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Polar: le pire film au monde

Comment ce film a-t-il été produit et distribué? Mystère!

Par
Benoît Lelièvre
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On ne fait jamais exprès de regarder un film de marde. *

C’est juste quelque chose qui arrive, une fois de temps en temps. Ça se passe d’habitude pendant une soirée de couple où on s’obstine pendant une demi-heure parce qu’on sait pas trop quoi regarder. On finit par choisir un film qui traîne depuis trois ou quatre mois dans la liste Netflix de l’un de nous deux (parce qu’il faut bien choisir quelque chose) et ce qui arrive plus souvent, c’est qu’on est juste déçus. Comme lorsqu’on essaie de faire l’amour après avoir bu trop de vin.

Mais LA fois où on n’est pas juste déçus, elle fesse dans le lobe frontal comme la fois où vous avez été pogné à regarder Caillou pendant 4 heures avec le neveu de quelqu’un que vous ne connaissez pas vraiment.

C’est comme ça que nous sommes tombés sur Polar, une production Netflix qui avait l’air, à première vue, d’un John Wick des pauvres. Regardez par vous-mêmes:

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Piiis… ben, c’est même pas un John Wick des pauvres. C’est vraiment beaucoup moins bon que ça. C’est pas le genre de film que quelqu’un peut trouver bon. Si quelqu’un lit ça et se fâche parce qu’il ou elle a légitimement aimé Polar, ça veut dire l’une des trois choses suivantes:

1) C’est le premier film que vous regardez dans votre vie.

2) Vous avez grandi en captivité, torturé par quelqu’un qui vous faisait écouter des films de marde 16 heures par jour.

ou

3) Vous êtes une mauvaise personne.

L’histoire de Polar est, somme toute, simple: Duncan (l’excellent Mads Mikkelsen) est un légendaire tueur à gages qui se voit forcé de prendre sa retraite à l’âge de 50 ans. Dans 14 jours, il touchera ses cotisations au fond de pension de son employeur (beaucoup de bidoux) et partira vivre le reste de sa vie où bon lui semble. Sauf que le fond de pension est un scam et le patron Blut (un Matt Lucas particulièrement grotesque et ignoble) met un contrat sur la tête de Duncan au lieu de le payer. En gros, c’est ça.

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Mais ça suck. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Comme ça, vous aurez le loisir d’ignorer Polar ou de le «hate-watcher» avec une opinion informée.

Ah oui. J’oubliais presque: alerte au divulgâcheurs, je ne me retiens pas du tout. PAS. UNE. ESTIE. DE. SECONDE.

Protagonistes insipides

Ce qui fait un bon récit, ce sont des personnages dont on ne se contre-câlisse pas.

Plus particulièrement le ou les protagonistes. Les personnages dont on est supposés ne pas se contre-câlisser.

Comme par exemple John Wick: un tueur à gages ayant perdu sa femme par des causes naturelles et son chien par des causes de bandit pas de coeur. Endeuillé jusqu’aux sourcils, Wick décide de venger la mort de son chien en assassinant assez de bandits russes pour remplir le Stade Olympique. Sa réaction à la mort de son chien est ridiculement exagérée, mais on empathise quand même avec sa situation parce qu’on la comprend. Tout le monde (ou presque) a déjà connu un deuil et sacré contre sa propre impuissance parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire, sinon d’attendre que ça passe.

Bon.

Camille, c’est ce qu’on appelle dans le jargon un MacGuffin. Un personnage qui n’a rien à faire dans l’histoire, mais qui s’y trouve pareil parce qu’elle sert un dessein précis.

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Duncan, de loin le personnage le plus complexe et intéressant de Polar, n’a pas vraiment de situation avec laquelle empathiser. C’est un vieux garçon sans famille qui prend sa retraite et qui ne sait pas quoi faire de sa vie. C’est assez plate merci comme prémisse de personnage. L’écrivain de Polar Jayson Rothwell ** contourne ce problème via le personnage de Camille, interprété avec brio par une Vanessa Hudgens que j’ai peiné à reconnaître.

Camille, c’est ce qu’on appelle dans le jargon un MacGuffin. Un personnage qui n’a rien a faire dans l’histoire, mais qui s’y trouve pareil parce qu’elle sert un dessein précis. Ici, la petite voisine maladroite sert à réconcilier Duncan avec son passé de tueur à gage et à lui prouver qu’au fond, il est un sapré bon gars.

Stéréotypé mais efficace, right?

Ouin… non. En plus d’être vide comme un concurrent d’OD dont on ne se rappelle pas, Duncan traîne sa voisine de chalet inoffensive dans une confrontation mortelle avec les meilleurs tueurs à gages au monde parce que… ça le fait sentir bien avec lui-même? Ça le fait sentir comme s’il était un papa? C’est trou de cul et pas juste un peu.

