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Porter des jupes quand on est un homme cis et hétéro

Ces hommes en jupe qui veulent s'habiller librement et changer les mentalités, une robe à la fois.

Par
Christiane Oyewo
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La pandémie a changé notre façon de nous habiller. Avec la généralisation du télétravail, l’absence du regard des autres et des injonctions sociales, on s’est réapproprié notre corps et son image. À l’instar des hommes qui portent des jupes et des robes sans pour autant faire partie du milieu drag queen. La jupe masculine était présente sur les podiums des créateurs en début d’année, et le sera encore lors des fashion week qui viennent de démarrer. « Tendance de la pandémie », selon le rédacteur en chef adjoint du service mode de The Guardian, la jupe parvient à convaincre les personnalités comme les anonymes.

« Nous avons vécu une période difficile, alors si je peux me faire plaisir en mettant des vêtements que j’aime, et bien pourquoi pas ? », nous a confié Camille, 52 ans, originaire de Moselle. Médecin dans un hôpital, il a commencé à sortir en kilt lors du premier confinement. « Il y avait moins de monde, et vu que ce n’est pas évident de sortir en jupe pour un homme, c’était plus facile. Et puis les gens l’associent au masculin… », m’explique-t-il. Petit à petit, il est passé aux jupes. Un peu comme Mark Bryan qu’on ne présente plus.

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Une publication partagée par Mark Bryan (@markbryan911)

« La jupe peut être masculine au même titre que le pantalon est un vêtement féminin »

Camille a toujours voulu porter des jupes et a toujours aimé les femmes qui en portaient, sans jamais remettre en question son identité de genre ou son orientation sexuelle pour autant. Enfant, il associait surtout ce vêtement à un sentiment de liberté : « Peut-être parce que ça vole, que c’est ample, qu’il n’y a pas de tissu entre les jambes, etc. Je ne cherche pas à me déguiser, juste à être libre de porter ce dont j’ai envie », précise le médecin qui entend bien montrer que la jupe peut être masculine au même titre que le pantalon est aussi un vêtement féminin.

«Les parents ne font pas porter de jupe à leurs petits garçons parce que les autres n’en font pas porter aux leurs ! Alors quand ils sont plus grands, ils n’en portent pas non plus. C’est un cercle vicieux qui ne fait aucun sens.»

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Jean-Michel, ancien mécanicien de l’armée de l’air qui vit dans le Cantal, est du même avis. Pour lui qui ne porte que des jupes et robes depuis trois ans, il faudrait que dans les magasins/magazines, les mannequins hommes portent les mêmes jupes et robes que les mannequins femmes. « Mais il y a toujours des stéréotypes qui perdurent depuis des générations. Les parents ne font pas porter de jupe à leurs petits garçons parce que les autres n’en font pas porter aux leurs ! Alors quand ils sont plus grands, ils n’en portent pas non plus. C’est un cercle vicieux qui ne fait aucun sens ».

« Je ne savais pas que les hommes avaient le droit »

Très présent sur les réseaux sociaux – notamment via l’association Hommes En Jupe dont il fait partie –, le mécanicien à la retraite est régulièrement spectateur d’échanges pertinents sur le sujet. Il voit par exemple passer des témoignages de mamans dont les enfants veulent porter des jupes et ne savent pas comment réagir ; ou des témoignages d’hommes ayant porté une jupe lors d’une soirée privée et qui ont apprécié la sensation, mais qui n’osent pas réitérer l’expérience en public, etc.

Jean-Michel dans l’une des centaines de jupes qu’il possède / Crédit : Jean-Michel
Jean-Michel dans l’une des centaines de jupes qu’il possède / Crédit : Jean-Michel
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« Un jour, mon directeur m’a fait une remarque parce que portais un short court alors qu’une collègue portait une très mini jupe : j’aurais dû me mettre en jupe mais je ne savais pas que les hommes avaient le droit ! », ironise Jean-Michel. En effet, à l’heure actuelle, aucun texte n’impose le pantalon ni n’interdit de porter une jupe ou une robe à quiconque. Contrairement à cette loi qui était en vigueur de 1800 à 2013 (oui oui vous avez bien lu) et qui interdisait aux femmes de porter… un pantalon sans autorisation de la Préfecture de police.

Selon Jean-Michel, si rien n’interdit aux hommes de porter une jupe, ils devraient tous s’y mettre : cela aiderait à ouvrir les esprits et à respecter davantage les femmes qui en portent. « Notamment dans les transports en commun où certains hommes font vraiment preuve d’incorrection. Déjà si les hommes portaient des jupes, ils ne pourraient plus s’assoir les jambes écartées et ne gêneraient plus les personnes assises à côté d’eux. Cela aurait aussi une incidence sur le comportement, c’est certain », commence Jean-Michel avant d’ajouter : « S’il y avait plus d’hommes en jupes/robes, les femmes auraient beaucoup moins de réflexions, seraient moins harcelées et plus respectées, j’en suis persuadé ».

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« Il est inévitable de croiser des hommes en jupes, robes »

Quant au regard des autres, Camille n’y va pas par quatre chemins : « Franchement, je m’en fous de ce qu’ils en pensent ». Même s’il avoue que ce n’est pas toujours évident. « Au bout de 2 ans, j’ai appris à ne plus faire attention : je suis bien en jupe, je ne fais rien d’indécent, et je ne porte rien d’indécent », confie le médecin qui porte un pantalon pour travailler afin de respecter une certaine neutralité vis à vis de ses patient.es. Du côté de sa famille, ses robes font sourire ses deux ados et ont tendance à gêner sa femme qui n’aime pas trop se faire remarquer. « Mais les longues jupes qui font un peu hippie, ça passe mieux ! »

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Pour Xavier qui porte des robes et des jupes depuis qu’il est petit, la question du regard des autres ne se pose pas. « En habitant Bruxelles, ville européenne de plus d’un million d’habitants, il est inévitable de croiser des hommes en jupes ou en robes ! », confie celui qui considère que les débats vestimentaires ne concernent encore et toujours que les femmes, hélas. « Soit c’est trop court ou trop long, pas assez coloré ou pas assez féminin, ou alors trop masculin, etc. On ne s’en sort pas. Est-ce un résidu de l’époque où les femmes faisaient partie du patrimoine familial, susceptibles d’être négociées avec le riche propriétaire voisin ? », lance le Bruxellois qui s’interroge réellement sur la question qui fait encore souvent débat.
Les récentes polémiques sur la tenue de l’équipe nationale féminine de Beach Handball norvégienne jugée trop longue car elles étaient en short et non en bikini, ou encore le justaucorps intégral de l’équipe de gymnastique allemande durant les JO de Tokyo le prouvent.

En attendant que les moeurs évoluent, laissons les jupes opérer doucement un changement vers plus d’égalité.

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Ce texte a d’abord été publié sur URBANIA.fr.

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