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Comme les compagnies de literie et les sites web de bien-être aiment bien nous le rappeler, on passe en moyenne un tiers de notre vie dans notre lit. C’est beaucoup, quand on y pense.
Matelas ferme, mousse mémoire, douillette en plume d’oie, drap en bambou ou en coton égyptien 1800 fils : les options sont nombreuses pour faire de son lit un endroit agréable et propice au repos.
Mais au-delà de l’ergonomie de vos oreillers et de la fermeté de votre matelas, un sujet semble diviser : dormez-vous ou non avec un drap plat?
Le lit découvre tous les secrets
Récemment, je suis tombée sur un article du Wall Street Journal, abordant avec beaucoup de sérieux l’épineuse question du drap plat.
« Le lit découvre tous les secrets », disait Voltaire…
Pour que l’on soit sur la même longueur d’onde, le drap plat est un drap sans élastique que l’on place par-dessus le drap contour, entre soi et sa couverture ou sa housse de couette. Son but est notamment de protéger la housse de couette de la saleté.
Personnellement, je dors avec un drap plat et je ne m’en passerais plus. Ça me semble plus hygiénique, plus pratique et juste plus… cohérent. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
Ni une ni deux, je me lance dans un sondage auprès de mes collègues grâce à un outil des plus « scientifiques » : SLACK.
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Résultat (et règle de trois) : au bureau d’URBANIA, la tendance penche pour l’usage d’un drap plat à 69,8 %, contre 30,2 % qui s’en passe volontiers.
Intéressons-nous maintenant aux raisons derrière ce choix.
Les arguments en faveur du drap plat
« Ben voyons, si on a chaud, mais pas taaaannnnt que ça, on fait quoi si on a juste une couette? L’angoisse. »
— Alexandre C.
« C’est plus facile de laver un drap qu’une couette entière, surtout si elle vaut cher (pas le cas de la mienne, mais ça reste chiant à laver). L’été, quand il fait 40, le drap suffit! »
— Gabrielle J.
« L’idée de ne pas dormir avec un drap plat ne m’a jamais effleuré l’esprit. C’est qui, ces barbares? »
— Catherine M.
« La couette est nécessaire pour s’endormir, mais elle prend le bord quand il fait chaud. Par contre, dormir avec zéro couverte, c’est inconcevable, donc drap plat! »
— Esther C.
«L’idée de ne pas dormir avec un drap plat ne m’a jamais effleuré l’esprit. C’est qui, ces barbares?»
« Remettre la couette dans sa housse après l’avoir lavée est une des tâches que je déteste le plus. C’est tellement plus simple de laver le drap plat. Aussi, je trouve ça beaucoup plus confortable de dormir avec un drap plat sous ma couette. Je vote pour le confort et l’économie d’énergie. »
— Laïma A.
Les arguments contre le drap plat
« Juste une couette, avec une jambe sortie quand il fait chaud. »
— Sara B.
« Le drap se ramasse toujours en boule à mes pieds. »
— Cloé G.
« C’est déjà assez chiant de faire son lit le matin. Le moins d’éléments j’ai à gérer, le mieux je me porte. Team pas de drap plat du diable. »
— Une amie à moi, à qui je fais part du débat.
«Le drap se ramasse toujours en boule à mes pieds.»
« Je fais partie de la team “FLEMME”: si j’ai chaud, une jambe dehors et une jambe sous la couette. »
— Chloé G.
Autres
« Je ne trouve pas l’option “bâche bleue” dans les choix du sondage. »
— Jean B.
La question du drap plat et du couple
Au fil des commentaires de mes estimé.e.s collègues, une subtilité émerge : l’enjeu du drap plat dans le lit conjugal.
« Considérant que je suis une maudite voleuse et kickeuse de couette, le drap permet aussi à mon chum de ne pas mourir de froid quand je décide de crisser la couette en bas du lit. »
— Esther C.
«Pire affaire au monde : être en couple avec quelqu’un qui refuse le drap plat.»
« Je dormais avec un drap avant, mais mon chum, non. Comme ça aurait été hyper wacko qu’on soit “drap dessus drap dessous”, j’ai arrêté de prendre le drap sans me poser la question, et j’aime mieux sans drap, dans le fond. Mais il est quand même dans le lit, on finit juste par le laisser au bout du lit en motton (place préférée du chat). »
— Marie-Christine R.
« Pire affaire au monde : être en couple avec quelqu’un qui refuse le drap plat. »
— Philippe L.
« Secret de la longévité de mon couple : je dors avec le drap plat et ma blonde dort avec la couverte. »
— Benoit L.
« Drap plat pour moi, sans drap plat pour mon chum = éternel combat dans notre couple. »
— Estelle R.
Analyse des données
Selon le Wall Street Journal, la question du drap plat est un débat générationnel. En effet, aux États-Unis du moins, « la génération X et les baby-boomers, plus traditionnels, utiliseraient un drap plat tandis que la génération Y et la génération Z s’en passeraient ».
