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Pourquoi les gens font-ils la grève?
Regard sur le rôle des syndicats au Québec.

URBANIA et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) unissent leur voix pour mettre en valeur celles et ceux qui veulent faire entendre la leur.
Surcharge de travail, rémunération adéquate et environnement de travail sécuritaire : on pourrait dire que les revendications des employés du réseau de l’éducation relèvent du sens commun. Mais parle-t-on des revendications du personnel de l ’éducation d’aujourd’hui ou bien de celles des institutrices d’il y a une centaine d’années?
Preuve de l’importance perpétuelle du travail des syndicats québécois, on se rend compte que c’est autour des mêmes demandes que la défense des droits du personnel des réseaux publics se concentre depuis longtemps. C’est d’ailleurs peut-être ce qui explique pourquoi, ces dernières années, à peu près chaque secteur de l’économie est tombé en grève.
Pour bien comprendre l’ampleur du chemin parcouru ainsi que l’importance de ces organisations pour représenter les intérêts de leurs membres, on vous propose de vous imaginer un monde sans syndicats.
Regarder d’où l’on vient
Pour certains, le nom de Laure Gaudreault n’évoque peut-être qu’une école ou une fondation, ou alors il fait penser au titre de la série de Xavier Dolan. Pour les employé.e.s du secteur public, Laure Gaudreault est la pionnière du syndicalisme enseignant, à l’origine de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente aujourd’hui plus de 225 000 membres.
À la différence d’un syndicat, une centrale syndicale représente des syndicats affiliés selon leur secteur d’activité. Comme les employé.e.s qui se regroupent en syndicats pour faire entendre leur voix, créer une centrale syndicale a plusieurs avantages. En plus de s’unir pour avoir plus de poids dans les débats sur les conditions de travail et offrir de meilleurs services à ses membres grâce à la force du nombre, une centrale se positionne sur les grands enjeux de société. Qu’elles concernent des questions d’équité, d’éducation, d’environnement ou de santé, les positions d’une centrale syndicale font d’elle un réel vecteur de changement pour la société.
À l’époque de la création de la CSQ, l’importance de faire entendre les voix des enseignantes était plus que nécessaire. Sous le gouvernement de Maurice Duplessis, qui avait d’ailleurs traité les institutrices de « vieilles filles », l’enseignement n’était pas une priorité comme il l’est aujourd’hui, et ça se reflétait dans les conditions de travail.
Sans syndicat, difficile de concevoir les conditions dans lesquelles le personnel des réseaux publics, notamment en éducation, de la petite enfance à l’enseignement supérieur, aurait à travailler, de nos jours. D’abord, on peut penser au congé estival. Bien qu’on le tienne pour acquis, c’est seulement depuis 1958 que les employé.e.s du milieu scolaire peuvent conserver leur emploi durant l’été. Auparavant, les commissions scolaires congédiaient leur personnel à la fin de l’année scolaire, créant ainsi un grand climat de précarité.
À l’époque, au Québec, le personnel du domaine de l’éducation devait également accomplir des tâches complémentaires, comme rédiger des lettres pour les personnes analphabètes, ce qui résultait en une charge de travail démesurée. Lorsqu’elle entreprend de militer pour de meilleures conditions, Laure Gaudreault est critiquée par le curé Félix-Antoine Savard, qui la traite de communiste (ça, c’est la version 1910 de se faire traiter de « woke »). Les institutrices, aurait-il ajouté, « ne se rendent pas compte que leur travail représente un sacrifice pour obtenir une étoile dans le ciel après leur mort! ».
On peut se moquer de cette réflexion datée, mais force est de constater que l’idée selon laquelle les employés de nos réseaux publics doivent se sacrifier a traversé les époques. Trop souvent, on entend dire que ces métiers sont des « vocations », comme si ça excusait les mauvaises conditions dans nos écoles, nos collèges et nos hôpitaux. Encore de nos jours, l’ampleur des responsabilités dépasse largement les descriptions de tâches.
C’est la preuve qu’il reste du travail à faire pour que soit reconnue la valeur de ces emplois, qui sont pourtant toujours décrits comme des « priorités » par le gouvernement.
Pour savoir où l’on va
Puisque le milieu du travail est en constant changement, le rôle des syndicats demeure pertinent. De nos jours, l’équité salariale et l’équilibre entre le travail et la vie personnelle sont deux des enjeux phares à la CSQ. Bien que ces enjeux touchent tout le monde, ils prennent encore plus de sens lorsqu’on sait que plus de 80 % des membres de la CSQ sont des femmes. D’ailleurs, que la défense des droits des femmes en milieu de travail soit au centre des préoccupations de la CSQ ne date pas d’hier : son comité d’action féministe a célébré son 50e anniversaire cette année.
Sur le plan des revendications, l’équité salariale est probablement celle qui nécessite le moins d’explications quant à sa pertinence puisqu’elle tient d’une discrimination entièrement basée sur le genre. En effet, qu’on nomme le phénomène « implication » ou « charge mentale », le constat est le même : ce déséquilibre désavantage les femmes en milieu de travail. Puisqu’à la maison elles prennent une plus grande partie des responsabilités familiales, il va de soi qu’elles ont moins de temps à consacrer à leur emploi. Par conséquent, elles sont moins considérées pour les promotions et les possibilités d’avancement que des personnes n’ayant pas ces responsabilités. Ainsi, avoir un meilleur équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle permet également de rééquilibrer la division des tâches à la maison, comme l’a prouvé un projet pilote mené dans six pays.
En plus des luttes féministes, qui occupent toujours une place importante au sein des revendications de la CSQ, les enjeux liés à la diversité culturelle, sexuelle et de genre se sont imposés au cours des dernières décennies. Si l’histoire du Québec nous a appris quelque chose, c’est bien que c’est en centralisant nos forces qu’on parvient à faire valoir nos droits et à faire entendre nos voix. Faute de défense, une société sans syndicats peut devenir un monde où les droits de tous, en particulier ceux des personnes les plus vulnérables, risquent constamment d’être lésés.
Pour l’avenir, permettons-nous plutôt de rêver d’une société égalitaire et solidaire à l’égard de l’ensemble de la population, aussi diverse soit-elle.
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Pour découvrir comment la CSQ représente ses membres et contribue à de grands changements, rendez-vous sur son site Web.