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Pourquoi se marie-t-on encore ?

Pour le meilleur, et pour le pire.

Par
Bettina Zourli
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En 2017, la France cĂ©lĂ©brait 221 000 mariages hĂ©tĂ©rosexuels. On en cĂ©lĂ©brait 236 000 en 2015, et 305 000 en 2000. Le mariage, ce n’est clairement plus la norme, et ce depuis un bon bout de temps. D’ailleurs, quand je me suis mariĂ©e il y a deux ans, beaucoup de personnes m’ont demandĂ© “pourquoi”, et j’ai trouvĂ© que c’était bon signe. Cela veut dire que le mariage ne va plus nĂ©cessairement de soi, et le fait de laisser tomber cet hĂ©ritage Ă©minemment patriarcal et religieux a du bon. NĂ©anmoins, cet article me permet aujourd’hui d’aborder plusieurs Ă©lĂ©ments, Ă  la fois pour nuancer ce propos et offrir de nouvelles pistes de rĂ©flexions.

La symbolique du mariage

Je ne vais pas me lancer ici dans un historique complet du mariage, dont la forme telle que nous la connaissons plus ou moins aujourd’hui remonte Ă  l’AntiquitĂ©. Il est pourtant nĂ©cessaire de se plonger dans quelques faits pour comprendre les enjeux de cette institution, Ă  teneur hautement religieuse.

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En effet, c’est au Moyen-Age (Ă  partir du 5Ăšme siĂšcle donc) que le mariage devient une rĂ©elle institution, et ce Ă  cause de l’Eglise, dont l’autoritĂ© prend de plus en plus de place. L’institution du mariage est profondĂ©ment patriarcale, puisqu’elle a vocation Ă  garder les femmes sous tutelle : elles passent de l’autoritĂ© du pĂšre Ă  celle du mari. Pendant longtemps, les femmes n’ont pas eu leur mot Ă  dire quant au choix de l’époux, puisqu’il s’agissait surtout d’un contrat qui avait pour but d’assurer la descendance mais aussi de conserver le rang social des familles. Rien d’amoureux lĂ -dedans. Il revĂȘt Ă©galement une forme sacrĂ© liĂ©e Ă  la religion catholique pendant plusieurs siĂšcles.

Rappelons par ailleurs que l’histoire du divorce est tout aussi fĂącheuse pour les femmes qui, en France, n’ont obtenu ce droit sans besoin de condition seulement en 1792 et que depuis, ce droit nous a Ă©tĂ© retirĂ© de nombreuses fois ! Le mariage civil apparaĂźt d’ailleurs la mĂȘme annĂ©e.

Au-delĂ  de l’aspect historique, il faut dire que le mariage semble de moins en moins en accord avec nos aspirations familiales et amoureuses. La bague, qui apparaĂźt encore comme un symbole de propriĂ©tĂ©, mais aussi les nombreux codes sociaux qu’il faut adopter le jour J (les dragĂ©es, la robe, le bouquet, etc 
), peuvent parfois paraĂźtre franchement archaĂŻques.

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Le mariage est mort, vive le mariage ?

Il y a un autre chiffre que je voulais aborder : en France, prĂšs de 45% des mariages finissent par un divorce. Oui, ça reprĂ©sente donc presque un couple sur deux. Quand on lit ce chiffre, on se demande franchement pourquoi les gens dĂ©pensent autant d’énergie et d’argent lĂ -dedans ! Et pourtant, je me suis moi-mĂȘme mariĂ©e, alors que je connaissais ce chiffre.

Je me suis posĂ©e la question : pourquoi s’entĂȘte-t-on ? Pourquoi se marie-t-on, alors mĂȘme qu’on sait qu’il s’agit lĂ  d’un acte vouĂ© Ă  l’échec ?

Personnellement, je ne conçois pas le mariage comme un engagement sacrĂ©, qu’il faudrait respecter Ă  vie, ou comme un acte de foi incroyable. Je me suis mariĂ©e parce que c’était plus pratique de vivre Ă  l’étranger avec mon compagnon et d’ĂȘtre mariĂ©.e.s, au cas oĂč quelque chose arriverait. J’étais jusqu’alors, farouchement opposĂ©e au mariage, je n’y voyais pas lĂ  un intĂ©rĂȘt quelconque, puisque cet acte ne prouve en rien l’amour qu’une personne porte Ă  l’autre. NĂ©anmoins, je suis aussi trĂšs lucide sur le fait que nous divorcerons trĂšs certainement un jour. D’ailleurs, je trouve cela assez sain, cette luciditĂ©. On dĂ©cide de profiter au maximum du temps de qualitĂ© que l’on passe ensemble, sans se voiler la face. On ne met pas d’espoirs vains sur le fait que “pour nous, ce sera diffĂ©rent”, et que nous ferons partie de cette moitiĂ© qui ne divorce pas.

