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Pourquoi notre style était si laid au bal de finissants?
C’est un sujet qui revient souvent entre mes amies et moi.
Ça fait presque 20 ans qu’on se connaît, qu’on s’aime et qu’on se dit des vraies choses. L’une d’elles, c’est : mon doux qu’on était laides à notre bal de finissants.
À l’époque, on pensait pourtant avoir fait de bons choix. On se trouvait fresh avec nos robes scintillantes en dégradé de rose, nos grosses coiffes et notre maquillage vaguement clownesque. Alors comment ça se fait que 15 ans plus tard, on jette un regard horrifié aux photos qui ont été prises pendant l’évènement?
Sommes-nous un cas isolé? Les rares victimes d’une bévue vestimentaire causée par un courant n’ayant pris d’assaut que Farnham, pendant 10 minutes?
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Oui, c’est moi. Oui, avec une teinture foncée et un corps de rêve.
En mode détective, j’ai demandé à mes collègues chez URBANIA de me résumer en quelques mots ce qu’ils pensent maintenant de leur look de bal…
« Ça fait partie de l’une des pires décisions de toute ma vie. C’est un running gag avec tous mes amis et collègues depuis que je suis à Montréal. Mais ce qui est étrange, c’est que je me trouve pas «si» pire quand je la regarde… J’aime encore ma robe, même si elle est, sans aucun doute, affreuse. » – Jasmine
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« Je regrette tout ce que je portais (ma robe beaucoup trop décolletée, mes souliers, mes cheveux, mes faux ongles carrés avec des petits diamants). Je ne pense pas que ça ait mal vieillit, c’était déjà laid à l’époque! » – Arianne
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« Quand je regarde ma photo de bal de finissants, je trouve vraiment que j’ai bien vieilli (et que j’ai vieilli tout court parce qu’on dirait que j’avais 8 ans à l’époque). Je regrette tout de mon look, mais surtout mes ti-cheveux avec beaucoup trop de gel. » – Philippe
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« Finalement, après avoir regardé mes photos, je trouve que, mis à part les couleurs, ça n’a pas si mal viellit. J’aime beaucoup mon choix floral et mon suit. » – Olivier (qui est visiblement très indulgent envers lui-même…)
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« Personnellement, je pense que beaucoup n’ont pas encore développé de vrais goûts distincts et personnels au moment de choisir un ensemble de bal, puis qu’on se jette souvent sans réfléchir dans “les tendances” de cette année-là. Résultat? Des ensembles qui ne nous représentent pas tellement et qui vieillissent très mal. À chaque fois que je regarde ma photo, j’ai juste l’impression que j’étais déguisé. » – Harold
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Pour votre information, quand j’ai demandé à Harold en quoi il était déguisé, il m’a répondu « en oiseau du paradis ».
En somme, mes soupçons étaient fondés : mes amies et moi ne sommes pas les seules à envisager de rejeter nos kits passés et à éliminer toute trace de nos décisions peu judicieuses. Maintenant, est-ce que se faire honte est pour autant un rite de passage obligatoire? Pourquoi finit-on souvent par regretter notre robe de bal? J’ai posé la question à Nancy Couture, qui enseigne la sociologie de la mode à l’Université Laval.
Le début d’une construction identitaire
La chargée de cours se lance : « En secondaire 5, la manière de me vêtir, le look du soi perçu (la façon dont je me perçois), le soi vitrine (la façon dont je pense être perçue) et le soi idéal (la façon dont je souhaite être perçue) ont de fortes chances de ne plus correspondre à ce que je serai dans 10 ans. Pourquoi ? Parce que nous sommes constamment en construction, et que le vêtement est une extension du soi, de notre identité. »
Selon Nancy Couture, notre look passé s’inscrit dans la mode du moment, mais aussi dans notre contexte de socialisation et même notre milieu familial, dans le cas des bals de finissants.
Si j’avais l’air d’une princesse cheap, c’est probablement parce que je me percevais ainsi.
C’était tout à fait acceptable dans mon milieu de camoufler un manque d’estime de soi derrière un suit de fausse royauté.
Nancy poursuit, rassurante : « Je ne crois pas que nos looks de bal vieillissent mal, je pense plutôt qu’on pose un regard nouveau sur eux. Il s’agit d’un nouveau positionnement des axes du soi, directement liés à notre travail identitaire. »
Ok! Donc, je n’étais pas une princesse cheap, à l’époque. C’est juste la femme fière d’elle que je suis devenue qui porte un regard hautain sur l’adolescente insécure et en quête de féminité que j’étais. Je comprends. Et je me pardonne.
Des regrets non-genrés
Ce qui est intéressant dans les looks de bal, c’est qu’ils peuvent être regrettés par tout le monde, peu importe le genre de l’étudiant(e).
Selon Nancy Couture, il y a toutefois une nuance à apporter : « Je crois bien que les garçons – pour la plupart – demeurent pour l’instant conservateurs dans leur habillement. En revanche, les filles sont encore dans un rapport très étroit entre l’accomplissement de la fin des études, du succès de celles-ci et de la manière dont on doit le mettre en évidence… le faire vivre et le faire pareil. Alors là, c’est l’habillement qui est l’outil par excellence! Je me répète : les vêtements que je porte sont l’extension de mon identité, de qui je suis, de qui je veux bien être, et, dans une certaine mesure, de comment je veux contrôler la manière dont les autres me perçoivent. »
Ainsi, peut-être que la clef du look de bal qui vieillit bien, c’est une adéquation entre l’image qu’on voulait projeter à l’époque et celle qui nous caractérise toujours aujourd’hui. Prenons en exemple Barbara, directrice des contenus numériques d’URBANIA.
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« Mon kit de secondaire 5 était inspiré d’une couverture du Clin d’oeil, une robe style cocktail dans Mad Men.
J’étais contente de ne pas ressembler aux autres, tout en ayant habilement évité le piège du look médiéval. J’en suis encore fière aujourd’hui. »
Au secondaire comme aujourd’hui, elle ne cherche pas nécessairement à fitter dans le moule. Et je dis ça de manière positive, là. Elle n’est pas bizarre, Barb…
Le même constat s’impose du côté de Jean-Pierre, chef de contenu : « À ce jour, j’assume toujours mon look punk à veston col Mao, combat boots, pantalons carreautés et chapeau melon. J’ai donné le veston et les pantalons à Renaissance y’a genre un mois. #MarieKondo »
Au final, ce sont peut-être les rebelles qui gagnent. Ou, à l’opposé, les super sages.
« J’ai volontairement choisi une robe de bal très simple pour être à l’aise avec look encore aujourd’hui, avoue Gabrielle. Je le suis toujours, mon seul regret est de ne pas avoir osé un peu plus. »
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L’espoir
Il faut dire que Gabrielle, c’est la jeune coordonnatrice d’URBANIA. Elle fait partie des moins âgés de la gang. Et selon Nancy Couture, la jeune génération est peut-être moins sujette aux choix vestimentaires regrettables : « Parfois le facteur générationnel influence notre choix. Dans les années 1960 et 1970, les jeunes refusaient de porter les styles de vêtements de leur parent. Est-ce le cas aujourd’hui ? Je ne pense pas. »
Alors, ne lâchez pas, les finissants 2019!
Rendez-vous fiers…