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Préférez-vous vous retrouver seule avec un homme ou un ours?

Les femmes ont fait leur choix.

Par
Audrey Boutin
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Mesdames, j’ai une question pour vous. Imaginez, si vous le voulez bien, que vous êtes seule dans un boisé. N’importe quel boisé, c’est pas ça qui est important. Non, je ne vous laisse pas le temps d’aller chercher votre casquette Ciele, votre bouteille Nalgene et votre veste Patagonia. Focus.

Donc, tandis que vous êtes seule dans ledit boisé anonyme, préféreriez-vous tomber nez à nez avec un ours ou un homme?

En surface, cette question purement hypothétique peut sembler parfaitement absurde pour quiconque a déjà visionné le film Grizzly Man. Après tout, malgré leurs airs d’animaux en peluche surdimensionnés, les ours sont de dangereux prédateurs reconnus pour ne pas toujours attendre la mort de leur proie avant de la dévorer (#funfact).

Pourtant, quelques épisodes de podcasts de true crime ou bulletins de nouvelles du soir suffisent pour remettre cette question en perspective : dans le bois, loin de toute civilisation, où, à l’instar de l’espace, personne ne peut vous entendre appeler à l’aide… préféreriez-vous être seule avec un ours ou un homme?

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Sur les réseaux sociaux, la réponse est unanime : les femmes préféreraient se retrouver seules avec un ours (moi y compris #sorrynotsorry).

De simple vox pop à guerre des sexes

Comme toutes ces choses qui me donnent envie de me perdre dans le bois (avec ou sans ours) pour ne plus jamais revenir, ce combat de prédateurs a pris naissance sur TikTok.

Dans une vidéo de type Vox Pop, on voit un homme approcher des femmes de divers horizons pour leur poser la question que je vous ai relayée en début d’article. Avec une majorité écrasante, c’est l’ours qui l’emporte.

@screenshothq The question of being stuck in a forest with a man or a bear is circulating on TikTok right now and sparking some interesting conversation…. we know what our answer would be 🐻🌳 #manvsbear #tiktok #tiktoktrend #trending #challenge #streetinterview #voxpop ♬ Terror Music (Scary Song) – IMPERIUM RECORDS
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Tant dans la vidéo que dans les commentaires de différentes utilisatrices de la plateforme, les réponses à cette question varient, allant de comique à déprimant, en passant par une profonde envie de tout brûler.

« Au moins, si je me fais attaquer par un ours, les gens vont me croire », déclare une première utilisatrice.

« Si je me fais attaquer par un ours, personne ne me demandera combien de verres j’avais bu ou ce que je portais avant de me faire attaquer », rétorque une autre. « Si un ours m’attaque, il n’essaiera pas de faire croire à ses amis que j’ai aimé ça », conclut une autre, faisant déferler une vague de dégoût dans les tréfonds de mon estomac.

Sans surprises, de telles réponses ont provoqué une levée de boucliers du côté de la gent masculine qui n’apprécie guère la comparaison. Pourtant, lorsqu’une TikTokeuse demande à son conjoint s’il préférerait que leur fille se retrouve seule dans un boisé avec un ours ou un homme, celui-ci semble d’abord hésiter, demandant plus d’informations : « quel homme? », espérant sans doute que la réponse soit le regretté Bob Ross ou mon collègue Benoît. « Un homme », réplique sa conjointe. Alors qu’une réponse semble sur le point d’éclore, le visage de celui-ci change du tout au tout, visiblement affecté par les différents scénarios défilant dans son esprit.

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Promenons-nous dans les bois

Comme tout phénomène devenu viral, la question a rapidement quitté la plateforme TikTok pour se retrouver sous forme de memes parfois savoureux sur les autres plateformes, telles que Facebook ou Instagram.

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À travers ces memes, ce qu’on constate, c’est que les femmes semblent partager un moment de sororité entourant l’absurdité de leur choix face à ce dilemme hypothétique. Autre que la moquerie, d’autres memes témoignent également d’un retour du pendule suite à la montée en force de discours misogynes propagés sur les réseaux sociaux sous la forme de dating advice et autres techniques de pick up artists. Le message est clair : mieux vaut être accompagnée par un ours que mal accompagnée.

