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Po pire, po pire, po pire – Une journée avec Ron Fournier

Un homme près de la glace et près des fans.

Par
MC Gilles
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Ce reportage est tiré du magazine URBANIA spécial hockey paru à l’automne 2008. Oui, oui, celui avec la couverture, hum, sulfureuse .

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Depuis qu’il a mis fin à sa glorieuse carrière d’arbitre, Ron Fournier tient la barre de l’émission numéro 1, les Amateurs de sports.

Confident sportif des couche-tard, il se démarque par son style bien à lui. Qui de mieux que MC Gilles, le roi des ondes de CISM en personne, pour passer une journée avec lui? Récit de sa rencontre avec l’icône du sport et des médias.

Amateur de sports ou non, on ne peut qu’être jaloux de ma situation : une journée avec Ron, match de hockey en prime. D’entrée de jeu, je m’attendais à rencontrer un homme simple mais flamboyant. Je ne crois pas n’être trompé.

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13:30 – Vie de bureau

Dans son bureau vert-lime, Ron est bien en forme. Contrairement à bien d’autres «védettes» du milieu sportif, il est exactement le même en personne qu’au micro. Rieur et décontracté. «On a souvent demandé à ma femme de parler du personnage de Ron Fournier, dit-il. Dans ce temps-là, elle répond toujours : “Ron Fournier, c’est surtout pas un personnage. Ce que vous voyez, c’est ce qu’il est.”»

Ron réserve ses débuts d’après-midi à répondre à ce qu’il appelle ses «christie de courriels», nouvel outil pour animateur averti. Si la majorité des auditeurs lui écrivent de gentils messages, d’autres ne comprennent pas toujours la subtilité de ses blagues… La veille, le roi des ondes sportives a dit à la blague qu’il allait publier ses mémoires dans 45 ans.
Un auditeur –qui était offusqué que Ron ne les publient pas tout de suite– lui a écrit que Dieu le puniera sans doute bientôt.

Ron prend le temps de lui répondre.

14:45 – Contrat potentiel

Le calme du studio est rompu par l’arrivée en trombe du directeur des ventes de Corus. L’heure semble grave.
– Est-ce que je peux te voir après Ron? lance-t-il désespérément.
– Pense pas. Aujourd’hui, eux-autres, ils couchent avec moi! répond-t-il en pointant à la photographe et moi.

Le vendeur décide de discuter avec Ron ouvertement. Alerte rouge. Bergeron et Demers auraient été préssentis pour faire une publicité de Loto-Québec alors qu’on avait dit à Ron qu’il était leur premier choix. Ce dernier saute sur le téléphone. Nous assistons, attentifs, à ce moment de journalisme-vérité:
– Allô! Allô! Allô? Allô? C’est Ron Fournier. Qu’est ce qui se passe?
– …
– Je ferai la publicité radio.
– …
– Pas de problème, alors!

Il raccroche satisfait. Le calme revient.

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15:10 – Combat de Ron

En plus d’être un communicateur au courant de tous les faits et gestes de la Ligue Nationale, Ron est un agent de changement social. Entre deux courriels, l’ancien arbitre de la LNH en profite pour me parler de son combat auprès de l’administration du Canadien. Il tente actuellement de les convaincre de retirer le chandail d’Émile «Butch» Bouchard. L’idée de cette mission lui est venue du grand Maurice en personne : à une autre époque, ce dernier lui avait confié que Bouchard était le meilleur athlète que le CH n’avait jamais connu. «Quand je parle de mon combat, y en a qui répliquent qu’ils ne l’ont pas connu… Hé bien moi, j’ai pas connu Jules César et je peux quand même reconnaître ce qu’il a fait! explique-t-il en me montrant ses photos, ses volumineux dossiers de recherche et ses emails d’appui. Je ne lâcherai pas tant qu’ils ne retireront pas son numéro 3!»

15:30 – Départ pour le Centre Bell

Nous quittons les bureaux de Corus et marchons de la Place Bonaventure à l’aréna du Club. Sur notre chemin, Ron multiplie les «Bonjour, comment ça va? Po pire po pire po pire». Il salue tout le monde. Même ceux qui ne le reconnaissent pas. Portiers, préposés, passants… «Moi, je parle pour le peuple, pas pour l’establishment, dit-il. C’est pour eux que j’utilise le pouvoir de mon micro! Faut pas sous-estimer son pouvoir… C’est grâce à lui que je peux changer des choses.»

