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Poutine et la pseudoscience: comment on dit WTF en russe déjà?
Vous vous êtes foulé le nerf optique d’avoir trop levé les yeux au ciel en apprenant que Gwyneth Paltrow vendait des œufs de jade à s’insérer dans le «yoni», pour muscler son énergie vaginale? Lisez ceci en inondant vos chakras de moult respirations profondes. La pseudoscience fait des ravages bien au-delà des cerveaux et des portefeuilles occidentaux.
Dimanche matin, à Moscou, Vladimir Poutine a tranquillement déposé son bulletin de vote, comme il l’avait fait en 2000, en 2004, et en 2012, dans un bureau de scrutin de l’Académie des sciences de Russie. Je me demande bien de quel œil les scientifiques du pays ont observé la scène qui se déroulait en leurs murs, eux qui ont vu la science être délaissée comme un vieux centre d’achat abandonné sur le bord de la 117 depuis la dissolution de l’Union soviétique. Les savant.es russes versent-ils des larmes intérieurement? Sont-ils en colère? Résignés? Si URBANIA me paie le billet, je pars vérifier demain matin.
Toujours est-il qu’en plus des subventions faméliques, de la corruption de certains champs de recherche stratégiques et de l’hémorragie des cerveaux qui quittent le pays de Poutine, la science y est aussi mise à mal par un gouvernement qui compte sur la désinformation pour asseoir son pouvoir. Les déclarations de certains proches du Kremlin rendraient jaloux les meilleurs conspirationnistes. Pour le député Yevgeny Fedorov, les OGM sont en réalité une arme biologique que les Américains utiliseraient pour affaiblir la nation russe en la rendant de plus en plus stérile.
Un point de vue appuyé par la «biologiste» Irina Yermakova, qui fréquente les plateaux de télévision en y affirmant sans gêne que les personnes de sexe masculin seraient des descendants directs d’hermaphrodites amazoniens… Pour l’ensemble de son œuvre, l’Académie des sciences de Russie lui a décerné en 2016 le titre de «membre émérite de l’académie de pseudoscience», lors d’une soirée spéciale dédiée à l’obscurantisme, racontée par la journaliste Maria Antonova dans Foreign Policy.
Toujours selon Antonova, Mikhail Kovalchuk, physicien proche de Poutine qui est à la tête du plus important centre de recherche en physique nucléaire du pays, a quant à lui déjà déclaré que les États-Unis s’appliquent à développer une espèce de sous-humains génétiquement modifiés, des esclaves dociles capables de se reproduire sur demande. Tout ce cirque pourrait être franchement divertissant s’il n’entrainait pas de graves conséquences.
Pour preuve, la désinformation entourant la crise du VIH, épidémie galopante en Russie. Le préservatif est lui aussi dépeint comme une stratégie employée par l’occident afin de corrompre les mœurs. L’efficacité du condom est remise en doute, tout comme le patriotisme de ceux qui l’utilisent comme outil de prévention.
Le pays qui a vu naître le père du tableau périodique et lancé Spoutnik 1 a connu des heures scientifiques nettement plus glorieuses. Vladimir Poutine annonçait récemment une augmentation de 25% des fonds alloués à la recherche pour 2018. Gageons que ça n’empêchera pas la pseudoscience de percoler tel le café lors d’un dangereux lavement baryté.