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Duncan est excellent à sa job et c’est pas mal le seul trait positif que je puisse lui donner. Mais comme tous les gens qui font juste travailler dans la vie, il est plate et égocentrique. ***

Fétichisation de la violence

C’est là que ça se gâte en ti-pépère et quart, pour Polar.

Écoutez, j’ai rien contre un film qui présente un tueur à gages comme un gars sexy et bien habillé. Oui, ça fétichise la violence mais ce monde-là fait beaucoup de bidoux et c’est pas si extraordinaire de croire qu’ils flambent leur cash sur du linge, des travailleuses du sexe et des Lamborghini. J’veux dire, regardez le monde des cartels au Mexique. C’est dangereux, mais c’est glamour.

Mais t’sé… tes méchants ont beau être méchants, ils sont: 1) habillés comme des clowns de cirque. Une fille est en latex, l’autres est toute nue la moitié du temps, le Russe est en track suit, le Mexicain est habillé en pseudo-cowboy, etc. 2) Ils passent le film à torturer des gens qui n’ont pas rapport avec l’histoire dans des scènes beaucoup trop longues et 3) Ils n’ont absolument aucun désir individuels sauf de faire plaisir à leur boss… qui a l’air de tout, sauf d’un professionnel du meurtre:

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Polar, c’est d’abord et avant tout une série de scènes hyperviolentes gratuites et colorées. Je n’ai rien contre les films violents. Au contraire, j’en suis plutôt fan. Mais lorsque la violence ne pèse rien dans un film, il n’y a pas d’enjeux. Dans Polar, tout le monde à part Duncan pourrait mourrir sous une pluie de balle et ça ne changerait absolument rien à l’histoire. Le gars veut juste se faire crisser patience et personne n’a de raison de l’emmerder… à part que, vous savez, ça fait avancer l’histoire.

J’suis tannant avec les parallèles de John Wick, mais il y a littéralement juste un meurtre qui compte dans ce film. Celui du chien. Mais on comprend.

Dans Polar, le nombre de meurtres qui compte est de 0. Même la scène de torture ultra-gore à la fin ne porte aucun poids parce qu’elle n’est pas méritée. Duncan se fait prendre par Blut… parce que le protagoniste se fait prendre par le méchant d’habitude, dans les films. Blut est tellement inepte, que son sadisme est zéro crédible.

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Mysoginie

Ben oui. Ben oui. J’vous entend: Booo, URBANIA parle de misogynie dans la culture populaire. Booooooo. Prévisible.

D’habitude, j’essaie de laisser cette discussion à des voix plus pertinente que la mienne, mais bâtard… on étire la sauce ici. Ce film possède une ceinture noire en misogynie.

Il y a quatre personnages féminins dans Polar:

Camille: qui se fait kidnapper

Vivian: qui parle au téléphone

Hilde: qui porte du latex et qui baise un gros dégueu sans sex-appeal. Parce que le gros dégueu sans sex-appeal a besoin d’une blonde, right?

Sindy: qui baise absolument TOUT LE MONDE.

Une biche en danger. Une téléphoniste. Une fantaisie sexuelle fétichiste et une fantaisie sexuelle tout court. Et lâchez-moi avec cette idée que ce genre de personnages féminins représente un idéal de femme forte. Elles sont des fantaisies sexuelles toutes droites sorties de cerveaux d’hommes qui se trouvent très woke d’imaginer des femmes qui font des spin kicks en portant des bobettes de cuir et des talons aiguilles. La professeure universitaire en Gender Studies Caroline Heldman a qualifié ce genre de personnage de fighting fuck toy, dans cet essai que je vous suggère de lire.

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Faut se mettre dans leur peau, les gars. Un gars qui se bat en jeans Gucci trouées à 500$, en camisole fishnet et bottes de cowboy, ça a l’air niaiseux en criss. Donnez la même liberté aux femmes de ne pas avoir l’air d’un vagin ambulant lorsque leur vie est en jeu.

Ah oui, pis Camille est habillée en poche de patate pendant tout le film aussi.

*

Sur ce, rappelez-vous que les pires films ne sont pas seulement niaiseux ou mal écrits. Ils sont aussi paresseux et mal intentionnés. Le pitch pour Polar devait ressembler : «Yo, y’a Mads Mikkelsen pis ben, ben, ben des guns. C’t’un peu comme John Wick, mais pas beaucoup.»

C’est juste plate que le produit final n’ait pas plus de profondeur que l’idée de départ.

C’est d’la marde.

* Sauf pour The Room. YOU’RE TEARING ME APART, LEESAAAAAA

** Pas besoin de me dire que c’est inspiré d’une bédé dans les commentaires. Je sais. Et si l’histoire vient de la bédé…. et bien c’est tout aussi d’la marde.

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*** Pour ceux qui ont vu le film, je sais qu’il y a une ÉNORME twist avec Camille à la fin. Ça n’explique toujours pas pourquoi Duncan ne l’a pas envoyée au Gabon via FedEx quand il a su qu’il avait un contrat sur sa tête.