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Pour les femmes, une présence média, c’est souvent aller au batte… puis passer au batte

Un poids lourd à porter.

Par
Josiane Stratis
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Je crée du contenu sur Internet depuis 10 ans. J’ai créé et j’ai fait rouler deux des sites féministes les plus lus au Québec pendant presque 9 ans. Puis après une dépression, j’ai eu le bonheur de prendre une pause et de laisser ces sites-là de côté. Pour la première fois de ma vie, je n’avais pas à lire chaque jour les commentaires quotidiens de personnes qui remettent en question mon existence.

On ne se rend pas toujours compte des effets de la violence quotidienne sur internet, sauf quand on décroche pour de vrai.

Être une femme, être une féministe sur les réseaux sociaux, c’est violent. Martine Delvaux l’a démontré depuis son passage à Tout le monde en parle dimanche dernier, et on est des centaines de femmes à comprendre ce qu’elle vit.

Surtout pas juste des victimes

Rapidement, sur les réseaux sociaux, quand je recevais des commentaires mesquins sur mon apparence, mon intégrité physique et sexuelle ou toute autre vacherie violente servant à déconstruire mes idées par autre chose que des idées, je déposais le screen cap du commentaire sur mon mur. Œil pour œil, dent pour dent, mon chum : si tu veux m’insulter tu vas aussi vivre avec les gens qui me défendent.

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On m’a longtemps reproché de faire ça, parce que je mettais aussi le visage de la personne et son nom complet, ou son nom d’utilisateur. Sans rien demander, les personnes allaient me défendre et ça m’apaisait tranquillement de me savoir appuyée par des gens de mon entourage.

C’est pas un discours de victime que je veux avoir, je ne veux pas être une victime et je ne veux pas faire gagner ces bourreaux.

Je pourrais pas dire tous les commentaires que j’ai reçus, mais on parlait de moi comme de la « jumelle moche », parce que ma sœur était en dépression et mince et moi je portais du médium, à des commentaires du type « tes lunettes sont dégueulasses comme ta face », à des trucs comme « ce texte t’a complètement rape » sans se poser la question si je suis une survivante de viol ou pas (la réponse est oui), au classique « mal baisée », « conne », à « mauvaise mère », « folle », « tu devrais faire attention à toi à ta prochaine visite à Québec, on t’attend » et toutes les variantes de mon préféré « les jumelles diaboliques », « l’empire des Stratis » et je sais plus quoi.

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Après ma pause loin des réseaux sociaux et en ne m’occupant d’aucun site internet, je me suis rendu compte de comment mon cerveau effaçait rapidement ces aspects négatifs de ma mémoire comme pour me protéger. C’est pas un discours de victime que je veux avoir, je ne veux pas être une victime et je ne veux pas faire gagner ces bourreaux.

Se rappeler qu’on veut nous taire

Quand j’ai pris le temps de réfléchir à tout ça en n’étant plus exposée à cette violence quotidienne et à l’œil d’un certain public qui attendait juste qu’on se plante, je me suis souvenue de deux ou trois choses :

— on veut faire taire les féministes

— je ne suis pas responsable des agissements des autres

— j’ai le droit de ne pas être parfaite et d’avoir des discordances de temps en temps aussi.

Surtout, je me suis rappelé qu’exposer ce genre de violence (comme je l’ai fait mille fois ailleurs) ça permettait de prouver son existence, que dénoncer n’est pas un acte de victimisation, mais bien un acte fort pour mettre en lumière les comportements violents. J’ai aussi le droit de prendre soin de moi et ne pas aller au front sur chacune des batailles.

C’est faux de penser que le corps et l’identité de genre d’une personne qui exprime un message méritent d’être rabaissés et dégradés.

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Oui, certaines personnes disent que s’exposer dans la vie c’est aussi accepter tacitement de se faire juger et répondre. Mais c’est faux de penser que le corps et l’identité de genre d’une personne qui exprime un message méritent d’être rabaissés et dégradés.

En attendant que les adeptes des boys club décident de débattre comme des grands, nous, les féministes, on va continuer de se donner le relais, de prendre chacun notre tour pour aller au batte, et de défendre ensemble de notre droit d’exister. Même si ça fait de la peine à des hommes dans la quarantaine!

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