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Pourrons-nous toujours dire qu’on ne peut plus rien dire?

Par
Alexandre Forest
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Sonnez l’alarme, la fin est proche, on ne peut plus rien dire. Du moins, c’est ce qu’on entend souvent. Plutot que de profiter de notre liberté d’expression pour aborder des sujets intéressants, on préfère parler de notre peur de ne plus pouvoir l’utiliser. Une peur qui est compréhensible et parfois légitime. La beauté de la culture repose sur nos possibilités de dire ce que l’on pense tout haut. Des bijoux comme Speak White de Michèle Lalonde ou Les 5 doigts de la main de Mixmania n’auraient jamais pus exister. (Chose qu’on ne souligne pas assez souvent, je pense)

N’empêche, la question reste entière : pouvons-nous encore dire ce que l’on veut?

Je ne vais évidemment pas répondre à la question. Je ne suis pas un expert en justice, simplement un jeune humoriste de 25 ans à qui on a donné la chance de donner son opinion avec un soupçon d’humour sur un site internet. (Ce qui démontre quand même qu’avec mon métier, j’ai rarement eu à freiner mes paroles). Ma réflexion est alimentée par des observations faites avec mes lunettes d’humoriste. J’aimerais bien voir avec l’oeil d’un sociologue ou d’un expert en liberté d’expression, seulement, j’ai préféré raconter des blagues à des gens saouls plutôt que de faire de longues études. (jem po so lékol jm pluss fèr d blag den lé bar lol). Je ne me prononcerai pas sur l’affaire Mike Ward non plus. Des experts se penchent déjà sur le sujet et je souhaite qu’il y ait une résolution réjouissante à toute cette histoire. (Mon seul désir est de pouvoir continuer à dire que François Legault a l’air nono dans tous les médiums possibles)

Ce que mon expertise me permet d’affirmer, c’est qu’en humour en ce moment, on peut pas mal faire tout ce qu’on veut, tout dépend de l’endroit, du contexte. Il y a un public pour tout genre d’humour.

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Ce que mon expertise me permet d’affirmer, c’est qu’en humour en ce moment, on peut pas mal faire tout ce qu’on veut, tout dépend de l’endroit, du contexte. Il y a un public pour tout genre d’humour. De l’humour trash à l’humour engagé, du politiquement correct en passant par de l’humour misogyne et homophobe (c’est malheureux de savoir que ça existe et ce n’est vraiment pas la norme, mais c’est pour vous dire à quel point il y a une tribune pour tout le monde. Même les estis d’épais). C’est dur d’affirmer qu’on ne peut plus rien dire quand je passe toutes mes soirées à observer des collègues et ami-e-s trouver les manières les plus créatives d’exprimer leur vision du monde.

Mais j’ai l’impression qu’on est attaché à notre ignorance. Le feu pogne, c’est quand une personne va remettre en question ce que j’appelle les fondements partagés. Par exemple, au XVIe siècle, un des fondements partagés était que la Terre était au centre de l’univers et le reste tournait autour. Copernic commenta sur le Facebook de l’époque : « Yo gang, FIY c’est nous qui tournons autour du Soleil avec les autres planètes ». Ce à quoi l’Église a répondu : « Nick, ferme ta yeule. La terre est #1”. Copernic a rétorqué : « Non, pour vrai. J’ai checké pis ce n’est pas vrai. On s’est trompé ». L’Église a re-répondu : “BON C’EST ÇA, ON A PUS LE DROIT DE RIEN DIRE!!!”. C’est un peu comme ça que naissent la plupart des débats sur la « censure ».

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En ce moment, l’intérêt est au progrès social. Les médias en parlent de plus grâce aux mouvements comme le #moiaussi ou encore le Occupy Wall Street. Nous sommes de plus en plus à nous impliquer et à faire progresser ces mouvements. Ce qui accélère l’accumulation de connaissances sur ces phénomènes à défaut de conscientiser la population à la même vitesse.

En parallèle, les recherches nous donnent plus de données que ce que nous sommes capables d’absorber au quotidien. Reste que comme citoyen, on a le devoir d’être à l’écoute, de prendre un moment pour se remettre en question

La plupart des controverses dans les dernières années ont éclaté parce que des gens – bien souvent privilégiés et en position de pouvoir – s’estimaient brimés alors qu’ils étaient, la plupart du temps, simplement contredits.

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La plupart des controverses dans les dernières années ont éclaté parce que des gens – bien souvent privilégiés et en position de pouvoir – s’estimaient brimés alors qu’ils étaient, la plupart du temps, simplement contredits. J’ai l’impression que la plupart des controverses pourraient se régler avec un café et 30 minutes de discussion.

La plupart du temps quand quelqu’un dit qu’on ne peut plus rien dire, c’est parce qu’il a tenu des propos misogynes, racistes ou homophobes et qu’il s’est fait dire que c’était offensant. Au lieu de se questionner sur la légitimité de ce qu’on lui reproche, de se mettre dans une position d’écoute, elle crie à la censure.

Je ne dis pas que l’on doit être automatiquement d’accord dès qu’une critique est exprimée, mais laissons la chance aux gens d’expliquer leur point de vue, faisons un effort d’ouverture et… discutons!

La censure existe encore, mais elle n’est pas toujours là où on pense. Si le “Bye Bye” était ordinaire cette année, ce n’est pas parce qu’on ne peut plus rien dire, c’est parce qu’on écarté du revers de la main la déception de certains groupes qui avaient des revendications légitimes, sans se pencher sur les manières de rebâtir les ponts et mieux faire à l’avenir.

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Si vous n’êtes pas d’accord avec cette chronique, je vous paie le café. <3