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C’est cependant lorsqu’on se tourne vers les perdants de ce débat que la conversation s’envenime. Tout d’abord, sur TikTok où la question est née, un utilisateur a posté une vidéo où il déplore que les femmes aient vécu une existence si « privilégiée » qu’elles préfèrent se retrouver dans le bois avec un ours plutôt qu’avec un homme. Sa source pour présenter un tel argument? Sa propre mère qui a survécu à l’attaque d’un ours noir et a même écrit un livre à ce sujet. Des utilisatrices ont toutefois rapidement tenu à lui rappeler que bien des femmes n’ont ni survécu ni eu le privilège d’écrire un livre suite à une rencontre impromptue avec un homme. À titre d’experte en résidence de true crime chez URBANIA… j’accorde le point aux utilisatrices.

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Sur les ondes du 98.5, Paul Arcand s’emporte également contre cette tendance web. S’il reconnaît d’abord les statistiques qui tendent à donner raison aux femmes (en 100 ans, au Québec, on attribue 6 décès aux ours, alors qu’au moment d’écrire ces lignes, 10 femmes ont déjà été tuées par leur conjoint en 2024), celui-ci s’insurge contre le raccourci intellectuel qui tend à placer tous les hommes dans le même panier, soit celui de dangereux délinquants sexuels.

#notallbears

Ici, je risque d’en étonner plusieurs, mais je dois m’avouer relativement d’accord avec Paul Arcand.

En fait, je comprends le sentiment d’injustice que ressentent certains hommes lorsqu’ils apprennent que les femmes considèrent que leurs chances de survie sont plus élevées face à un ours qu’à un homme.

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Parce que des bons gars, il y en a. Des gars qui n’insistent pas quand on refuse d’aller prendre un verre avec eux. Des gars qui restent sur leur cell et nous laissent tranquilles, le soir, dans le métro. Des gars qui ont fait de la thérapie au lieu de s’acheter un fumoir à viande. On le sait que vous existez et que vous vous sentez comme au secondaire quand la sortie au Centre des sciences était annulée parce que Jérémie avait lancé un homard à la prof d’espagnol (oh wait, ça vous est pas tous arrivé?).

Les gars, tirez-vous une bûche. Ça tombe bien, il en manque pas dans ce bois anonyme où je vous ai convié. La vérité, c’est que nous, les femmes, ne voulons pas vraiment être seules dans le bois avec un ours. Et trop souvent, je vois le débat être détourné pour plutôt questionner l’intelligence, voire le manque d’éducation des femmes quant aux risques que peuvent représenter les ours pour notre sécurité.

Breaking news : on est parfaitement conscientes que les ours, aussi adorables soient-ils avec leurs grosses pattes et minuscules oreilles, sont des animaux dangereux ayant le potentiel de nous tuer si on ose s’aventurer sur leur territoire. Aussi, on ne croit pas que les ours sont moins dangereux que les hommes. Loin de là. Juste que, statistiquement parlant, nos chances de nous sortir indemnes de cette rencontre impromptue nous forcent à nous tourner vers une bête de 600 kilos.

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Par contre, au lieu de nous parler de votre mère qui a survécu à une attaque d’ours noir, nous envoyer des extraits du film Grizzly Man ou carrément nous souhaiter de nous faire éventrer par un membre de la famille des ursidés, on vous demande simplement de prendre un moment pour comprendre pourquoi.

Pourquoi les femmes ne se sentent pas en sécurité dans des situations où elles sont seules avec des hommes.

Pensez à cette fameuse citation de Margaret Atwood : « Les hommes craignent que les femmes se moquent d’eux. Les femmes craignent que les hommes les tuent », et demandez-vous quels gestes, parfois bien simples, vous pourriez poser pour que les femmes cessent de vivre dans un climat de crainte perpétuel.

Oui, c’est plate de savoir que les femmes ont peur d’être seules avec vous. Mais savez-vous ce qui est encore plus plate? Espérer tomber sur un ours plutôt qu’un homme dans le bois.

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