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Pourquoi le coming out du joueur de hockey Luke Prokop est important
«Bien que la dernière année et demie ait été complètement folle, elle m’a aussi donné la chance de découvrir qui je suis vraiment. Je n’ai plus peur de cacher qui je suis. Aujourd’hui, je suis fier de dire publiquement que je suis gai.»
Ce sont là quelques-uns des mots qu’a tout récemment twittés le défenseur Luke Prokop, jeune espoir des Predators de Nashville. Le hockeyeur de 19 ans devient ainsi le premier joueur sous contrat avec une équipe de la Ligue nationale de hockey à révéler son homosexualité.
Le sport: ce microcosme machiste
«This is so nice, c’est une grande et belle nouvelle!», s’exclame Mona Greenbaum, la directrice générale de la Coalition des familles lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans.
«C’est toute cette conception de la masculinité et de l’orientation sexuelle qui est bouleversée quand on apprend qu’un joueur de hockey sous contrat professionnel est homosexuel.»
Quand on lui demande en quoi, selon elle, il s’agit d’un événement important, Mona aborde d’emblée le caractère machiste des sports collectifs. «Le sport en général, et particulièrement les sports d’équipe, est un microcosme moins progressiste que le reste de la société sur certains aspects, croit la militante montréalaise. Les sujets de l’homophobie et la transphobie sont de bons exemples de cette mentalité plus rétrograde qui subsiste». Elle ajoute que même à l’école, le cours d’éducation physique est un contexte particulièrement propice aux commentaires homophobes envers les jeunes LGBTQ+. «Que ce soit dans un contexte scolaire ou dans le monde professionnel, le sport est un univers encore très genré, croit Mona. On pense qu’une fille qui aime le hockey est lesbienne et qu’un gars qui fait du patin est gai. C’est un biais qui persiste».
Aux yeux de Mona Greenbaum, les sportifs professionnels, des hockeyeurs aux footballeurs en passant par les rugbymen, bénéficient de l’image stéréotypée de l’homme viril, du «vrai homme». «C’est toute cette conception de la masculinité et de l’orientation sexuelle qui est bouleversée quand on apprend qu’un joueur de hockey sous contrat professionnel est homosexuel. Ça brouille les frontières», affirme celle qui a reçu plusieurs prix récompensant son engagement et son travail en faveur de la communauté LGBT.
Quand on lui demande en quoi le coming out d’un jour de hockey peut s’avérer dérangeant pour certains, Mona aborde en filigrane la question de la fragilité masculine. «Les sportifs sont souvent très proches physiquement entre eux, ils passent du temps ensemble dans des espaces clos, les vestiaires, les douches. La grande présomption derrière ça est que comme les joueurs sont, entre guillemets, «de vrais hommes», ça ne remet pas leur virilité ni leur masculinité en cause, remarque-t-elle. Mais si on additionne cette image-là à la vieille conception de l’homme gai comme étant un obsédé sexuel qui met en danger tous les autres hommes, ça vient fragiliser quelque chose dans la conception d’une certaine masculinité».
Un vent de changement
«En conjuguant leurs professions de sportif et leur orientation sexuelle non hétéro, Nassib et Prokop deviennent de beaux modèles pour les jeunes LGBTQ+ qui ont envie de s’illustrer par le sport»
Au bout du fil, Mona Greenbaum fait d’ailleurs remarquer que s’il est le premier joueur sous contrat avec une équipe de la LNH à affirmer son homosexualité, plusieurs sportifs l’ont fait avant lui, pavant la voie vers un vent de changement. «Je pense à Carl Nassib, qui a annoncé qu’il était gai en juin dernier», rappelle Mona, à propos de celui qui est ainsi devenu le premier joueur actif ouvertement homosexuel dans la NFL. «Dans le cas de Carl Nassib, 28 ans, et maintenant de Luke Prokop, 19 ans, ce sont des hommes jeunes. Ça montre que la nouvelle génération, en assumant ses identités, contribue à faire évoluer la société».
La militante note également qu’à chaque fois qu’un sportif fait son coming out, l’annonce fait écho. «En conjuguant leur profession de sportif et leur orientation sexuelle non hétéro, Nassib, Prokop et d’autres sportifs et sportives deviennent de beaux modèles pour les jeunes LGBTQ+ qui ont envie de s’illustrer par le sport, affirme Mona, pleine d’espoir. «Les hommes gais sont souvent perçus comme peu virils, pas assez forts, contrairement aux hommes hétérosexuels vus comme puissants. Cette diversification des modèles dans le domaine du sport est très encourageante pour l’avenir».
Du côté de la France, le documentaire Faut qu’on parle, diffusé le 19 juin dernier, mettait de l’avant six athlètes qui abordent leur coming out. En effet, la judoka Amandine Buchard, le patineur artistique Kévin Aymoz, le rugbyman Jérémy Clamy-Edroux, la basketteuse Céline Dumerc, l’escrimeuse Astrid Guyart et le nageur Jérémy Stravius ont marqué l’histoire du sport avec ce coming out collectif.
Mona Greenbaum, toujours aussi emballée par la nouvelle, nous apprend que 5 à 10% des sportifs de la NHL et de la NFL seraient gais, lesbiennes ou bisexuelles. Selon elle, des coming out comme celui de Luke Prokop ouvrent la porte à ce que d’autres athlètes se sentent suffisamment en sécurité pour faire de même. Elle est également heureuse de constater le soutien démontré par l’organisation des Predators de Nashville, le directeur général des Predators, par le directeur général de l’Association des joueurs de la LNH et le commissaire de la LNH. «Tous ces gens semblent reconnaître le courage de Prokop et vouloir poser des gestes pour qu’il puisse continuer à développer son potentiel. Je souhaite que ce soit un appui réel et qu’il continue d’être en sécurité».