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Poutine Week 2017 : la guerre des tater tots

Par
Rémi Bourget
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Au plus profond de l’hiver, dans un contexte où nous devons recoudre nos déchirures collectives, on a plus que jamais besoin de réconfort. Et je sais que c’est cheesy comme ce n’est pas permis, mais me semble qu’une poutine c’est toujours ben un début de réconfort par une froide nuit d’hiver, surtout quand elle dure depuis près d’une semaine… En tout cas, moi, ça me fait du bien.

Sans surprise, c’est vers la Poutine Week que je me suis allé faire le plein de comfort food.

Les Tater tots dans la Poutine

Quand j’ai épluché le menu de la Poutine Week, ce sont les deux poutines aux Tater tots qui ont retenu mon attention, soit celles du Reubens Deli Steak et de La bêtise.

J’ai donc décidé d’organiser LA PREMIÈRE COMPÉTITION INTERNATIONALE DE POUTINE AUX TATER TOTS. Bien sûr, les restos n’ont pas été avisés que je les mettais en compétition, pour ne pas influencer le résultat.

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La Texas Gold Poutine du Reubens

Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Reubens est une véritable institution à Montréal. Le premier Reubens fut ouvert en 1976, coin Ste-Cath et McGill College, le deuxième, un peu plus à l’ouest sur la Catherine, en 1980. C’est là où je suis allé déguster la bête.

La Texas Gold est une poutine posée sur un lit de frites juliennes, surmontées de Tater tots au bacon, cheddar et origan, nappée de sauce brune à base de gras de brisket, recouverte de cheddar fumé râpé et couronnée d’un morceau de brisket à la texane (le brisket est un morceau de poitrine de bœuf).

J’étais en présence d’une véritable poutine-repas.

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Avant de commencer ma mission, j’avais mis toutes les chances de mon bord en évitant les féculents plus tôt dans la journée. Rendu au Reubens, vers l’heure du souper, j’étais affamé par ma diète de légumes. Dans ces circonstances, j’avais du mal à contenir mon excitation quand le plat est arrivé!

J’étais en présence d’une véritable poutine-repas. Et quel repas! L’odeur qui se dégageait de la brisket était tout simplement enivrante. Ça m’a pris tout mon petit change pour être capable de la photographier avant de me garrocher dessus!

Mais l’attente en a valu la peine.

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C’est l’osmose gustative

Dès la première bouchée, je me suis exclamé: «oh, la sauce est bonne en tabarnak!». Je parlais de la sauce brune, car à ce moment-là, je n’avais pas encore goûté à la brisket et sa sauce barbecue. J’ai remédié à la situation en prenant une bouchée qui incluait les juliennes, le fromage, la sauce brune et la pièce de viande.

S’il y a une chose que Reubens sait très bien réussir, c’est bien la sauce barbecue!

C’est là que j’ai compris le sens de l’expression «le tout vaut plus que la somme des parties», chacune des saveurs s’agençant à merveille dans une véritable osmose gustative.

Le brisket est cuit pendant presque huit heures et nappé d’une sauce barbecue à base de mélasse, de pâte de tomates et de cassonade. Et s’il y a une chose qu’un resto comme Reubens sait réussir, c’est bien une sauce barbecue! En fermant les yeux, j’avais l’impression d’être téléporté au Texas, l’instant d’une bouchée.

Une sauce pas piquée de vers

Quant à la sauce brune, elle était irréprochable, épaissie, épicée et surtout salée à point. Le fumet du cheddar rehaussait le tout et contribuait à la richesse et la complexité de la saveur.

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Dans ce contexte, les Tater tots étaient plus un accompagnement que le point focal du plat (lequel ne saurait être autre chose que la pièce de viande monumentale y trônant au sommet). Elles étaient faites maison et on arrivait bien à distinguer les morceaux de patates râpées au travers la croustillance de ces bouchées bien relevées. Personnellement, je préfère quand les Tater tots sont hachées plus grossièrement, plutôt que blendées de façon industrielle.

Il faut évidemment glisser un petit mot sur les juliennes. Elles sont typiques de ce genre de restaurant à gros volume: surgelées, panées et croustillante au premier abord. Instinctivement, on jurerait que ces frites sont parfaites pour une poutine.

La seule note négative: le fromage cheddar râpé

Pourtant, s’il y a un endroit où cette poutine a perdu quelques points, c’est au niveau de la consistance. Je m’explique: le choix du chef de privilégier un cheddar râpé (probablement en raison du fait qu’il était fumé) implique que, dans la durée, le cheddar se fusionne avec la sauce, ayant pour effet d’imbiber indûment les juliennes. En somme, on a privilégié la saveur aux dépens de la texture. On aurait sûrement pu mitiger les dommages en favorisant une cuisson supplémentaire des juliennes…

Il ne vous restera plus un millimètre de libre dans votre système digestif.

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L’ingestion de cette poutine donne l’impression de courir le marathon. Pendant les dernières minutes, on a l’impression d’être sur le point d’être terrassé de fatigue, en proie à la lourdeur si caractéristique dans l’estomac, plein à craquer.

