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Pourquoi la communauté gaie aime autant la grosse pop?
Alors que FiertéMtl approche à coup d’annonces de shows spectaculaires, j’ai passé beaucoup de temps dans les dernières semaines à me demander s’il y avait un genre de musique spécifiquement queer.
Un déclic s’est fait en écoutant 2 fxfs le matin, le nouveau podcast homo-poubelle de Charlie Morin et Jess Corneau. Les deux animateurs jasent de tout et de rien, des quolibets désignant les gais à l’homophobie intégrée, mais une anecdote a retenu mon attention. Pendant le premier épisode, Charlie tergiverse sur les 300 $ que coûte un billet pour aller voir Ariana Grande dans un amphithéâtre et Jess aborde les joies d’assister à un spectacle de Marie-Mai.
Est-ce que finalement la grosse pop mainstream serait la trame sonore officielle de ma communauté?
Queer Ear
Je suis moi-même en train d’hésiter à m’acheter des billets pour le passage de Charli XCX à Montréal. Je n’ai jamais autant versé dans la pop que cette année (tout comme je n’ai jamais autant embrassé mon identité gaie). J’ai l’impression que mon oreille capte des messages queer friendly dans la pop et je me demande si j’hallucine.
Au téléphone avec Jess, je suis rassuré. « En bon intellectuel, j’aime le second degré. La pop ne me dérange pas, parce que c’est toujours possible de viber sur ce 2e degré. » Jess s’autoproclame bottom de la pop. C’est-à-dire qu’il ne va pas vers elle, mais qu’il attend qu’elle vienne à lui. On sent, lui et moi, qu’entre les lignes des refrains souvent simples et accrocheurs, les gais vont aller chercher un sens de plus en filtrant les paroles à travers leur subjectivité queer.
Charlie Morin ajoute également à l’équation le facteur diva. « Souvent, en tant que queer, notre masculinité est contestée. » À ne pas fitter derrière le masc, on finit par trouver refuge dans des icônes fortes de la féminité. C’est là que les Céline Dion, les Whitney Houston et les Mariah Carey de ce monde nous gagnent comme fidèle public.
Je crains quand même de découvrir au beau milieu de la foule amassée devant Charli XCX que je ne suis pas pantoute le public cible. Ne serais-je pas trop vieux pour la relève mainstream?
Mériter sa pop
La musique qu’écoute Maxime B. est définitivement champ gauche. Le fan de prog, de jazz fusion et de musique d’avant-garde a déjà fait partie de la crowd fidèle d’Iron Maiden, Dream Theater et Slayer lors de leurs passages à Montréal. En homo qui se respecte, son spectacle préféré à vie reste cependant One Direction, qu’il a vu au début de sa vingtaine, des pires sièges possible au Centre Bell.
Entouré de ses chums de fille et légèrement intoxiqué, Maxime a reçu de plein fouet les messages d’amour disséminés par le boys band à toutes les trois tounes. Il n’a jamais autant crié devant ses idoles musicales, quitte à déranger la fillette de huit ans dans la rangée juste devant lui, venue voir le spectacle avec sa maman.
« J’avais autant le droit d’être là et d’avoir du fun qu’elle, j’avais payé mon billet comme tout le monde »
Le droit d’être là. Quand on réduit la pop à sa plus simple expression, c’est-à-dire une forme d’art conçue pour plaire, on réalise que le simple fait d’être gai et d’apprécier la musique est un acte d’affirmation en soi. Charlie Morin exprime bien cette idée. « Il y a une forme de défiance à être un homosexuel adulte et jouir d’une musique réservée à public féminin plus jeune. »
La communauté queer est subversive simplement en existant et en passant du bon temps parce qu’elle défie des structures mises en place pour la normaliser. Je me rends compte que j’aime la pop simplement parce que j’ai l’impression de la mériter. Je chante Believe de Cher comme si j’avais un doctorat en auto-tune, me trémousse sur du Shakira parce que ce sont mes hanches qui ne mentent pas.
Ce n’est pas exactement la pop que les gais aiment, mais plutôt se projeter à travers elle et s’en servir pour s’affirmer plus fort.