«Beaucoup d’Européens n’utilisent qu’un duvet », peut-on DANS le Wall Street Journal.
De mon côté (de la frontière), selon les données maison que j’ai rigoureusement recueillies, rien ne semble démontrer une scission entre les générations. En effet, les aficionados du drap plat sont presque uniquement des membres des générations Y et Z. Mais encore une fois, rien de scientifique là-dedans.
« Personnellement, je ne pourrais pas me passer de mon drap plat, mais mes enfants n’ont jamais rien voulu savoir! », déclare d’emblée une connaissance dans la cinquantaine à qui j’ai posé la question.
Chez moi, c’est le contraire : ma mère (d’origine française, dans la soixantaine) n’a jamais dormi avec un drap plat et ne nous en a jamais proposé sous son toit. Ce n’est qu’une fois en appartement que je m’en suis procuré un. Depuis, pas de retour en arrière.
Je suis mêlée.
Attention, une autre théorie se pointe le bout du nez : une préférence culturelle. En effet, parmi mes collègues détracteur.trice.s du drap plat, on retrouve une écrasante majorité de Français.es. « Beaucoup d’Européens n’utilisent qu’un duvet », peut-on lire noir sur blanc dans le Wall Street Journal.
Voilà!
Enquête de coton
Selon Ariel Kaye, fondatrice et CEO de Parachute, une compagnie d’articles pour la maison établie à Los Angeles, « 40% des Américains ne dorment pas avec un drap plat ».
À l’instar de Parachute, la compagnie Brooklinen a commencé à vendre des ensembles de literie dépourvus de drap plat en 2016, afin de répondre à la demande.
Si elle admet se passer de drap plat elle-même, Ariel Kaye, une millennial de 38 ans, ajoute que « quand les gens apprennent qu’[elle] a fondé Parachute, ils ne peuvent s’empêcher de la questionner sur LA question du drap plat ». À ses yeux, peu importe de quel côté les gens se rangent, ils sont enflammés quand vient le temps de s’exprimer sur le sujet.
«Un ou deux clients par mois nous fait la demande d’acheter un drap plat à l’unité.»
« Nous ne vendons que des ensembles de literie [drap contour, drap plat et taies d’oreiller]. Aucun item à l’unité », affirme Cédric, gérant de l’équipe de vente chez Bleu.eco, une entreprise québécoise de matelas, de lits articulés et d’oreillers. « Par contre, je peux vous dire qu’un ou deux clients par mois nous fait la demande d’acheter un drap plat à l’unité. »
De son côté, Marine de chez Carré Blanc, qui semble me trouver très gossante avec mes questions alors qu’elle vient tout juste de « recevoir une très grosse commande en magasin », me répond que la boutique, fondée en France il y a 35 ans, ne vend que ses pièces à l’unité. Chez Carré Blanc, pas d’ensemble de literie.
« La demande pour les draps plats est là », me répond la vendeuse, qui accepte finalement de répondre à mes mini-questions étranges. « Et oui, c’est vrai que nous vendons peut-être plus de draps plats à nos clients plus âgés. »
Pas encore tout à fait satisfaite des résultats de mon enquête, je me rabats sur le clavardage en ligne de Carré Blanc, dont le site web est simultanément ouvert dans les onglets de mon ordinateur
Coup de théâtre! « Bonjour! Nous observons qu’au Canada, les draps plats sont assez populaires. Mais la plupart du temps, les personnes dorment sans draps plats. »
Je me risque (en étant très empathique envers la pauvre personne au bout du chat, qui devait me trouver aussi fatigante que Marine un peu plus tôt) : « D’accord. Savez-vous pourquoi? »
« Alors là, non, aucune idée… » me répond-on instantanément. « Mais nous le constatons en termes de vente. »
En rendant sa liberté virtuelle à la gentille personne qui avait sans doute mieux à faire que de nourrir mon enquête, je me rends à l’évidence : je ne réglerai pas le sort de la polarisante question du drap plat aujourd’hui.
«Nous sommes tous couverts de bactéries cutanées, et laver nos draps ou nos housses de couette ne changera rien à cela»
Quant à la question de l’hygiène, Elisabeth Bik, consultante scientifique basée à San Francisco citée dans le Wall Street Journal affirme que « d’un point de vue microbiologique, les deux options sont bonnes. […] Nous sommes tous couverts de bactéries cutanées, et laver nos draps ou nos housses de couette ne changera rien à cela. Les bactéries de la peau font partie d’un corps sain. »
En boule au pied du lit, de luxe, parfaitement repassé, volontairement oublié dans le placard, essentiel ou superflu, le drap plat n’a pas fini de faire jaser dans les chaumières. D’ici l’adoption d’un consensus (ou pas), je vous souhaite un bon reste de tiers de notre vie.