Je me souviens que la majorité des réactions des femmes dans mon entourage en sortant de Wonder Woman se résumait à “OSTI QUE J’AI LE GOÛT DE ME BATTRE” et cette réaction est devenue pour moi la barre de mesure de la réussite des films de superhéros. Si tu sors du film pis que t’as le goût de t’opposer aux injustices dans le monde, alors le film a bien rempli sa tâche car c’est sur ce fondement que sont basés ces récits.
Depuis quelques jours, j’entends à nouveau des femmes déclarer qu’elles sortent de Captain Marvel avec l’envie de se battre. La force aux poings, elles émergent de la salle de projection avec un sentiment renouvelé d’être puissantes, importantes, ingouvernables.
Fight for your rights
Cet appel au changement plus qu’à la violence fait sans doute partie de la catharsis du film. La catharsis, c’est l’émotion qui survit après la représentation du film mais que la spectatrice (ou le spectateur) vit par procuration, le temps du film. Cette énergie est importante, malgré qu’on la qualifie parfois de futile ou vaine. C’est une force temporaire dont on peut se servir de manière constructive, voire peut-être pour changer les choses.
Cette énergie est importante, malgré qu’on la qualifie parfois de futile ou vaine. C’est une force temporaire dont on peut se servir de manière constructive, voire peut-être pour changer les choses.
Même si cette énergie ne va pas se manifester sous la forme de rayons de feu projetés par vos mains (peut-être, qui sait? Essayez donc), elle est tout de même importante pour mener les combats qui vont assurer le changement que l’on doit opérer dans le monde. Mais si cette énergie est temporaire, reliée intimement au spectacle du film: comment conserver cette énergie pendant qu’on en est investi?
Ma seule réponse est de continuer à lire, voir et écouter des choses qui vous procurent les émotions que Captain Marvel a pu vous procurer. Écouter Bikini Kill, regarder une victoire de Serena Williams, le speech de Lady Gaga aux Oscars ou lire Bitch Planet.
Oui, lire Bitch Planet.
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Lisez Bitch Planet
Bitch Planet est une série de comic books scénarisée par Kelly Sue DeConnick, que vous avez peut-être aperçue dans une foule durant Captain Marvel. Depuis 2012, c’est sous son génie artistique que le personnage de Carol Danvers est devenu l’un des personnages pivots de l’univers de Marvel. Elle est une des voix majeures dans l’industrie du comic et en tant qu’autrice de plusieurs titres féministes pour Marvel, elle avait ceci à dire à propos du personnage de Carol Danvers :
Carol falls down all the time, but she always gets back up. We say that about Captain America as well, but Captain America gets back up because it’s the right thing to do.
Carol gets back up because «Fuck you.»
Oui, c’est une véritable force de la nature.
Le fuck you est implicite dans la majorité des oeuvres de DeConnick, mais il est très explicite dans Bitch Planet. On l’évite difficilement avec un titre de même.
Bitch Planet, c’est l’histoire d’une planète carcérale sur laquelle on envoie les femmes qui refusent de se soumettre.
Bitch Planet, c’est l’histoire d’une planète carcérale sur laquelle on envoie les femmes qui refusent de se soumettre. De par la couleur de leur peau, leur statut social, leur poids, les personnages de Bitch Planet sont tous des femmes qui ont vécu d’immenses injustices. Elles sont lancées dans une prison dans l’espace car elles refusent de se laisser contrôler et je vous laisse deviner que ce n’est pas une prison ultra-futuriste en orbite autour de la terre qui va les empêcher de continuer à être dangereuses.
La série est un habile hybride de film de prison futuriste et satire sociale dont l’objectif est clair: nous faire prendre connaissance des chaines qui emprisonnent les femmes à notre époque. Mais malgré que la série soit forte en dénonciations, ce qu’elle réussit de plus important est de maintenir le niveau de colère et d’indignation à un niveau constructif (pas qu’on ait vraiment besoin d’aide pour être indigné à notre époque).
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Lisez Bitch Planet, bis
Bitch Planet est une ressource importante pour maintenir l’énergie de la catharsis dont je parlais plus tôt. Bitch Planet permet d’entretenir cette énergie pour changer le monde. Comme dans le film de Captain Marvel, la série présente le sexisme comme un système oppressant, pas nécessairement tout puissant, mais omniprésent. Il est le fruit d’une structure qui doit être défaite à tout prix. Dans le film de Marvel, on souligne la présence de cette structure par de petits actes (celui de demander au personnage principal de sourire) jusqu’à des plus importants comme le personnage de Yon-Rogg (interprété par Jude Law) qui lui demande de le rendre fier. Danvers n’a pas l’obligation de rendre personne fier.
Les actes de féminisme quotidiens sont les recours que nous avons pour démolir cette structure déshumanisante. Tant dans Captain Marvel que dans Bitch Planet, on tente d’offrir l’énergie de confronter ce système, et de le faire brûler avec du feu sortant de nos mains.
La déconstruction de ce système est un thème principal du corpus de DeConnick, dans lequel elle démontre habilement que le patriarcat est une menace réelle qui doit être renversée. Les actes de féminisme quotidiens sont les recours que nous avons pour démolir cette structure déshumanisante. Tant dans Captain Marvel que dans Bitch Planet, on tente d’offrir l’énergie de confronter ce système, et de le faire brûler avec du feu sortant de nos mains.
Kelly Sue DeConnick signe une oeuvre importante qui permet de continuer à entretenir l’énergie déployée par Captain Marvel. Ça fait des années que je conseille Bitch Planet à tous ceux que je croise. C’est un livre puissant, important et surtout une grande source de férocité pour notre époque qui ne doit jamais arrêter de se battre pour un avenir meilleur.