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De plus, ce n’est absolument pas ce que je me souhaite. La vie est faite de milliers d’expĂ©riences, elle est plurielle, et cela veut dire que notre vie amoureuse l’est potentiellement elle aussi. Ainsi, je suis mariĂ©e depuis deux ans, mais pour combien de temps encore ? Nul.le ne le sait. Peut-on rester amoureux.se d’une mĂȘme personne toute sa vie ? Est-on sur la mĂȘme longueur d’onde 40 ans d’affilĂ©e ? Je ne crois pas. D’ailleurs, se marie-t-on pour cela ? Les temps changent, heureusement.

Je dois d’ailleurs avouer une chose : il y a quelques mois, nous discutions avec mon mari du fait que nous allions probablement divorcer un jour, alors mĂȘme que nous dĂ©ciderons de rester en couple. Pourquoi ? Parce que personnellement, je ne suis pas trĂšs Ă  l’aise avec l’idĂ©e d’ĂȘtre mariĂ©e. Je me sens comme bloquĂ©e, entravĂ©e dans ma libertĂ© mĂȘme si dans les faits, rien n’a changĂ©. Un jour, je divorcerai certainement, simplement parce que nos chemins de vie se sĂ©pareront, ou alors parce que je ferai un petit caprice Ă  mon mari en lui disant : « S’il te plaĂźt, organisons une fĂȘte de divorce, et restons ensemble ! ». Mais pour l’instant, c’est quand mĂȘme plus pratique d’ĂȘtre mariĂ©s, pour les impĂŽts et quand on habite Ă  l’étranger.

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Un geste politique

Reprenons maintenant les chiffres Ă©noncĂ©s au dĂ©but. En 2017, la France cĂ©lĂ©brait 221 000 mariages hĂ©tĂ©rosexuels. Elle cĂ©lĂ©brait, la mĂȘme annĂ©e, 7 000 mariages homosexuels. C’est en effet la loi du 17 mai 2013 qui a autorisĂ© – enfin – le mariage pour tous.tes en France, et qui a permis de remettre au cƓur du dĂ©bat national les combats LGBTQIA+. Permettre Ă  tout le monde de se marier, et ce au-delĂ  des schĂ©mas hĂ©tĂ©rocentrĂ©s, en dit long sur la dĂ©construction sociĂ©tale qu’opĂšre un pays. Bon, je ne dis pas qu’il faut crier victoire (rappelons que notre Ministre de l’IntĂ©rieur actuel Ă©tait d’ailleurs contre cette loi), mais on avance. Et mĂȘme si je ne trouve pas, en tant que personne hĂ©tĂ©rosexuelle, le besoin de prouver mon amour Ă  quelqu’un par le mariage, je comprends et soutiens totalement le fait qu’il s’agit d’un geste amoureux et politique, que de se marier quand on fait partie de la communautĂ© LGBTQIA+.

NĂ©anmoins, en 2018 et 2019, le chiffre tombe dĂ©jĂ  Ă  6000 mariages par an, alors qu’il avait atteint le nombre de 10 552 en 2014.

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Le mariage, serait-ce finalement, un signe archaĂŻque des traditions passĂ©es, qui n’ont plus lieu d’ĂȘtre en 2021 ? Doit-on encore sceller une union de la sorte, alors mĂȘme qu’on envoie valser les diktats et autres normes liĂ©es au couple ? Que tout le monde puisse avoir accĂšs au mariage, c’était le strict minimum, mais on ne m’enlĂšvera pas l’idĂ©e que ce contrat entre deux personnes risque, au fil des gĂ©nĂ©rations, de finir aux oubliettes.

Enfin, rappelons le : on peut ĂȘtre moderne, fĂ©ministe (c’est mon cas !) et se marier. Mais force est de constater qu’il faut se battre pour garder son nom de famille plutĂŽt que de se le voir usurpĂ© par celui de son Ă©poux (dans le cas d’un mariage hĂ©tĂ©rosexuel du moins), et que, dĂšs lors qu’on est mariĂ©.e.s, l’homme devient automatiquement le chef de famille. On disparaĂźt parfois mĂȘme des courriers officiels au profit de “Mme et Mr [nom du mari]”. Le mariage reste une institution patriarcale et profondĂ©ment hĂ©tĂ©rocentrĂ©e, c’est un fait.

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Il est fort Ă  parier que cette institution n’en sera bientĂŽt plus une si elle ne parle plus aux couples de maintenant. À moins de le rĂ©inventer, de le mettre au goĂ»t du jour
 Qui sait, vous demanderez peut-ĂȘtre votre meilleur.e ami.e en mariage platonique un jour.

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