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On manque de plus en plus de magie, au Québec. Et je ne parle pas de Luc Langevin, ici.
Le marché culturel québécois est au bord du gouffre, pardonnez mon sensationnalisme.
Les jeunes – et je me compte là-dedans – sont plus intéressés par le divertissement de l’inattention (nouveau terme que je viens d’inventer). Les seules capsules de plus de 7 minutes qui captent l’engouement de mes compagnons d’armes ont des titres comme : « 100 FILLES POUR UN MEC », « Doc Mailloux EXPOSE la SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE & appelle à faire CASTRER les PÉDOPHILES ! » ou « QUEL EST LE MEILLEUR BURGER DE MONTRÉAL ? »
Avant de me faire complètement démonter sur Reddit, sachez que je ne crache pas sur la nouvelle génération de créateurs de contenus; je salue votre créativité et votre rigueur (quand il y en a).
C’est plutôt aux créateurs de la télévision que je lance l’alerte : il faut vous réinventer. Si ces créateur.trice.s de contenu vont chercher les mêmes centaines de milliers de visionnements, c’est parce qu’ils ont compris quelque chose. Ils nous divertissent, nous les jeunes. Les entrevues sont choquantes et sans filtre, les protagonistes sont surprenants (parfois même controversés) et ils tentent de s’améliorer constamment (parce qu’il le faut; les tendances du web, ça bouge vite).
Par contre, de temps de temps, il y a de petites pépites télévisuelles qui voient le jour. Comme la nouvelle émission de Télé-Québec, Pour une fois.
J’ai eu la chance de regarder en exclusivité l’enregistrement avec Anne Dorval, celle qui a été la maman de toute ma génération dans Les Parents, et c’était franchement amusant.
Bon, je me dédouane tout de suite : c’est produit par URBANIA. Ce sont mes collègues au bout du corridor qui ont travaillé sur le show. On m’a demandé de le critiquer, moi, le « jeune du bureau ».
Et je ne lécherai aucune botte. Watch me.
Le concept de l’émission est simple, basé sur la formule des talk-shows. À la place qu’une tête d’affiche donne des entrevues à plusieurs invités, quatre animateur.trice.s posent chacun.e leur tour des questions à un.e invité.e d’honneur.
Dans l’émission d’Anne Dorval, on a eu droit à un line up de feu (TW : j’ai une passion qui pourrait s’apparenter à celle d’une matante de Chambly quand il est question du showbiz québécois).
Pour mes amis de l’Ouest-de-l’Île qui ne connaissent rien à notre star système francophone, voici de qui il est question :
Kim Lévesque Lizotte : elle a écrit Avant le crash si jamais vous avez vu la série
Steve Gagnon : le Xavier Dolan de la dramaturgie
Hubert Lenoir : « JE SUIS VENU TE DIRE QUE TU PEUX CHANGER »
Francis Reddy : un de trois gars de la palourde royale
Je n’ai jamais été un admirateur des longues entrevues, je suis d’ailleurs le premier à décrocher des longs balados où les gens s’écoutent parler.
Mais dans cette émission, la pacing fonctionne, les entrevues se différencient et on a droit à de bonnes questions croustillantes.
Anne Dorval est aussi une invitée de choix! Elle est vulnérable, drôle, authentique, mais surtout … divertissante.
On parle de french, de McDo, de la peur de la mort, d’un voyage à Paris et de l’amitié. On passe du coq à l’âne (Dorval) sans que ce soit décousu. Ce sera mon seul jeu de mots de Papa de tout le texte, promis.
La musique du show me donne le goût d’aller me défouler dans un rave, les blagues réconfortent ma déprime d’automne et les moments de complicité créent en moi un énorme sentiment de jalousie.
Mais nul n’est roi en son royaume, donc désolé chers collègues d’URBANIA qui ont travaillé fort sur le show, mais parfois, les sujets de conversations étaient très peu accessibles. La séance de name drop de grands poètes dépressifs était particulièrement masturbatoire. J’ai toujours été un grand adepte du jeu de « Ça ou ça », mais quand on suppose que tout le monde sait de quoi on parle, on tombe vite dans le piège des chambres d’écho. On se parle à nous-même.
Mais la complicité entre Steve Gagnon et Anne Dorval était à s’en mordre les lèvres. C’était un chaos organisé, d’un naturel surprenant.
La télévision québécoise a beau vieillir comme la canne de soupe Campbell dans mon armoire, force est de constater que les artisans du petit écran peuvent se surpasser et se réinventer (pour une fois).
Suggestion pour la prochaine saison : vous devriez titrer vos émissions comme les youtubeurs. Exemple à l’appui : « ANNE DORVAL NOUS RÉVÈLE QU’ELLE A PEUR DE MOURIR ET ELLE AIME LE MCDO – POUR UNE FOIS ».
Toutes les émissions sont en rattrapage sur le site de Télé-Québec. Pour voir ma réaction et celle de mes estimés collègues lorsqu’on apprend qu’Anne aime les Big Mac, c’est juste ici.