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15:45 – Galerie de presse

Dans les couloirs du Centre Bell, chaque rencontre provoque une discussion. Le directeur-gérant des Red Wings de Détroit considère que Montréal a une bonne équipe. Un journaliste de RDS défend les bagarres dans la Ligue de Hockey Junior Majeure du Québec. Rodger Brulotte lui fait l’accolade. Ron ne note rien, il discute tout bonnement avec ses collègues qu’il appelle systématiquement «buddy». Ces conversations sont des plus banales et se terminent toujours par une question subtilement plus pointue: «Qu’est-ce que tu penses du jeune Webber?», «Penses-tu que ça nuit à la Ligue Junior Majeure du Québec d’enlever les bagarres?»

En arpentant les couloirs du Centre, Ron s’arrête d’un coup sec pour cogner à la porte de Bob (Gainey):
– (Bruit de porte)
– …
– (Re-bruit de porte)
– …
– Il doit être occupé! rétorque Ron.

16:00 – Interventions radio

Arrivé au mini-studio de CKAC dans les hauteurs du Centre Bell, Ron se prépare à intervenir dans l’émission sportive de fin d’après-midi, avec ses collègues Dany Dubé et Michel Villeneuve. Avant le début du show, les trois hommes parlent peu, mais lorsque les micros s’ouvrent, ça discute ferme. La langue de bois demeure au vestiaire. Sujet principal aujourd’hui: «Ryan O’Byrne va-t-il jouer comme défenseur à gauche ou à droite?» Lorsque la lumière rouge s’éteint, les trois analystes regardent nonchalamment TSN, relisent des stats de la veille pour y débusquer une information nouvelle, feuillettent le guide des Red Wings de Détroit, gagnants de la dernière Coupe Stanley.

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Entre deux interventions, le vieux pro me regarde et m’offre un de ses précieux conseil radiophonique: «Tu termines toujours tes émissions par une question. Ça garde l’auditoire en haleine, dit-il. Après ça, les gens vont revenir pour entendre la suite.» Je note. Il retourne en onde et pose sa fameuse question du jour : «Qui pourrait être le capitaine du CH advenant le départ de Koivu?»

17:15 – Choix des places

En sortant du studio, on sillonne ensemble l’immense galerie de presse qui fait le tour complet du Centre Bell, à la hauteur de la Zone Molson Ex. Peu de journalistes sont arrivés, mais on sent que Ron est déjà fébrile à l’idée d’occuper les ondes. Il scrute les meilleures places derrière le but de Price et y dispose les chaises les plus confortables. «Tu vois, je m’arrange toujours pour voir le jeu de long en large, dit-il. D’ici, je vois comment le jeu se développe et le banc des joueurs.» Je note à nouveau.

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17:30 – Souper

Au salon, à l’entrée de la galerie de la presse, ça rit ferme. Une belle ambiance de cabane à sucre familiale. La centaine de journalistes et les joueurs s’arrachent les doigts de poulets et la salade de patate maison : Jean Perron, Christian Gauthier, Dave Morissette, tout le monde y est! Mais dans la salle de presse, Ron est la star. Même Steve Bégin, qui n’a pas été retenu pour ce match, est moins populaire que lui… Ron sourit et blague. Steve semble triste et rejeté. «J’connais pas beaucoup de jobs plus intéressante que la mienne», me confie l’animateur-vedette.

19:30 – Match

La foule est compacte sur la galerie. Les journalistes juniors ne tiennent plus en place, mais Ron demeure de glace. Même s’il a pris le temps de bien choisir son siège, il est toujours debout. Il maximise ses contacts et visite les bureaux administratifs du fameux deuxième étage, là où se prennent les décisions. Il en profite pour discuter avec Doug, Randy et Yvon qui viennent du Michigan ou de la Caroline. Ses conversations ne sont pas anodines: elles lui permettront de meubler son émission les Amateurs de sport après le match.

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En deuxième période, Ron prend finalement sa place, après avoir complété le tour de tous ces informateurs. À 20h52, le Canadien ouvre la marque. C’est 1-0. Ron s’assied avec le journaliste Pierre Rinfret. Pierre est ému. Ron ne bronche pas. À 21h18, les Red Wings égalisent. Ron note 1-1 sur sa feuille, calmement. Rien ne semble vouloir le perturber.

