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Plaidoyer pour plus de sneakers à l’assemblée nationale
L’image frappe l’imaginaire : Bruno Marchand, nouveau maire de Québec, les deux pieds croisés posés sur « la table éditoriale » du Devoir. Outre son air parfaitement décontracté, ce qui saute aux yeux, c’est sa paire de chaussures de course Asics aux couleurs aussi pimpantes qu’audacieuses. On jurerait qu’il marche dans les pas de l’avant-garde du Mile End. Ou plutôt de Saint-Roch.
Le ton est tout de suite donné et, pour bien des jeunes électeurs et électrices, l’œil est curieux, même pour un article de plus de 1000 mots dont la durée de lecture frôle les 5 minutes, une éternité pour plusieurs millénariaux, desquels on s’arrache pourtant l’attention. Ça tombe bien, le discours est aligné avec leurs valeurs : revoir les positions et la collaboration des villes devant les défis climatiques. J’achète le discours (et peut-être même les espadrilles).
Le portrait de M. Marchand jure particulièrement avec la publication de François Legault sur son compte Twitter, le 4 avril dernier, où on le voit en visioconférence avec le ministre de la Santé Christian Dubé, le directeur de la santé publique par intérim, Dr Boileau, ainsi que la sous-ministre Dominique Savoie. La photo accompagne un message tout à fait louable invitant les gens à rester vigilants face à la recrudescence pandémique. Les membres du quatuor n’ont toutefois pas exactement la superbe du maire de Québec, pourtant d’à peine 10 ans leur cadet. Ils ont plutôt l’air de la famille éloignée un peu malaisante qu’on évite au brunch de Pâques. Brunch auquel on n’ira d’ailleurs pas, suivant leurs recommandations. Pour les protéger.
L’Assemblée nationale, tout comme le conseil des ministres, bénéficierait grandement d’une représentativité un peu plus inspirante pour les jeunes Québécois.es.
Ce n’est pas tant une affaire de style ou d’apparence physique et l’idée n’est surtout pas de faire preuve d’âgisme, mais même si leurs chaussures (sans doute de cuir) ont beaucoup voyagé et que leurs feuilles de route sont extrêmement bien garnies, on peut douter que l’image et le propos de ces quatre représentant.e.s de l’État, tou.te.s âgé.e.s de plus de 60 ans, arrivent à séduire les électrices et électeurs millénariaux, qui sont un peu moins de 3 millions selon l’Institut de la statistique du Québec. C’est autre chose pour mon père de 70 ans (71 ce dimanche : bonne fête papa!), qui s’y reconnaît et se félicite régulièrement d’avoir voté pour eux.
Au moment où les partis d’opposition aiguisent leurs stratégies électorales pour la campagne qui s’amorcera cet automne et que plusieurs élu.e.s annoncent qu’ils et elles ne se représenteront pas, ça me parait une bonne idée de chercher à ouvrir davantage la porte à de jeunes candidat.e.s, surtout devant le raz de marré caquiste que la partielle de Marie-Victorin nous permet d’anticiper.
Un conseil que devrait sans doute suivre le Parti libéral et le Parti québécois, dont le glas sonne de plus en plus fort dans les circonscriptions jadis leurs bastions. Au-delà des vieux partis, cela contribuerait surtout à stimuler l’intérêt et la vigueur politique des plus jeunes et, ultimement, à élire un gouvernement qui répondrait véritablement à leurs besoins et à leurs préoccupations.
L’Assemblée nationale, tout comme le conseil des ministres, bénéficierait grandement d’une représentativité un peu plus inspirante pour les jeunes Québécois.es, qui, rappelons-le, sont ceux et celles qui font le plus les frais de la crise environnementale et du climat économique. Ces mêmes qui doivent se contenter de politiques insuffisantes pour y faire face.
Le premier ministre pourrait certainement se targuer d’avoir des élu.e.s comme Geneviève Guilbault et Simon Jolin-Barrette, qui a non seulement mon âge, mais qui représente la circonscription où j’ai grandi, Borduas, mais franchement, j’aurais besoin de remonter loin dans mes textos pour trouver quelqu’un qui s’y reconnaît. En plus, même si la journaliste Émilie Dubreuil affirme le contraire, je ne suis pas convaincu que le ministre Jolin-Barrette n’est pas un robot. Avez-vous déjà vu son compte Instagram? On dirait que c’est généré de manière procédurale. Ou que c’est celui d’un boomer.
Les souliers de course de Bruno Marchand ont surtout la qualité d’incarner à merveille la cadence avec laquelle se renouvelle la politique municipale.
Vraiment, le gouvernement élu n’en est pas un pour les jeunes. Même dans les bureaux ministériels, on semble trouver le temps long, comme en témoigne ce lien vers un site pornographique bien connu glissé par erreur dans le tweet hébergeant le bilan pandémique quotidien du gouvernement, jeudi matin.
Bref, au-delà du chemin qu’ils lui permettront de parcourir, les souliers de course de Bruno Marchand ont surtout la qualité d’incarner à merveille la cadence avec laquelle se renouvelle la politique municipale, comme en témoignent aussi Catherine Fournier et Stéphane Boyer, respectivement maire de Longueuil et de Laval. Je suis certain que nous sommes plusieurs qui aimeraient voir le provincial emboîter le pas à ce vent de changement. Encore faut-il que les jeunes électeurs et électrices se rendent aux urnes et demandent, à travers leurs votes, la même chose.
Mais pour y arriver, il faudra d’abord qu’ils et elles puissent trouver chaussure à leur pied.