Je me dois d’ailleurs de lancer un avertissement important: NE PRENEZ AUCUNE ENTRÉE NI DE DESSERT SI VOUS COMMANDEZ CETTE POUTINE. Car il ne vous restera plus un millimètre d’espace disponible dans le système digestif, une fois que vous en aurez fini avec ce mastodonte. Il est aussi primordial de ne rien prévoir APRÈS l’avoir mangée, car vous serez chanceux s’il vous reste assez d’énergie pour rentrer chez vous sans assistance médicale.

Pour toutes ces raisons, je décerne à cette poutine la note de 9,75/10 pour la saveur et 8,25/10 pour la texture, pour une note moyenne de 9/10; un score d’exception!

La Poutine au homard et Tater tots de La Bêtise

Je ne connaissais pas La Bêtise qui a pourtant pignon sur la rue sur Saint-Hubert, depuis maintenant sept ans. C’est un tout petit resto qui était plein à craquer lorsque nous y sommes passés, samedi dernier.

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Du choix de la musique en passant par l’éclairage tamisé et la riche sélection de cocktails, tout semble étudié pour créer une ambiance de choix.

J’étais assis au comptoir qui donnait directement sur la cuisine et j’avais donc tout le plaisir de voir le chef préparer ma poutine et me donner l’eau à la bouche sur un sale temps!

Quand la bête est arrivée, je n’ai pas été déçu.

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Ça goûtait la mer dès la première bouchée. J’entendais presque le bruit des vagues, pis toute, pis toute…

Dès le départ, tu vois que la sauce n’est pas faite à base de Bovril! Nenon, il s’agit d’une sauce rosée à base de bisque de homard, dont le goût et la texture ont été travaillés à la perfection.

Il s’agit d’une poutine résolument audacieuse. Bien que ce terme soit parfois rendu galvaudé (sans mauvais jeu de mots), on peut dire que nous sommes en présence d’une poutine réinventée qui est tout sauf banale.

D’la place pour les Tater tots (au homard)

En effet, ce resto n’a pas hésité à remplacer l’élément principal de la poutine: les frites, pour y substituer des Tater tots; lesquelles contiennent des pommes de terre, du homard, du bacon et du cheddar. Un mélange tout simplement explosif!

Le morceau de homard était excellent. Mélangé avec sauce rosée et le fromage en grains, il s’élevait un autre niveau et conférait à cette poutine d’inspiration française un caractère raffiné, presqu’aristocrate.

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En fait, si Marie-Antoinette avait mangé de la poutine, c’eut été celle de La Bêtise, à n’en point douter!

Le seul bémol quant au homard est que la portion est légèrement insuffisante, probablement pour des raisons économiques, afin qu’elle reste accessible aux gens du peuple (et peut être ainsi éviter une révolution sanglante).

Parlons un peu des Tater tots.

Plus la portion est petite, moins l’estomac est lourd

Par contre, la portion somme toute modeste fait en sorte que le plat n’est pas trop lourd dans l’estomac. Ça en fait une bonne poutine de début de soirée. Elle est tout à fait appropriée pour ceux qui désirent éviter les maux de ventre après le souper ou qui ont des trucs prévus à l’agenda, en soirée.

Parlons un peu des Tater tots. Elles sont pilées, broyées à l’intérieur, donc extrêmement molles par en dedans, ce qui donne un effet de contraste avec leur extérieur qui atteint le degré parfait de la croustillante. Par contre, et il s’agit de l’un des seuls bémols, les ingrédients composant ces Tater tots perdent un peu de leur individualité et de leur saveur distinctive, tellement ils sont blendés; ce qui laisse un peu sur sa faim. C’est comme si le resto avait sacrifié un peu de saveur au bénéfice de la texture.

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Quand la texture gagne

Mais quelle texture! La consistance de cette déclinaison de notre plat national est tout simplement magnifique. Elle confère une résilience exceptionnelle à cette poutine qui fait en sorte que chaque bouchée conserve sa saveur originale, jusqu’à la toute fin de la dégustation. Or, c’est le plus grand défi d’une poutine que de conserver sa texture dans la durée, ne serait-ce que pour que le goût ne se dégrade pas au fur et à mesure qu’on avance vers le fond de l’assiette.

Pourquoi choisir entre deux poutines aux Tater tots quand on peut manger deux poutines aux Tater tots?

C’est en raison de l’importance primordiale de la consistance et de la texture de la poutine que je lui confère la même pondération que le goût dans l’évaluation de sa note sur dix.

Je décerne donc une note de 8.5/10 pour le goût de cette poutine; de même qu’un score de 9,5/10 pour sa texture, pour une moyenne générale 9/10.

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Nous sommes donc en présence d’une ÉGALITÉ STATISTIQUE entre les deux poutines aux Tater tots, pourtant si différentes l’une de l’autre!!

Je t’entends déjà être déçu pis t’imaginer pris dans dilemme insoluble quand viendra le temps d’opter pour une poutine aux Tater tots…

Mais pourquoi choisir?

En définitive, ce que je te conseille, c’est de commencer la soirée dans une ambiance branchée en mangeant la poutine au homard de La Bêtise, avant d’aller passer quelques heures au bar pis de lâcher ton fou. Après ça, tu vas te knocker pour de bon avec la Texas Gold du Reubens.

Pis le lendemain, tu te mettras au régime.

Pour lire un autre texte de Rémi Bourget : «Pain, fromage et amour».

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