.jpg)
Pourquoi j’ai cessé de «stalker» sur les réseaux sociaux
URBANIA et PAUSE s’unissent pour réfléchir avec vous aux effets du stalking sur les réseaux sociaux.
Il n’a jamais été aussi facile de tout savoir, sur tout le monde. Depuis qu’on est tous hyperconnectés, qu’on étale notre vie à coup de stories, une recherche Google suffit pour trouver plein de petits détails à notre égard. Les patrons d’entreprises se font souvent une joie de passer en revue vos petits bijoux avant de vous engager.
Si certains sont plus discrets que d’autres, il existe toujours un moyen d’entrer dans le jardin secret d’inconnus. Je suis d’ailleurs une pro pour dénicher une foule d’informations croustillantes et souvent, mes amis ont recours à mes «services» quand ils ont des doutes sur une personne.
Pour moi, stalker a longtemps été un jeu. Plus il y avait d’obstacles, mieux c’était. Je gagnais presque à tous coups. Au quotidien, ça se passait souvent de la même manière. Si une personne que je ne connaissais pas était dans les stories d’un de mes ex, par exemple, j’entrais dans le vortex de l’espionnage. Je réussissais bien souvent à obtenir beaucoup d’informations sur la personne, tellement que je suscitais la surprise à coups de «hein, comment tu fais pour connaitre autant de détails ?»
Si certains sont plus discrets que d’autres, il existe toujours un moyen d’entrer dans le jardin secret d’inconnus.
Pour moi, tous les moyens étaient bons pour trouver le plus de «scoops» possible (et pour troubler ma stabilité mentale, également). J’épluchais le profil Facebook et Instagram de la personne pour savoir avec qui elle était devenue amie récemment, je regardais tous les likes et les commentaires de ses dernières publications, remontant parfois jusqu’à plusieurs années auparavant, et j’en suis même venue à me faire un faux compte pour suivre les personnes qui avaient un profil confidentiel. Ça me permettait également de regarder les stories des gens, sans risque de me faire reconnaître et de passer pour une creep, même si j’en étais visiblement une.
Et après?
Jusqu’au jour où c’est devenu un réel problème au quotidien. Quand je ne pouvais plus m’empêcher d’observer à outrance tous les faits et gestes d’inconnus, mais aussi de mes amis. Je savais qui mes meilleurs amis dataient, avant même qu’ils ne m’en parlent.
J’ai sombré, j’ai angoissé et je me suis comparée abusivement. Étrangement, outre le sentiment de satisfaction qui durait une fraction de seconde quand je découvrais un trop plein d’informations sur une personne «X», il y avait surtout ce stress qui m’habitait tous les jours, parce que j’en savais trop. J’avais sous mes yeux la vie d’une personne qui n’était pas nécessairement le compte-rendu exhaustif de sa réalité, et je jugeais la mienne que je trouvais souvent trop fade, pas assez «filtrée vintage avec de beaux vêtements».
J’ai réalisé que la première chose que je faisais le matin en me levant, en allant aux toilettes, en marchant dans la rue, quand j’étais en manque d’inspiration, avant de dormir, c’était de regarder la vie des autres, sur mon écran de cellulaire.
J’avais souvent des sueurs froides quand j’y pensais en plein milieu de la journée, quand je ne pouvais pas m’empêcher d’aller voir si une personne avait posté une nouvelle photo ou quand je retournais sur un profil toutes les 30 secondes pour voir si mon ex n’avait pas liké ou commenté une nouvelle photo.
J’avais le stress de savoir qu’à n’importe quel moment de la journée, j’avais un écran à portée de main qui m’aidait à retomber dans ce vortex de stalkage. Et j’avais aussi cette envie qui me prenait sournoisement, entre deux meetings à la job ou lors d’un souper entre amis. J’avais toujours cet outil puissant entre les mains, mon cellulaire, qui me permettait d’être aussi efficace qu’un détective.
J’ai réalisé que la première chose que je faisais le matin en me levant, en allant aux toilettes, en marchant dans la rue, quand j’étais en manque d’inspiration, avant de dormir, c’était de regarder la vie des autres, sur mon écran de cellulaire. Quand je me mettais des limites, je vivais un genre de sevrage. Je me sentais moins divertie, plus maussade. Et quand je succombais à la tentation, je ressentais une grande culpabilité de ne pas être capable de me contrôler.
Et j’ai décidé de prendre mon utilisation en main, pour retrouver l’équilibre. J’ai récemment supprimé mon deuxième compte et je me conditionne à ne plus prendre tous les moyens nécessaires pour retrouver une personne qui pique ma curiosité. J’essaie de laisser la vie des autres, aux autres et de vivre ma vie selon mes standards et non des comparaisons. Et je n’apporte plus mon cell à la table pendant les repas.
J’ai essayé de retrouver une saine utilisation de mes écrans en me donnant le droit de prendre des pauses, en sortant mon cellulaire de ma chambre le soir ou en le laissant dans mon appartement quand je vais monter le mont Royal. Et depuis, non seulement je passe moins d’heures à scroller mes fils d’actualités, mais j’ai retrouvé un plaisir à le faire.
Oui, je stalke encore, mais j’ai surtout réalisé que quand je le fais de façon compulsive, ce skill peut être plus nocif qu’autre chose.
****
Connaissez-vous l’initiative PAUSE?
C’est une campagne sociétale qui fait la promotion d’une utilisation équilibrée d’Internet afin de prévenir les risques liés à l’hyperconnectivité.
Ce qui est cool, c’est que l’initiative s’adresse à tout le monde: PAUSE invite les ados, les jeunes adultes et leurs familles à évaluer leurs habitudes numériques, puis à poser des gestes concrets pour les améliorer. Parce que des fois on a besoin d’une petite remise en question histoire de s’assurer qu’on est bel et bien sur la bonne track.
PAUSE souhaite devenir un mouvement qui incite les Québécois à reprendre le contrôle de leur utilisation d’Internet et à donner priorité aux connexions de qualité qui comptent vraiment, en ligne et hors ligne.