussion se termine quand l’un des deux protagonistes décide d’aller se coucher, la pression accotée au plafond, un sport aussi bon pour la santé que les concours d’engloutissement de poutine. Comme une certaine Sarah, je pense que je préfère la course.

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