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Profession : DJ de votre temps des Fêtes

Croyez-le ou non, il y a des humains derrière vos «playlists» de Noël.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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AVERTISSEMENT: Ce texte risque fortement de vous enfoncer encore plus profondément en tête (si ce n’est pas encore fait) la chanson All I want for christmas is you de Mariah Carey. Vous voilà prévenu.

Comme chaque année depuis l’époque de Galaxie (RIP 1997-2014), le réseau de musique en continu Stingray propose une centaine de chaînes des Fêtes: du Noël reggae aux playlists karaoké en passant par les indécrottables classiques, le tout livré dans une ambiance de feu de foyer numérique.

Qui doit-on haïr pour cette surabondance de chansons de l’album Noël à deux de JF Breau et Marie-Ève Janvier sur les listes francophones?

Au-delà des succès de la société montréalaise (1200 employés dans le monde, plus de 200 chaînes consacrées à la musique canadienne, 100 stations de radio et des millions de téléchargements, ici comme ailleurs), on a voulu retourner à la base pour comprendre comment ça fonctionne tout ça au juste. Qui prépare ces fameuses listes de Noël ? Qui doit-on haïr pour cette surabondance de chansons de l’album Noël à deux de JF Breau et Marie-Ève Janvier sur les listes francophones?

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J’ai crevé l’abcès avec Patrick Binette, le directeur principal de la programmation chez Stingray.

Confinement oblige, Patrick explique d’emblée que les gens utilisent leurs services plus que jamais. « Ça roule à fond », résume celui qui a mis en ligne les listes de Noël en avance cette année, pour faire contrepoids à la morosité pandémique ambiante. « On a une équipe de programmation de plus de 100 personnes à travers le monde (60 pays) dont une quinzaine à Montréal. On regarde ensuite chaque année pour faire un bilan », explique Patrick, qui a dû adapter sa programmation aux humeurs de la clientèle au fil des années. « Au début, on avait une chaîne de Noël où on mélangeait tout, mais personne n’était content. Ensuite on l’a subdivisé par genres (rock, français, traditionnel) puis on a commencé à répartir davantage par mood », explique-t-il, citant en exemple des ambiances « partys de Noël », « soupers tranquilles » ou «nostalgique en décorant le sapin ».

«Au début, on avait une chaîne de Noël où on mélangeait tout, mais personne n’était content. Ensuite on l’a subdivisé par genres (rock, français, traditionnel) puis on a commencé à répartir davantage par mood.»

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Même si Patrick avoue avoir étiré la sauce au maximum avec une centaine de chaînes, son équipe a quand même trouvé le moyen d’ajouter quatre playlists cette année, dont une de rock classique, une indie chill et une acoustique. « Toute l’équipe (anglo et franco) trippent sinon sur l’album de Noël de Pierre Lapointe et celui de Chili Gonzales », souligne Patrick Binette, mentionnant également l’album A holly Dolly Christmas de Dolly Parton (avec plein de vedettes en duo), celui de Carrie Underwood (My gift) et aussi le Noël à trois des Québécois.es Manon Séguin et Christian-Marc Gendron. « On a l’avantage de voir ce qui marche ou non, mais si on est convaincus que la pièce est bonne, on ne va pas l’éliminer pour autant. On n’a pas la pression des radios commerciales », raconte Patrick qui dégage jusqu’ici une tendance musicale très 2020: le calme. « Les crooners, la musique de spa, de relaxation ou de méditation fonctionne mieux que dans le passé. C’est sans doute mieux pour travailler à la maison et les gens ont besoin de se relaxer », estime-t-il.

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Patrick Binette observe sinon une sorte de retour aux sources et aux traditions avec un engouement pour les albums de Noël de Sinatra, Elvis, Bing Crosby ou Tony Bennett.

«la musique de spa, de relaxation ou de méditation fonctionne mieux que dans le passé. C’est sans doute mieux pour travailler à la maison et les gens ont besoin de se relaxer.»

Sinon, la chaîne Best Christmas songs of all time avec tous les vers d’oreille que vous pouvez imaginer continue de dominer le palmarès. Côté francophone, c’est la liste Souvenirs de Noël qui obtient le plus de téléchargements. « Les gens étaient au rendez-vous en avance. On avait même une chaîne dans le top 5 dans la première semaine de novembre », mentionne Patrick, ajoutant que chaque pays s’adapte selon ses traditions. « Aux États-Unis, ça commence après Thanksgiving. Aux Pays-Bas, la musique a une dimension plus religieuse avec la fête de Saint-Nicolas (Sinterklaas). En Turquie et en Israël, c’est d’autres réalités », énumère le directeur de la programmation, qui fait aussi confiance à ses équipes éparpillées dans le monde pour adapter Noël à la sauce locale. « Plus que jamais les gens se tournent vers des artistes traditionnels, des artistes locaux », constate Patrick.

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Au Québec, la musique de Noël est un « énorme » phénomène, lance-t-il, précisant que c’est ici qu’elle est le plus populaire et qu’elle se fait entendre le plus tôt. « La province est très attachée à la musique de Noël, son Bye Bye, Ciné-Cadeau, bref ses traditions. On propose même depuis 2-3 ans une chaîne très populaire pour le Noël des campeurs en juillet », souligne Patrick.

«Les gens ont du mal à s’habituer à de nouvelles versions et finissent toujours par chanter Last Christmas même si on la déteste tous !»

Par ailleurs, certains classiques ont beau avoir été repris 10 000 fois (incluant au moins une version par les insupportables Chipmunks), les gens reviennent quand même toujours à la version originale. La preuve, la chanson Happy Xmas (War is Over) célèbre ses 50 ans dans le top 10 encore cette année. « Les gens ont du mal à s’habituer à de nouvelles versions et finissent toujours par chanter Last Christmas même si on la déteste tous ! », lance Patrick Binette en riant.

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Pour concevoir les listes, Patrick assure s’en remettre au bon jugement de son équipe de programmation, dont plusieurs membres ont travaillé dans le milieu de la radio dans le passé. « Ce sont des fans de musique, qui aiment mélanger leurs coups de tête et leurs coups de cœur. Je veux qu’ils aient la liberté d’ajouter leur grain de sel », résume Patrick.

Mais peu importe la manière avec laquelle les listes sont conçues, tout ce qui compte au final, c’est sans doute d’être pogné deux semaines avec des tounes de Noël dans la tête.

C’est sans doute ça l’esprit des Fêtes.

Sur ce, je laisse le mot de la fin à George Michael et sa légendaire crinière de feu:

Last Christmas I gave you my heart

But the very next day you gave it away (you gave it away)

This year, to save me from tears

I’ll give it to someone special (special)

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