Pendant la troisième période, ça discute ferme sur la galerie. J’ai droit à un 110% en privé. Pierre Rinfret essaie de convaincre Ron que le Canadien aura une équipe dominante cette année.
– Mais je te dis qu’ils vont être dominants!!! Avec Tanguay! Imagine! dit Pierre.
– C’est vrai que c’est une bonne petite équipe, répond Ron.
– Tu vas voir, ils vont dominer leur section. Pierre s’emporte.
– Comme j’te dis, ils ont une bonne p’tite équipe.

Cette discussion occupera toute la troisième période.

Le CH gagne finalement le match en tirs de barrage. Les trois étoiles vont au Canadien alors que les deux équipes ont été relativement de même calibre. Je démontre mon indignation à Ron. «Trois étoiles au CH quand les deux équipes étaient de même calibre, tant qu’à ça, on devrait enlever ça les étoiles!»

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22:38 – Début de l’émission

Sa sainteté Ron, tel que présenté sur les ondes par Martin McGuire, se prépare pour son émission culte. Seul dans son studio sur la passerelle du Centre Bell, il fixe l’horizon composé de bancs vides. Aucun stress à l’horizon.
– Es-tu préparé Ron?
– Moi, me préparer?! Pas besoin!

Ron s’assoit et jase calmement du match avec moi. Au beau milieu d’une phrase, il met ses écouteurs et envoie un langoureux «Bonsoir!» L’émission est lancée et c’est le commentaire que je lui ai fait après le match sur les trois étoiles qui ouvre le show. J’avoue ressentir une certaine fierté…

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En ondes, Fournier ne respecte aucune convention radiophonique : il hausse le ton, répète des mots le plus rapidement possible, il chante, il crie. Ron, c’est avant tout un show, une prestation d’entertainer, bien plus qu’une émission de sport. Pendant la pause, j’en profite pour lui dire : «Tu sais Ron, si tu avais fait un cours de radio, ça ne serait pas aussi bon!» Il sourit, fier de sa liberté et des commentaires gagnants qu’il a lancés. Il revient en ondes, se lève, s’assoit, gesticule. Il est tout simplement en feu.

22: 41

– Un auditeur : Wow! L’écran géant Ron, l’écran géant!
– Ron : Y a coûté cher, y a coûté cher, y a coûté cher… Mais qu’est ce qu’on va faire avec le vieux?

22: 47

– Ron : Vous êtes allé au match avec combien d’amis?
– Un auditeur : On était trois!
– Ron : Vous êtes chanceux vous, la majorité des gens en ont juste deux!

22: 50

– Un auditeur : Pacioretty patinait comme un train à soir Ron!
– Ron : …
(Ça patine bien un train?)

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23: 15

– Ron : Votre épouse va vous préparer un sandwich au baloney en arrivant du match?
– Un auditeur : Oui, justement on arrive dans notre entrée en ce moment même!

23: 24

– Ron ironique : Vous avez raison monsieur, «les zarbites», ça ne devrait pas exister. On devrait mettre ça dehors! On devrait faire faire ça par des machines. Pis si on est 10 ou 15 personnes à écrire au baseball majeur, on va ramener notre équipe à Montréal !

23:38 – Fin de l’émission

L’émission est terminée. Ron regarde l’aréna vide, ému. Quelques employés s’affèraient à ramasser de restants de bières à neuf dollars. Avant de partir, il remercie son fidèle metteur en ondes, Martin, qui lui souffle les noms des dizaines d’intervenants de la soirée à l’oreille pendant l’émission. Puis il accroche sa paire d’écouteurs, satisfait du devoir accompli.

On quitte le Centre Bell en saluant le journaliste François Gagnon de La Presse, qui avoue passer sa vie avec le Canadien. Ron est fatigué, mais toujours sympatique: «Si j’avais 20 ans, on irait prendre une bière, peut-être même deux!» me dit-il. Avant de séparer nos voies, je lui pose une dernière question sur sa retraite potentielle. Il avoue ne pas y penser et affirme qu’il continuera encore longtemps d’animer nos fins de soirées…

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