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Pourquoi on se trouve toujours laid en photo?
Comme après chaque lendemain de veille, vous checkez sur vos réseaux sociaux les photos publiées par vos amis, vous remémorant ainsi les bons moments teintés d’éthanol ramollis par la gueule de bois. En plus, vous vous étiez mis sur votre 31 et vous sentiez pas mal cute, du moins c’est l’impression que vous aviez en contemplant votre reflet plein d’assurance avant que vous ne sortiez faire la tournée des bars.
Pourtant, le constat est sans appel : sur toutes les photos, vous faites dur sur un moyen temps. Regard perdu, lèvres humides, teint vitreux, sourire oblique. Rien d’exploitable sur vos réseaux et encore moins sur les applications de rencontre. Coup dur pour votre estime de vous.
Rassurez-vous, ce drame du quotidien est partagé par tous ceux qui se font tirer le portrait et découvrent avec désarroi leur vrai visage…
Mais bonne nouvelle : vous n’êtes pas aussi affreux.se que vous ne le croyez.
En vérité, tout le monde (ou presque) se trouve laid en photo, et cela s’explique par une formule très simple.
Miroir, MIROIR
Se reluquer dans le miroir, c’est ben le fun, mais ça nous induit en erreur. Au cas où vous n’aviez pas remarqué, votre reflet est inversé, ce qui explique la sensation étrange que vous ressentez face à votre portrait « à l’endroit ». En plus, à moins d’avoir vos globes oculaires sur les tempes, vous ne pouvez voir de vous-même que votre visage de face.
Dès lors que l’angle change un peu (et dévoile, par exemple, un profil aussi disgracieux qu’audacieux doté d’un menton qui rejoint directement le bas de votre cou), votre se visage se transforme immédiatement en monstruosité. Cela s’explique par l’effet de simple exposition, un biais cognitif qui consiste à apprécier davantage quelque chose qui nous est familier (= notre reflet de face). Il ne vous reste donc plus qu’à installer une galerie de miroirs dans votre appart pour pouvoir vous scruter sous tous les angles 24/7 (le signe évident d’une très bonne santé mentale).
Par ailleurs, on a tendance à retenir une image de nous-mêmes beaucoup plus agréable que la triste réalité. Que vous le vouliez ou non, vous serez presque toujours déçu par la douloureuse confrontation aux preuves matérielles de votre abominable physique.
Les JOIES du direct
À moins de ne fréquenter que des studios professionnels (et depuis la fermeture du Sears, la chose devient de plus en plus rare), la plupart des images de vous sont prises en mouvement, donc bien souvent floues, avec une lumière pourrie. Dans ces conditions, il est assez normal que le meilleur de vous-mêmes ne saute pas aux yeux – si tant est que le meilleur de vous-même soit cette impression subjective de correspondre aux canons de beauté du moment, mais c’est un autre sujet abordé déjà dans cette ode à la laideur.
À ceci s’ajoute le contexte de notre époque nourrie à l’image et à la promotion de soi.
Il est évident que les gens étaient moins préoccupés par leur photogénie au siècle dernier. D’ailleurs, on trouve pas beaucoup de duck face dans les tout premiers daguerréotypes.
Si vous vous trouvez laid, vous vous trouverez toujours laid
Non, je ne suis sous l’effet d’aucune drogue quand j’écris cette affirmation qui n’a rien d’un pléonasme. Et c’est encore une sombre histoire de biais cognitifs. Le biais de confirmation, comme son nom l’indique, va confirmer un préjugé que votre cerveau a construit tout seul, comme un grand, voire comme un gland. Il rend tangible vos croyances personnelles qui ont malheureusement tendance à vouloir se péter les bretelles (c’est le terme scientifique en vigueur). Et comme notre cerveau n’apprécie pas vraiment de remettre en question sa propre opinion, il va se laisser plus facilement séduire par tout ce qui pourrait aller dans son sens.
En psychologie sociale, ce biais a des conséquences bien plus grave, comme le racisme, mais à notre petite échelle, il en dit long sur notre problème de photogénie : se trouver moche sur les photos permet de confirmer le préjugé selon lequel on se trouve moche dans la vie, du moins c’est ce que pense votre cerveau. Or, n’oubliez pas que votre cerveau est un gros boomer attiré par la facilité et la mode sans la moindre distance critique. Désolée de vous l’apprendre mais votre cerveau, si vous le laissez faire, c’est Richard Martineau.
En résumé, si on se trouve pas très séduisant.e dans la vie, on a toutes les chances de se trouver moche en photo. Mais si on se trouve pas pire, on a aussi toutes les chances de se trouver pire en photo. Nous voilà dans une impasse dont le seul salut passera par l’acceptation de notre laideur supposée en ne la considérant plus comme tel (laid is the new beau)… ou en arrêtant de se prendre en photo, tout simplement.