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Que nenni, je ne suggère pas ici que l’on s’achète des cadeaux individuels sous forme de produits anti-Kyoto, mais tout simplement de se redonner collectivement ce qui nous appartient déjà: nos ressources naturelles.
Petite fable de Noël. Il était une fois un citoyen comme vous et moi qui avait sur son terrain un pommier bien à lui. Un jour, il vit un touriste débarquer sur son terrain pour faire provision de pommes, comme si de rien n’était. Sans surprise, le bon citoyen couru s’enquérir auprès du touriste, à savoir de quessé.
Le touriste lui répondit que, puisqu’il avait pris certains risques dans ses déplacements et encouru certains coûts de chez lui jusqu’au pommier d’ici, il trouvait normal de se bourrer la face de succulentes pommes. Il les méritait bien, non? Justement, non. Notre citoyen, doté d’un minimum de fierté, rétorqua que les choses ne se passaient pas ainsi dans le pays des hommes éveillés, et qu’il exigeait compensation pour les pommes consommées.
Il vint alors au touriste la même idée de génie qui lui avait permis de bien s’en tirer dans des pays où les hommes ont les rotules plus usées que les semelles: il allait simplement offrir un emploi au propriétaire du pommier. Il allait en faire son cueilleur de pommes content. Selon sa savante thèse, la création d’un emploi devrait suffire à faire taire ce citoyen qui prenait ses droits pour des droits.
Toutefois, notre subtil citoyen expliqua au touriste que le salaire de cueilleur couvrirait son travail, soit, mais que pour les pommes, il faudrait quand même verser des redevances. Comme le dit le vieil adage, on ne compare pas des pommes avec du travail (ou quelque chose du genre).
Transposons maintenant cette fable dans la réalité québécoise. Nous sommes dans un univers kafkaïen (je n’ai pas lu énormément de Kafka mais j’aime le mot) où les gouvernements en place n’osent pas dire aux compagnies –souvent étrangères– que les ressources naturelles québécoises doivent enrichir d’abord les Québécois. Ce qui veut dire que la création d’emplois ne devrait pas justifier que les redevances soient ridicules. Un salaire, c’est pour rémunérer le travail, pas la propriété.
La solution? Nationaliser nos ressources naturelles. Voilà, c’est dit.
Je précise d’entrée de jeu que je ne suis pas communiste. J’aime l’économie de libre marché dans un cadre réglementaire bien défini. Le mot nationalisation fait peur pour rien et l’exemple d’Hydro-Québec est le meilleur qu’on puisse mettre de l’avant. L’État est devenu maître d’œuvre de tout un secteur par le biais d’une nationalisation qui laisse toutefois beaucoup de place au privé dans le développement dudit secteur. Ce ne sont pas des fonctionnaires qui bâtissent les barrages, mais bien des firmes de construction et d’ingénierie privées. Sauf qu’en bout de ligne, c’est l’État (donc la population) qui reçoit les profits générés par les ressources naturelles hydrauliques. Le gros bon sens finalement, quand on se dit que ce que personne n’a inventé appartient à tout le monde.
Alors idem pour toutes nos ressources naturelles. Rémunérons très bien les privées pour leur travail, leur expertise, leur innovation, leur prise de risque, mais pas pour la propriété de ressources naturelles qu’elles n’ont pas inventées. Les profits découlant de la propriété de la ressource doivent logiquement revenir aux propriétaires. Ça, c’est nous.
Les privées quitteront si on affirme trop fortement notre propriété? René Lévesque s’est fait servir exactement le même discours dans les années 60 quand il voulait nationaliser l’hydroélectricité. La différence avec les chefs d’aujourd’hui, c’est qu’il s’est tenu debout, lui. On lui disait que son plan minerait (sans mauvais jeu de mots) la réputation du Québec sur les marchés mais il a bien vu le bluff. Il fallait quand même que son expérience de joueur de cartes serve quelque part après tout.
La triste réalité du Québec est que plusieurs compagnies minières reçoivent en aides fiscales davantage qu’elles ne versent en redevances. Oui, nous nous trouvons à les payer pour qu’elles viennent chercher nos ressources. Et ces ressources sont non renouvelables, rappelons-le. Nous ne pourrons donc pas nous reprendre plus tard. C’est la première et unique exploitation de ces ressources qui compte et elle se passe maintenant.
La prochaine fois qu’on vous dira que l’État n’a rien à faire dans le secteur minier, rappelez-vous que le Québec laisse des États étrangers faire ici ce que nous n’osons pas faire nous-mêmes. Des compagnies étatiques étrangères sont en effet admises dans l’exploitation de nos ressources naturelles. Allez donc y comprendre quelque chose. On assiste dans de tels cas à une nationalisation de facto de nos ressources, mais par d’autres pays. Digne des colonies vous dites? On mérite tellement mieux que ça.
Il n’est pas impossible que devant l’évidence du gros bon sens en faveur d’une nationalisation, on tente de vous faire croire que les ressources financières du Québec ne seraient pas suffisantes pour devenir maître d’œuvre du secteur minier. Ah non? Bizarre, pourtant le Plan Nord prévoyait que l’État québécois investisse la majorité des 80 milliards requis pour son développement. La majorité, comme dans maître d’œuvre…
On vous sortira aussi des exemples bien précis de projets qui ont déçu et fait perdre de l’argent à l’État, comme l’amiante par exemple. Mais comme par hasard, on ne vous fera aucunement mention de tous les autres projets très rentables qui, eux, profitent aux compagnies privées et/ou étrangères. La vérité c’est qu’à terme, et avec un portefeuille de ressources aussi diversifiées que celui du Québec, les ressources naturelles représentent un secteur très rentable. Il faut de la vision et un minimum de colonne.
Avec tout ça j’en oublie la fin de la fable. Elle se termine avec un touriste qui ne s’en va pas et qui reste plutôt en payant ses redevances pour les pommes. Parce que ce sont ces pommes qu’il veut et c’est ici qu’elles sont. Le propriétaire du pommier se fait aussi payer un juste salaire quand il aide le touriste à les cueillir et à les emballer. Ce fut même au tour du citoyen propriétaire d’avoir une idée de génie: plutôt que de vendre toujours ses pommes en vrac et de les racheter à gros prix sous forme de produits dérivés, il commença à les transformer lui-même en tartes, compotes et cidres, créant encore plus d’emplois ici et faisant un profit à l’exportation.
Puissions-nous un jour avoir un pomiculteur lucide comme premier ministre.
Joyeux Noël!