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Pourquoi ne va-t-on plus sur la lune?
Dans First Man, le tout dernier film du réalisateur Damien Chazelle (La La Land, Whiplash), Ryan Gosling devient Neil Armstrong, le premier homme à avoir mis le pied sur la lune.
À priori, je l’avoue, je suis allée voir le film un peu à reculons. Je me disais « ben voyons, on la connaît cette histoire là : un américain est allé sur la lune poser un drapeau tel un conquistador des temps modernes et il est revenu…Big deal. » Je ne me rendais pas compte de ce que ça représentait d’aller sur la lune. LA LUNE. Dans ma tête, on fait des allers-retours dans l’espace plusieurs fois par jour depuis.
Je suis sortie du cinéma complètement sous le choc avec un million de questions sur l’exploration de l’espace en tête. Pourquoi l’humain n’a-t-il pas remis les pieds sur la lune depuis les années 70? Qu’est-ce que ça nous a apporté concrètement? Pour faire le point, j’ai contacté Robert Lamontagne, Coordonnateur du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ).
Une question de prestige
« On est allé sur la lune en partie pour les mauvaises raisons. La science n’était pas l’argument premier, on ne voulait pas aller comprendre le système solaire, on voulait développer des technologies et acquérir du prestige.»
Si le film rend bien une chose, c’est que le programme Apollo était loin de faire l’unanimité chez les américains, la NASA a dû composer avec une opinion publique et politique très mitigée. Nous étions en pleine guerre froide et l’orgueil des américains n’avait toujours pas d’égal. Le processus aurait coûté environ 20 milliards de dollars ce qui équivaut à 100 milliards de dollars aujourd’hui. Et ça, c’est sans compter le coût humain des opérations puisque plusieurs astronautes ont perdu la vie.
Pour la petite histoire, le programme Apollo s’est terminé en 1975, soit 6 ans après la mission Apollo 11 qui a menée les premiers hommes sur la lune. À l’époque, on rêvait de tourisme lunaire et d’établir une présence humaine permanente dans l’espace. Mais il se trouve que la dernière mission a y être allée est Apollo 17 en 1972. Était-ce inutile finalement? Robert Lamontagne est catégorique : ce n’était pas inutile. Par contre, « il y a toute sortes de raisons pour lesquelles nous n’y sommes pas retourné, nous dit Robert. On est allé sur la lune en partie pour les mauvaises raisons. C’était d’abord une question de prestige national puisqu’il fallait battre les Soviétiques. La science n’était pas l’argument premier, on ne voulait pas aller comprendre le système solaire, on voulait développer des technologies et acquérir du prestige. Quand on a réussi et bien been there done that, l’intérêt a rapidement diminué, il n’y avait plus de prestige à gagner. »
Aujourd’hui, le budget annuel alloué à la NASA serait entre 19 et 20 milliards de dollars. C’est le plus haut financement obtenu depuis 2009. Au Canada, nous ne jouons pas dans les mêmes ligues, puisque le budget annuel de l’Agence Spatiale Canadienne se situe autour des 300 millions (et non milliards) de dollars.
L’espace et la question d’espace
Le film commence par une scène où Neil Armstrong traverse la stratosphère avec une navette qui n’a rien de rassurant. Tout semble sur le bord de briser, c’est juste s’il ne fait pas des calculs sur une feuille lignée avec un crayon à mine pour déterminer sa trajectoire. Il est incroyable de penser qu’on a réussi à faire un aller retour terre-lune avec des technologies aussi chambranlantes.
Pour nous permettre de relativiser tout ça, M. Lamontagne m’a expliqué que la Station spatiale internationale est environ à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes. La lune quant à elle, est 1000 fois plus loin. « Votre téléphone intelligent est plus puissant que ce qu’ils avaient comme ordinateurs de bord dans ces années-là. », me dit-il.
«Votre téléphone intelligent est plus puissant que ce qu’ils avaient comme ordinateurs de bord dans ces années-là.»
La recherche spatiale a d’immenses impacts sur les technologies que nous utilisons au quotidien. « Pour aller à la lune il a fallu développer des tas de technologies qui ont eu des retombées dans notre vie de tous les jours, affirme M. Lamontagne. Il a fallu tout miniaturiser. L’exploration spatiale est l’incitatif principale pour l’innovation technologique. Je ne dis pas qu’on ne ferait pas d’innovation sans ça, mais la puce électronique de la caméra de nos téléphones intelligents a été développé pour observer le ciel. Le WIFI, ça a été développé pour le domaine de la radioastronomie. »
L’ambition de la lune
Contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, très peu de gens vont dans l’espace. Des décennies plus tard, les voyages spatiaux restent immensément coûteux, dangereux et peu priorisés par la plupart des agences gouvernementales. Il y aurait présentement seulement trois humains dans la station spatiale internationale.
«On vit un changement de paradigme où graduellement, le privé commence à prendre des parts de marché. Le but du développement est de commercialiser l’espace.»
Ceci dit, on est en train d’assister à un nouveau phénomène, celui de la privatisation du voyage spatial. L’entreprise SpaceX d’Elon Musk souhaite prochainement pouvoir amener des gens dans l’espace tandis que Virgin et Amazon s’apprêtent aussi à se lancer dans la course. « On vit un changement de paradigme où graduellement, le privé commence à prendre des parts de marché. Le but du développement est de commercialiser l’espace. Il y aura éventuellement du tourisme spatial: aller en orbite autour de la terre, peut-être en orbite autour de la lune… En même temps, les agences gouvernementales maintiennent des programmes pour l’exploration spatiale éloignée (la lune, mars, etc…) », nous dit Robert Lamontagne.
Coloniser l’espace : rêve ou réalité?
«La science-fiction nous donne l’illusion que l’espace est à notre portée, mais un voyage vers les étoiles les plus proches c’est 100 000 ans. Ce qui nous est accessible c’est le système solaire et c’est inhabitable, il faut de l’équipement pour y vivre.»
Mais est-ce possible d’espérer vivre dans l’espace? Qu’en est-il de cette fascination autour de l’idée de trouver une deuxième planète Terre? L’exploration spatiale continue, mais pour y vivre il faudrait transporter notre environnement. « On a découvert presque 4000 exoplanètes dont certaines ressemblent physiquement à la terre mais qui sont à des années lumières de nous, explique Robert. On a un engin spatial qui est parti en 1977 et il vient tout juste de sortir du système solaire. Ça lui aura pris 40 ans. La science-fiction nous donne l’illusion que l’espace est à notre portée, mais un voyage vers les étoiles les plus proches c’est 100 000 ans. Ce qui nous est accessible c’est le système solaire et c’est inhabitable, il faut de l’équipement pour y vivre. »
Il semblerait bien que la lune et le reste de la galaxie resteront inaccessibles au commun des mortels pour quelques années encore. C’est peut-être mieux comme ça, en fait. Puisqu’on n’a pas fait attention à la Terre, ce serait bien dommage de se donner le droit d’aller détruire d’autres planètes.
En attendant, je vous recommande chaudement d’aller voir First Man. Outre deux bonnes heures de divertissement, le film a l’avantage de nous faire relativiser l’existence humaine un tantinet et ça, c’est toujours un mal nécessaire.
Un grand merci à Robert Lamontagne pour le partage de ces précieuses connaissances.
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