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Pourquoi doit-on s’exciter de la collaboration entre St. Vincent et Sleater-Kinney?

Assiste-t-on à la naissance d'un supergroupe de punk féministe?

Par
Estelle Grignon
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St. Vincent produira vraisemblablement le nouvel album de Sleater-Kinney. C’est donc dire que l’une des icônes cultes de la scène indie rock des dix dernières années supervisera le travail de l’un des groupes rock les plus influents des vingt-cinq dernières années dans un raz-de-marée de distorsion au féminin.

Pour les initiés, c’est un peu comme si Eminem produisait un album du Wu-Tang Clan; si Quentin Tarantino réalisait le nouveau Star Wars; si Connor McDavid jouait sur le même trio qu’Alexander Ovechkin; ou si Safia Nolin produisait le nouvel album de Cœur de Pirate plutôt, question de prendre une analogie plus féministe. Pour l’être humain moyen toutefois, cette collaboration est aussi intéressante qu’un verre d’eau tiède.

Et pourtant! Cette nouvelle-là est incroyable et invraisemblable et je vais défendre ces deux artistes jusqu’à ma mort.

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À défaut d’avoir connu la notoriété d’un succès radio, les trois filles de Sleater-Kinney ont su rester pertinentes tant dans leurs textes que dans leur musique en faisant fi des conventions. Pas de basse ici : Corin Tucker et Carrie Brownstein entrechoquent leurs deux six-cordes comme elles entremêlent leurs voix. Derrière, Janet Weiss varge des rythmes souvent peu orthodoxes, mais toujours précis.

Né dans le courant punk féministe riot grrrl des années 90, Sleater-Kinney a fait paraître sept albums en l’espace de dix ans. Rendu au second, le trio commençait déjà à faire des vagues chez les cercles critiques. Janet Weiss remplace l’ancienne batteuse pour le troisième disque Dig Me Out et le groupe ne récoltera que des éloges pour le reste de sa carrière. Guitares bien saturées, paroles aussi féministes qu’irrévérencieuses, mélodies accrocheuses, la formation de l’état de Washington a tout pour plaire.

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Si peu de mélomanes de ma génération connaissent le groupe, c’est en partie à cause de la longue pause qu’il a prise. Un an après la sortie de The Woods en 2005, leur album le plus sombre et le plus lourd, Sleater-Kinney prend du recul.

Corin Tucker explore des projets solos, Janet Weiss se joint aux batteurs Zach Hill (Death Grips) et Matt Cameron (Pearl Jam et Soundgarden) pour un disque expérimental de 40 minutes et Carrie Brownstein tient la vedette avec Fred Armisen dans la série Portlandia. De nombreux artistes feront des caméos dans cette série, dont Eddie Vedder, Jack White et, surprise, Annie Clark, aussi connue sous le nom de St. Vincent.

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Un retour réussi

Puis, le 20 octobre 2014, Sleater-Kinney fait une annonce complètement débile. Du jour au lendemain, le groupe officialise leur retour, une tournée mondiale est à l’horizon, un album est confirmé pour 2015 et une nouvelle chanson voit le jour.

Le disque No Cities to Love est un peu plus lumineux et décontracté que The Woods, son aîné de dix ans. La qualité est encore au rendez-vous : le disque obtient une rare note de 90 sur Metacritic. C’est donc dire qu’en moyenne, les critiques musicales s’entendaient pour donner une note de 9/10 au nouvel album. Même Tina de la série Bob’s Burgers est sous le charme.

Pour avoir eu la chance de les voir en spectacle en 2015, les trois filles ne semblent pas avoir vieilli d’un poil. Énergiques, charismatiques, généreuses, elles m’auront fait passer l’un de mes meilleurs spectacles à vie. Je dis « chance » parce que j’étais à l’étranger lors de cette tournée, dont le seul concert canadien était à Toronto.

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Cela fait en effet bien longtemps que le trio a donné de l’amour au Québec : leurs derniers passages étaient des arrêts au Centre Bell et au Colisée Pepsi en première partie de Pearl Jam en septembre 2005. Le groupe avait aussi donné un concert plus tôt la même année au La Tulipe. Quatorze ans plus tard, c’est peut-être là une autre clé qui explique pourquoi la réputation de Sleater-Kinney est encore à faire ici.

Et St. Vincent dans tout ça?

Les fervents du star-système hollywoodien la reconnaissent peut-être plus pour ses liaisons avec Cara Delevingne et Kristen Stewart. C’est toutefois du côté de ses succès sur disque que son pedigree est le plus impressionnant.

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Un an après la pause prolongée de Sleater-Kinney, St. Vincent se met au monde musicalement. Après avoir accompagné Sufjan Stevens en spectacle pendant un moment, Annie Clark de son vrai nom fait paraître un premier album en 2007. Viendra éventuellement un disque en duo avec David Byrne de Talking Heads en 2012.

Puis, St. Vincent arrive à maturité sur son 4e album solo en 2014. Il est nommé album de l’année par de nombreuses publications dont le NME et le Guardian au Royaume-Uni. La guitare héroïne a toujours été un brin décalée : elle explore toutefois des territoires plus déjantés que jamais sur cet album.

Cette année-là, elle part en tournée et s’arrête dans deux festivals de la province, s’offrant coup sur coup l’Impérial de Québec pendant le FEQ et le Metropolis le lendemain pendant le Festival international de jazz de Montréal. Encore là, son arrêt dans la vieille capitale reste un de mes meilleurs souvenirs de spectacle à vie.

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Trois ans plus tard, St. Vincent fait paraître MASSEDUCTION qui lui vaut un autre titre d’album de l’année chez le Guardian et une nomination aux prochains Grammys. Comme ce fut le cas pour ses deux premiers projets, Annie Clark participe à la production de l’album. Pour cette nouvelle ère, la chanteuse et guitariste adopte un son plus électronique et un personnage de dominatrice futuriste. Elle travaille d’ailleurs avec une certaine Carrie Brownstein pour réaliser de courtes vidéos promotionnelles.

C’est donc dire que la collaboration entre Sleater-Kinney et St. Vincent fait beaucoup de sens. Et c’est tant mieux : c’est une véritable bénédiction offerte par ces quatre génies rock féministes au talent démesuré. Les attentes sont donc franchement élevées pour ce nouveau disque, prévu plus tard en 2019.

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