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Plier sa vie à la verticale : Marie Kondo et notre appétit pour la performance

Les apparences sont parfois trompeuses.

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The Atlantic dresse un portrait alarmant des millénariaux : une gang de control freak dont le bonheur passe d’abord par le regard de l’autre. Que ce soit par l’approbation de leurs parents ou par leur succès au travail, tous les aspects de leur vie doivent être admirés, enviés.

Puisqu’ils sont les plus enclins à « binge-watcher », rien de mieux que de les mettre en scène dans les nouvelles séries à succès comme Tidying Up With Marie Kondo.

C’est ainsi qu’on en vient à raconter l’histoire de Frank et Matt, un couple gai californien, qui se sont rencontrés sur Tinder et qui emménagent dans leur (trop petit) premier appart. Ils s’apprêtent à recevoir leur famille dans leur nid d’amour, mais comble du malheur, ça transparait dans leur logement que leur lifestyle n’est pas aussi instagrammable qu’ils le souhaiteraient.

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Dans le but de charmer la belle-famille, ils font donc appel à Marie Kondo, gourou du pliage de linge en p’tit triangle (ou en carré, on n’arrive pas à se décider au bureau), pour les aider à mettre de l’ordre dans leur logis et ainsi pouvoir faker une vie rangée et optimisée.

L’épisode en question illustre bien un mal qui ronge plusieurs jeunes adultes, c’est-à-dire un appétit démesuré pour une vie optimisée dans les moindres détails. Une conception de la réussite qui nous mettrait à l’abri d’un mal encore plus grand : l’anxiété.

Selon le magazine américain, le perfectionnisme que s’infligent les millénariaux prend sa source dans notre éducation : celle qui laisse sous-entendre que notre succès personnel passerait par notre caractère « exceptionnel ».

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Selon le magazine américain, le perfectionnisme que s’infligent les millénariaux prend sa source dans notre éducation : celle qui laisse sous-entendre que notre succès personnel passerait par notre caractère « exceptionnel ». Cela marque une rupture avec l’éducation des générations précédentes où l’épanouissement se mesurait par certaines étapes-clés franchies au fil du temps : fin des études, mariage, enfants, achat d’une propriété, retraite à jouer au golf.

Mais aujourd’hui, alors que nous sommes davantage éduqués, que l’on croule sous les dettes d’études et que le marché immobilier est moins accessible, la définition d’une vie d’adulte réussie est plus floue.

On se base donc désormais sur la performance. Qui aura été le plus jeune à être successful? Comment peut-on maximiser notre quotidien pour en faire plus, toujours plus et si c’est pas assez on se lèvera encore plus tôt? C’est comme si l’on croyait qu’en organisant et en classant notre vie dans des petites boites, tout le reste allait suivre.

C’est pourquoi certains se questionnent à savoir si les millénariaux ne seraient pas la «génération burnout». Quand la performance devient plus importante que le quotidien et la vie « réelle », on peut se demander si l’on dépense notre énergie aux bons endroits.

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Cette génération, même si on commence à comprendre qu’elle n’est pas si homogène, est la première à naître dans un monde occidental néo-libéral où l’on met l’accent sur l’individualisme plutôt que sur le collectif, explique la journaliste Sophie Gilbert. Ceux qui en font partie sont donc plus enclins à tomber dans le gouffre du perfectionnisme, à être moins heureux, plus anxieux et jamais satisfaits de leurs performances.

Netflix nous met depuis quelques semaines, avec Marie Kondo, cette réalité en pleine face. Si on éprouve un malaise, c’est peut-être un peu parce qu’on se reconnait dans cette quête de la performance à tout prix et qu’on sait déjà que ce n’est pas ça qui spark joy.