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Pow-wow ou “J’ai mal agi”

Gestion de crise d'appropriation culturelle

Par
Marie Darsigny
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Je passe aux aveux: quand j’étais plus jeune, j’étais innocente. Non, pas innocente dans le sens “enfant non-corrompue qui court nue dans un champ de blé”, mais bien innocente comme dans “carrément niaiseuse”.

Deuxième aveu : je ne crois pas avoir été la seule. Bien sûr, c’est pardonnable: on passe tous par là, puis on grandit et on prend de la maturité et de l’expérience (du moins, j’ose l’espérer). Pourquoi suis-je donc en train de me traiter de niaiseuse aujourd’hui? Parce que récemment, j’ai fait le ménage dans mes vidéos Facebook, lieu ultime de l’embarras inouï. Le jour même où Radio-Canada annonçait la venue d’une émission de variétés nommée Pow-Wow, moi, dans mes archives personnelles, j’ai retrouvé un bijou de vidéo. Coiffée d’une parure de tête autochtone et d’un t-shirt avec une illustration d’ours et de truite arc-en-ciel, je joue du xylophone sur le célèbre succès de Mitsou Bye Bye Mon Cowboy.

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Ouf. Par où commencer? (Fausse interrogation… Je sais par où commencer: effacer cette horreur, non sans en prendre une délicieuse capture d’écran pour vos yeux seulement.) Cette vidéo est horriblement wrong pour des raisons évidentes. Pourtant, semblerait-il que l’appropriation culturelle ne faisait pas partie de mon vocabulaire en 2010. Quoique, c’est encore drôle (drôle avec la face par en bas): il faut croire que je ne suis pas si lente que ça, si en 2015 une société d’État canadienne ne voit pas l’erreur lorsqu’elle nomme un produit de divertissement avec un mot renvoyant à une activité traditionnelle d’une minorité autochtone. Minorité qu’on écrase systématiquement depuis 500 ans sans leur donner une voix… Et précisons que ce n’est visiblement pas l’art ou la musique autochtone que l’émission Pow-Wow va promouvoir.

Quand je vous dis que je ne suis pas la seule coupable de niaiseries: en 2010 avait aussi lieu un événement Frenche ou Meurs à la thématique Cowboys VS Indiens. Juste en écrivant cette phrase, mon pouls s’est accéléré et j’ai récité 10 “J’ai mal agi” à la Jean Leloup (qui est d’ailleurs aussi coupable de s’être enrichi avec l’appropriation culturelle, à coups d’imagerie de cowboys et “d’indiennes”). Je me souviens même qu’à l’époque de l’organisation de l’événement Frenche ou Meurs, les organisatrices avaient reçu un message de la part d’une membre d’une communauté autochtone qui leur mettait sous les yeux leur erreur de jugement. Dans le temps, j’avais trouvé ça exagéré: je ne voyais pas la faute. Mes amis et moi avions levé les yeux au ciel avant de nous remettre à notre confection de costumes.

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C’est fou comme les choses ont changées, en seulement 5 petites années. On a amplement discuté d’appropriation culturelle via des débats concernant Katy Perry, Iggy Azalea, Coachella, Urban Outfitters et leurs motifs “ethniques”… Aujourd’hui, il faudrait me payer très cher pour que je déambule avec une coiffe autochtone ou bien un bindi dans le front (autre crime que j’ai aussi commis par le passé… Je vous le dis, l’heure est aux confessions d’enfant des années 90 qui ne peut plus blâmer Gwen Stefani).

Je suis compréhensive. Je me dis qu’on fait tous des erreurs, que c’est une bonne chose si nous sommes maintenant plus sensibles à tout ce qui est en lien avec l’utilisation de symboles culturels d’une communauté qui n’est pas la nôtre. Bien que j’aimerais retourner en 2010 pour me donner une petite claque en arrière de la tête et m’arracher mes bâtons de xylophone, je me contente d’effacer la vidéo en me disant que je suis maintenant plus informée, que je ferai mieux à l’avenir. Je me dis aussi qu’on peut faire mieux, collectivement.

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La suite logique, pour l’émission Pow-Wow, était de faire un mea culpa et de changer de nom. C’est justement ce qui est arrivé : Radio-Canada a annoncé ce matin via une courte annonce sur son site web que l’émission va porter un nouveau nom. Fiou. Petite victoire. Il faut croire que, magiquement (je blague: c’est surtout par le pouvoir de la communauté autochtone et ses alliés – voir plus bas) une petite lumière rouge s’est afin allumée dans la tête des artisans de l’émission. Nous n’avons pas eu à retourner en arrière pour leur donner des petites claques en arrière de la tête, mais c’est tout comme.

Pour plus d’information sur l’appropriation culturelle dans le cas de l’émission Pow-Wow, je vous suggère de lire les mots de Natasha Kanapé Fontaine, qui résument la problématique mieux que je ne pourrais le faire. Comme elle l’a expliqué en entrevue à Médium Large mardi dernier, je crois qu’il est important de dénoncer l’utilisation de ce mot, qui à cause de l’histoire canadienne et du poids du colonialisme, n’est pas anodine du tout.

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